Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 janvier et 6 mai 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Pierre A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 4 novembre 2003 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à ce que soit déclaré illégal le titre exécutoire émis à son encontre le 11 mai 1998 par le maire de la commune de Saint-Maurice-lès-Charencey en vue de recouvrer la somme de 1 156 F correspondant aux frais exposés pour reproduire un document administratif dont il avait demandé la communication ;
2°) de déclarer illégal le titre exécutoire émis le 11 mai 1998 par le maire de la commune de Saint-Maurice-lès-Charencey ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Maurice-lès-Charencey une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses disposition d'ordre administratif, social et fiscal ;
Vu le décret n° 62-1587 portant règlement général sur la comptabilité publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Agnès Karbouch-Polizzi, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Thouin-Palat, avocat de M. A et de la SCP Vincent, Ohl, avocat de la commune de Saint-Maurice-lès-Charencey,
- les conclusions de M. Laurent Vallée, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A a demandé, le 14 février 1997, au maire de la commune de Saint-Maurice-lès-Charencey que lui soit communiquée la photocopie d'un document de 289 pages relatif à la gestion du service de distribution d'eau potable ; que par une délibération du 7 mars 1997, le conseil municipal de Saint-Maurice-lès-Charencey a fixé, pour les demandes tendant à la communication de documents administratifs, le prix de la photocopie à 4 F l'unité ; que par un courrier du 30 avril 1998, le maire de la commune de Saint-Maurice-lès-Charencey a fait savoir à M. A qu'il tenait à sa disposition les photocopies demandées, sous réserve que l'intéressé s'acquitte au préalable, auprès de la trésorerie de l'Aigle, d'une somme de 1 156 F correspondant aux frais engagés pour la reproduction du document dont il avait demandé la communication ; que le 11 mai 1998, le maire de la commune de Saint-Maurice-lès-Charencey a émis à l'encontre de M. A un titre exécutoire d'un montant de 1 156 F ; qu'après que le trésorier de l'Aigle eut demandé la saisie des rémunérations de M. A, l'intéressé a formé une opposition à poursuites devant le tribunal de grande instance de Mortagne-au-Perche ; que par un jugement avant dire droit du 18 décembre 2002, ce tribunal a renvoyé M. A devant la juridiction administrative aux fins d'apprécier la légalité du titre exécutoire émis le 11 mai 1998 ; que M. A demande l'annulation du jugement du 4 novembre 2003 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté ses conclusions tendant à ce que soit déclaré illégal le titre exécutoire émis le 11 mai 1998 ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que l'avocat de M. A a été informé, par une lettre recommandée avec accusé de réception distribuée le 1er octobre 2003, de la date de l'audience ; qu'il suit de là que le moyen tiré par M. A de ce qu'il n'aurait pas été informé de la date de l'audience manque en fait ;
Considérant, en deuxième lieu, que la commune de Saint-Maurice-lès-Charencey se bornait, dans le mémoire qu'elle a fait enregistrer au greffe du tribunal le 2 octobre 2003, à présenter des observations relatives au moyen d'ordre public qui avait été préalablement communiqué aux parties par le tribunal sur le fondement de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ; que ce mémoire ne contenait aucun moyen nouveau qui aurait été de nature à justifier qu'il soit communiqué à M. A ;
Considérant, en troisième lieu, que la circonstance que la requête de M. A a été communiquée au trésorier-payeur général de l'Orne alors que celui-ci n'était pas l'auteur du titre exécutoire litigieux est sans incidence sur la régularité de la procédure à l'issue de laquelle le tribunal administratif de Caen a statué sur le recours en appréciation de légalité présenté par M. A ;
Sur la légalité du titre exécutoire émis le 11 mai 1998 :
Considérant que le recours en appréciation de légalité d'un acte administratif sur renvoi de l'autorité judiciaire n'est soumis à aucune condition de délai ; que par suite, c'est à tort que, par son jugement en date du 4 novembre 2003, le tribunal administratif de Caen a estimé que les moyens par lesquels M. A contestait la régularité du titre exécutoire émis le 11 mai 1998 à son encontre par le maire de la commune de Saint-Maurice-lès-Charencey devaient, faute pour eux d'avoir été présentés dans le délai de recours contentieux de deux mois ayant couru au plus tard à compter de la date d'enregistrement de la demande de M. A au greffe de ce même tribunal, être écartés comme irrecevables ;
Considérant qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens écartés à tort par le tribunal comme irrecevables, puis, le cas échéant, de se prononcer sur les autres moyens d'appel soulevés par M. A ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 25 du décret du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique : Le recouvrement forcé des créances est poursuivi par les voies de droit en vertu d'un titre ayant force exécutoire. / Sauf exceptions tenant soit à la nature ou au caractère contentieux de la créance, soit à la nécessité de prendre sans délai des mesures conservatoires, le recouvrement forcé est précédé d'une tentative de recouvrement amiable ; que ces dispositions n'ont pas pour effet de rendre obligatoire, avant l'émission d'un titre exécutoire qui, en l'absence de poursuites, ne donne lieu à aucune mesure de recouvrement forcé, une tentative de recouvrement amiable ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 81 du décret du 29 décembre 1962 : Tout ordre de recette doit indiquer les bases de la liquidation... ; qu'ainsi tout titre de perception doit indiquer les bases de liquidation de la créance pour le recouvrement de laquelle il a été émis, à moins que ces bases n'aient été préalablement portées à la connaissance du débiteur ; qu'il ressort des pièces du dossier que le titre exécutoire émis le 11 mai 1998 renvoyait à un courrier en date du 30 avril 1998 par lequel le maire de la commune de Saint-Maurice-lès-Charencey a fait savoir à M. A que, pour obtenir la photocopie du document qu'il avait demandé, il devrait, compte tenu de la délibération du conseil municipal du 7 mars 1997 qui fixe à 4 F la copie liée à ce genre de demande, s'acquitter au préalable d'une somme de (289 x 4) 1 156 F auprès de la perception de l'Aigle, suivant titre de recettes correspondant ; que les renseignements qui ont été ainsi fournis à M. A étaient de nature à lui permettre de discuter utilement les bases de calcul de la somme de 1 156 F qui était mentionnée sur le titre exécutoire émis le 11 mai 1998 à son encontre ; que dès lors, le moyen tiré du défaut de motivation de ce titre exécutoire doit être écarté ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que les photocopies ont été réalisées au cours du premier semestre de l'année 1998 ; qu'il ressort des mentions de la délibération du 7 mars 1997 fixant le prix de la photocopie dans le cadre de l'exercice du droit d'accès aux documents administratifs que cette délibération a été déposée le 27 mars 1997 à la préfecture de l'Orne et affichée en mairie le 31 mars 1997 ; que ces mentions font foi jusqu'à preuve du contraire, qui n'est pas apportée en l'espèce par M. A ; qu'il suit de là que M. A n'est pas fondé à soutenir que cette délibération n'était pas entrée en vigueur à la date où ont été réalisées les photocopies qu'il avait demandées au maire de la commune de Saint-Maurice-lès-Charencey ;
Considérant, en quatrième lieu, que la légalité du titre exécutoire émis le 11 mai 1998 par le maire de la commune de Saint-Maurice-lès-Charencey était, quelle qu'ait été la réglementation en vigueur à la date où M. A a présenté sa demande tendant à la communication d'un document relatif à la gestion du service de distribution d'eau potable, subordonnée à la réalisation des conditions prescrites par les lois et les règlements en vigueur à la date où ont été réalisées par la commune de Saint-Maurice-lès-Charencey les photocopies demandées par M. A ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la délibération du 7 mars 1997 par laquelle le conseil municipal de Saint-Maurice-lès-Charencey a fixé le prix de la photocopie à 4 F l'unité était en vigueur lorsque, au cours du premier semestre de l'année 1998, la commune de Saint-Maurice-lès-Charencey a réalisé les photocopies demandées par l'intéressé ; qu'ainsi, M. A n'est pas fondé à soutenir que la délibération susmentionnée du 7 mars 1997 aurait fait l'objet d'une application rétroactive illégale ;
Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 4 de la loi du 17 juillet 1978, dans sa rédaction applicable en l'espèce : L'accès aux documents administratifs s'exerce : / a) Par consultation gratuite sur place, sauf si la préservation du document ne le permet pas ou n'en permet pas la reproduction ; / b) Sous réserve que la reproduction ne nuise pas à la conservation du document, par délivrance de copies en un seul exemplaire, aux frais de la personne qui les sollicite, et sans que ces frais puissent excéder le coût réel des charges de fonctionnement créées par l'application du présent titre... ; que la délibération du 7 mars 1997 par laquelle le conseil municipal de Saint-Maurice-lès-Charencey a, concernant l'accès aux documents administratifs, fixé à 4 F le prix d'une photocopie compte tenu du surcroît de travail que cela pourrait entraîner, n'est pas contraire aux dispositions précitées de l'article 4 de la loi du 17 juillet 1978 ; qu'eu égard à la population de la commune de Saint-Maurice-lès-Charencey, qui ne dépasse pas 500 habitants, ladite commune n'a pas, en fixant le prix de la photocopie à 4 F, retenu un tarif excessif ; que par suite, les moyens tirés, par M. A, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la délibération en date du 7 mars 1997 doivent être écartés ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à ce que le titre exécutoire émis le 11 mai 1998 par le maire de la commune de Saint-Maurice-lès-Charencey soit déclaré illégal ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Maurice-lès-Charencey qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par M. A au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A la somme de 2 500 euros demandée par la commune de Saint-Maurice-lès-Charencey au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : M. A versera à la commune de Saint-Maurice-lès-Charencey la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Pierre A et à la commune de Saint-Maurice-lès-Charencey.