Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 septembre et 30 décembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE TMUA, dont le siège est zone industrielle Chambaret Sud à Langeac (43300) ; la SOCIETE TMUA demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 2 juillet 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel formé contre le jugement du 14 octobre 1998 du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1986 et 1987 ainsi que des pénalités correspondantes ;
2°) statuant au fond, de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004, portant loi de finances rectificative pour 2004 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Thomas Andrieu, Auditeur,
- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la SOCIETE TMUA,
- les conclusions de M. Laurent Olléon, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'administration fiscale a refusé à la SOCIETE ANONYME TECHNIQUES MODERNES ET UNIVERSELLES DE L'ABRASION (TMUA) le bénéfice de l'exonération d'impôt sur les sociétés résultant des dispositions combinées des articles 44 bis et 44 quater du code général des impôts ; que, par un jugement du 14 octobre 1998, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la société tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises pour ce motif à sa charge au titre des exercices clos en 1986 et 1987 ; que la SOCIETE TMUA demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 2 juillet 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel formé contre ce jugement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant que si la cour administrative d'appel de Paris a répondu au moyen tiré de ce que la participation de l'inspecteur principal, supérieur hiérarchique du vérificateur, à la séance de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires consacrée à l'examen du redressement contesté avait vicié l'avis de la commission et entacherait, par suite, la procédure d'imposition d'irrégularité, elle a omis de répondre au moyen, distinct, tiré de ce que cette même participation avait privé le contribuable du droit de demander des éclaircissements supplémentaires auprès de l'inspecteur principal, droit garanti par la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, rendue opposable par l'article L. 10 du livre des procédures fiscales ; qu'il y a lieu par suite d'annuler l'arrêt attaqué ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
En ce qui concerne la charte du contribuable vérifié :
Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration ; que le paragraphe 5 du chapitre III de la même charte indique que : Si le vérificateur a maintenu totalement ou partiellement les redressements envisagés, des éclaircissements supplémentaires peuvent vous être fournis si nécessaire par l'inspecteur principal [...] ; que ces dispositions assurent au contribuable la garantie substantielle de pouvoir obtenir, avant la clôture de la procédure de redressement, un débat avec le supérieur hiérarchique du vérificateur sur les points sur lesquels persiste un désaccord avec ce dernier ; que l'utilité d'un tel débat n'est pas affectée par la circonstance que le supérieur hiérarchique ait participé à une séance de la commission départementale relative au même litige, que celle-ci ait été ou non compétente ; que, dès lors, la SOCIETE TMUA n'est en tout état de cause pas fondée à soutenir qu'elle aurait été privée de la garantie prévue par les dispositions susmentionnées de la charte du fait qu'en l'espèce, le supérieur hiérarchique du vérificateur auquel il lui était indiqué sur l'avis de vérification qu'elle pourrait faire appel aurait, ultérieurement, participé à la séance de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires relative au même litige ;
En ce qui concerne la compétence de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales : Lorsque le désaccord persiste sur les redressements notifiés, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l'avis (...) de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 du code général des impôts… ; qu'aux termes de l'article L. 59 A du même livre, dans sa rédaction alors en vigueur : La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires intervient : / 1° Lorsque le désaccord porte (...) sur le montant du bénéfice industriel et commercial (...) déterminé selon un mode réel d'imposition… ;
Considérant que la remise en cause par l'administration d'un régime d'exonération totale ou partielle du bénéfice sous lequel une entreprise s'est placée, tel que celui alors prévu par les articles 44 bis et 44 quater du code général des impôts, a trait au principe même de l'imposition et non au montant du bénéfice industriel et commercial mentionné par l'article L. 59 A du livre des procédures fiscales ; qu'une telle question ne relève dès lors pas de la compétence de la commission départementale ; qu'il n'en va différemment, en vertu des dispositions de l'article 26 de la loi du 30 décembre 2004, portant loi de finances rectificative pour 2004, que pour les propositions de rectification adressées à compter du 1er janvier 2005 ; que, dès lors, la SOCIETE TMUA ne saurait se prévaloir du moyen, inopérant, tiré des irrégularités qui auraient entaché la procédure qui s'est déroulée devant la commission départementale ; que la société ne saurait davantage se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des instructions administratives 13 A-1-84 du 4 juin 1984 et 13 A-2-92 du 28 septembre 1992 et de la réponse ministérielle adressée à M. B, sénateur, parue au Journal officiel le 5 mai 1994, dès lors qu'elles n'ont trait qu'à la procédure d'imposition et ne contiennent par suite aucune interprétation du texte fiscal ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article 44 quater du code général des impôts : Les entreprises créées du 1er janvier 1983 au 31 décembre 1986, soumises de plein droit ou sur option à un régime réel d'imposition de leurs résultats et répondant aux conditions prévues à l'article 44 bis, II, 2° et 3°, et III, sont exonérées… d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices industriels et commerciaux qu'elles réalisent à compter de la date de leur création jusqu'au terme du trente-cinquième mois suivant celui au cours duquel cette création est intervenue (...) ; qu'aux termes du III de l'article 44 bis du même code : Les entreprises créées dans le cadre d'une concentration ou d'une restructuration d'activités préexistantes, ou pour la reprise de telles activités, ne peuvent bénéficier de l'abattement ci-dessus. Toutefois cette disposition ne s'applique pas aux entreprises créées pour la reprise d'établissements en difficulté ;
En ce qui concerne la reprise d'une activité existante :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SOCIETE TMUA a commencé son activité le 8 juillet 1985 ; qu'elle a exercé une activité de commercialisation de produits de polissage et de vente de machines, qui était au nombre de celles exercées précédemment par la société Van der Windt, mise en liquidation judiciaire le 15 mai 1985 ; que la SOCIETE TMUA a, dès le début de son activité, commercialisé un lot de pièces détachées qu'elle avait racheté, en provenance de la société Van der Windt, en utilisant la marque de celle-ci ; que l'activité commerciale de la SOCIETE TMUA était menée notamment par M. Franck A, fils de M. André A, gérant majoritaire et directeur technique de la société Van der Windt, à partir de leur domicile commun dans le Val-de-Marne, alors que le siège social de la société avait été fixé à Saint-Dié (Vosges) ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que la SOCIETE TMUA avait une activité au moins partiellement identique à celle de la société Van der Windt ;
Considérant par ailleurs qu'il existe une grande similitude entre l'ancienne clientèle de la société Van der Windt et celle de la SOCIETE TMUA au cours de l'année 1985, de même qu'entre leurs fournisseurs ;
Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit, alors même que la SOCIETE TMUA soutient qu'il n'y aurait ni reprise de locaux, ni reprise de contrat, ni relation financière anormale entre les deux sociétés, que la SOCIETE TMUA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration fiscale lui a refusé le bénéfice de l'exonération susmentionnée au motif qu'elle a été créée pour reprendre une activité préexistante de la société Van der Windt ;
En ce qui concerne la reprise d'un établissement en difficulté :
Considérant que si, à titre subsidiaire, la SOCIETE TMUA soutient qu'elle a été créée dans le cadre d'une reprise d'établissement en difficulté, il ne résulte pas de l'instruction, compte tenu notamment de ce qu'elle n'a pas repris, au moment où elle a été créée, le personnel de la société Van der Windt, qu'elle ait manifesté lors de sa création la volonté non équivoque de maintenir la pérennité de l'entreprise ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE TMUA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1986 et 1987 ainsi que des pénalités correspondantes ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions, au demeurant non chiffrées, tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 2 juillet 2004 est annulé.
Article 2 : La requête présentée par la SOCIETE TMUA devant la cour administrative d'appel de Paris est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE TMUA et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.