Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 août et 29 décembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE CIVILE PROFESSIONNELLE GROS, CHAPELLIER, LECOURT, dont le siège est 1000 chemin de Clères à Bois-Guillaume (76230) ; la SOCIETE CIVILE PROFESSIONNELLE GROS, CHAPELLIER, LECOURT demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 26 juin 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté sa requête d'appel contre le jugement du 30 août 1999 par lequel le tribunal administratif de Rouen l'a condamnée à payer à la commune de Bois-Guillaume la somme de 1 471 167,10 francs, à garantir le cabinet A et la société Lyonnaise des Eaux à hauteur de 10 % des condamnations mises respectivement à leur charge et à payer à la société Quille la somme de 217 746,07 francs ;
2°) statuant au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel ;
3°) de mettre à la charge conjointe et solidaire de la commune de Bois ;Guillaume, du cabinet A, de la société Foncier Conseil, de la société Lyonnaise des Eaux, du bureau d'études techniques Sogeti et de la société Quille la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Nathalie Escaut, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de la SCP GROS, CHAPELLIER, LECOURT, de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de la société Quille, de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la commune de Bois-Guillaume, de la SCP Coutard, Mayer, avocat de la Société Lyonnaise des Eaux et de la SCP Boulloche, avocat de M. A,
- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que dans le cadre de l'aménagement de la zone d'aménagement concerté les portes de la forêt par la commune de Bois-Guillaume (Seine-Maritime), la SOCIETE CIVILE PROFESSIONNELLE GROS, CHAPELLIER, LECOURT, géomètre expert, a été chargée de réaliser divers relevés et plans ; que lors des travaux de construction d'un groupe scolaire dans la ZAC exécutés par la société Quille, une canalisation d'eau potable a été découverte sur le terrain d'assiette de la construction nécessitant le déplacement de l'implantation initialement prévue pour les établissements scolaires ; que le tribunal administratif de Rouen, par un jugement en date du 30 août 1999, a condamné la SCP GROS, CHAPELLIER, LECOURT, solidairement avec d'autres constructeurs, à indemniser la commune de Bois-Guillaume et la société Quille du préjudice subi du fait du retard pris par les travaux à la suite de la découverte de la canalisation ; que, par un arrêt en date du 26 juin 2003, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté, pour tardiveté, l'appel formé par la SCP GROS, CHAPELLIER, LECOURT contre ce jugement ; que cette dernière se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;
Considérant qu'aux termes de l'article R. 229 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, devenu l'article R. 811-2 du code de justice administrative : Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie … ; qu'aux termes de l'article R. 205, devenu l'article R. 741-11 du code de justice administrative : Lorsque le président du tribunal administratif constate que la minute d'un jugement ou d'une ordonnance est entachée d'une erreur ou d'une omission matérielles, il peut y apporter par ordonnance rendue dans le délai d'un mois à compter de la notification aux parties de ce jugement ou de cette ordonnance, les corrections que la raison commande. La notification de l'ordonnance rectificative rouvre le délai d'appel contre le jugement ou l'ordonnance ainsi corrigée ;
Considérant que la correction d'une erreur matérielle effectuée sur le fondement des dispositions de l'article R. 205 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, devenu l'article R. 741-11 du code de justice administrative, ne conduit à différer le point de départ du délai d'appel que dans la mesure où cette correction, soit par elle-même, soit de façon indivisible avec d'autres parties du jugement ou de l'ordonnance qui en a fait l'objet, a une incidence sur la portée qui était la leur initialement ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la lettre de notification de l'ordonnance en date du 12 octobre 1999 par laquelle le président du tribunal administratif de Rouen a procédé à la rectification de l'erreur matérielle dont était entaché le jugement du 30 août 1999 en ce qui concerne le point de départ des intérêts, se borne à reprendre le texte de l'article R. 205 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives alors en vigueur et ne comporte dès lors aucune indication erronée ou ambiguë sur le délai d'appel ouvert aux parties ; qu'ainsi en jugeant que l'ordonnance rectificative du 12 octobre 1999 n'avait rouvert le délai d'appel qu'en ce qui concerne la seule correction opérée sur le point de départ des intérêts, la cour n'a ni commis d'erreur de droit ni méconnu les stipulations des articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un mémoire enregistré postérieurement à l'audience mais antérieurement à la lecture de l'arrêt de la cour, la SCP GROS, CHAPELLIER, LECOURT, en réponse à la communication qui lui avait été faite par le président de la formation de jugement tenant à l'existence d'un moyen d'ordre public tiré de la tardiveté de sa requête d'appel susceptible d'être soulevé d'office par la cour, s'est prévalue de ce que le délai d'appel avait été conservé par l'appel régulièrement formé par le bureau d'études Sogeti dès lors que le jugement attaqué avait prononcé une condamnation solidaire à leur encontre ; que d'une part, contrairement à ce que soutient la SCP GROS, CHAPELLIER, LECOURT, la cour a pu, sans commettre d'erreur de droit, juger que, nonobstant le caractère solidaire de la condamnation mise à la charge des intéressés, la circonstance que le bureau d'études Sogeti avait fait appel dans les délais du jugement attaqué n'avait pas eu pour effet d'interrompre le délai d'appel à l'égard des autres parties à l'instance ; que d'autre part, la cour doit être regardée comme ayant examiné, pour l'écarter, l'argumentation ainsi produite par la société requérante en réponse à la communication qui lui avait été faite sur l'existence d'un moyen susceptible d'être soulevé d'office ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SCP GROS, CHAPELLIER, LECOURT n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, il y a lieu, sur le fondement de ces dernières dispositions, de mettre à la charge de la SCP GROS, CHAPELLIER, LECOURT le paiement respectivement à la commune de Bois-Guillaume, à la société Quille, à la société Lyonnaise des Eaux et à M. A de la somme de 1 000 euros chacun au titre des frais que ceux-ci ont exposés et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la SCP GROS, CHAPELLIER, LECOURT est rejetée.
Article 2 : La SCP GROS, CHAPELLIER, LECOURT versera à la commune de Bois-Guillaume, à la société Quille, à la société Lyonnaise des Eaux et à M. A la somme de 1 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SCP GROS, CHAPELLIER, LECOURT, à M. A, à la commune de Bois-Guillaume, à la société Lyonnaise des Eaux, au bureau d'études techniques Sogeti, à la société Quille et à la société en nom collectif Foncier Conseil.