Vu la protestation, enregistrée le 12 octobre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Jacques A, demeurant ..., après dessaisissement du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion, en application des articles R. 120 et R. 121 du code électoral, de la demande dont il l'avait saisi ; M. A demande au Conseil d'Etat d'annuler la délibération du conseil municipal de la commune de Cilaos en date du 19 mars 2005 relatif à la composition de la commission d'appel d'offres ainsi que les opérations électorales organisées pour le renouvellement de la composition de cette commission ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code électoral ;
Vu le code des marchés publics, notamment son article 22 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Philippe Thiellay, Maître des Requêtes,
- les conclusions de Mlle Célia Vérot, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. A a demandé au tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion l'annulation de la délibération du conseil municipal de la commune de Cilaos, en date du 19 mars 2005, et relative à la désignation des membres de la commission d'appel d'offres de la commune ; qu'en application des articles R. 120 et R. 121 du code électoral et faute d'avoir statué dans le délai de deux mois, le tribunal a été dessaisi au profit du Conseil d'Etat, devant lequel le requérant s'est pourvu dans le délai d'un mois ;
Sur les fins de non recevoir opposées par la commune de Cilaos :
Considérant que l'article R. 412-1 du code de justice administrative prévoit que « la requête doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée, sauf impossibilité justifiée, de la décision attaquée » ; que ce motif d'irrégularité ne peut être opposé à une requête contestant le résultat d'opérations électorales ;
Considérant que si la commune de Cilaos soutient que la requête ne contient pas l'exposé des faits et moyens avancés à l'appui de ses conclusions, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, il ressort des pièces du dossier que, à la suite du dessaisissement du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion, le requérant, informé de cet élément de procédure, s'est pourvu devant le Conseil d'Etat en lui adressant copie du mémoire qu'il avait déposé devant le tribunal ; que ce mémoire répond aux exigences de l'article R. 411-1 ; que la fin de recevoir opposée par la commune doit être rejetée ;
Sur les conclusions relatives au renouvellement intégral de la commission d'appel d'offres :
Considérant qu'aux termes de l'article 22 du code des marchés publics : « I. Pour les collectivités territoriales et les établissements publics locaux, sont constituées une ou plusieurs commissions d‘appel d'offres à caractère permanent. (...) Ces commissions d'appel d'offres sont composées des membres suivants : / (...) c) Lorsqu'il s'agit d'une commune de 3500 habitants et plus, le maire ou son représentant, président, et cinq membres du conseil municipal élus en son sein à la représentation proportionnelle au plus fort reste (...). / II. Dans tous les cas énumérés ci-dessus, il est procédé, selon les mêmes modalités, à l'élection de suppléants en nombre égal à celui des membres titulaires (...). / III. Pour les collectivités mentionnées aux a, b, c, d et e du I., l'élection des membres titulaires et des suppléants a lieu sur la même liste, sans panachage ni vote préférentiel. Les listes peuvent comprendre moins de noms qu'il n'y a de sièges de titulaires et de suppléants à pourvoir. / (...) Il est pourvu au remplacement d'un membre titulaire de la commission d'appel d'offres par le suppléant inscrit sur la même liste et venant immédiatement après le dernier titulaire élu de ladite liste. Le remplacement du suppléant, ainsi devenu membre titulaire, est assuré par le candidat inscrit sur la même liste, immédiatement après ce dernier. / Il est procédé au renouvellement intégral de la commission d'appel d'offres lorsqu'une liste se trouve dans l'impossibilité de pourvoir, dans les conditions telles que prévues à l'alinéa précédent, au remplacement des membres titulaires auxquels elle a droit » ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'une commune n'est tenue de procéder au renouvellement intégral de la commission d'appel d'offres que dans l'hypothèse où une liste de candidats ayant obtenu des sièges au sein de la commission et devant pourvoir au remplacement d'un membre titulaire définitivement empêché se trouve effectivement, du fait de l'inexistence de membres suppléants, dans l'impossibilité de pourvoir au remplacement d'un membre titulaire ; qu'en revanche, la démission d'un membre suppléant, alors même que la liste sur laquelle il a été élu ne comprendrait plus d'autres membres du conseil municipal suppléants susceptibles de le remplacer, n'entraîne pas de renouvellement intégral de la commission, dès lorsque le membre titulaire conserve son siège ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la commission d'appel d'offres de la commune de Cilaos a été désignée à l'issue des opérations électorales qui ont eu lieu le 20 décembre 2001 ; que M. Justin Daniel C, membre suppléant de la commission d'appel d'offres, élu sur la liste conduite par M. Jacques A, a démissionné du conseil municipal le 5 janvier 2002 ; que la seule démission de M. Justin Daniel C ne plaçait pas la liste sur laquelle il a été élu dans la situation prévue au dernier alinéa du III. de l'article 22 du code des marchés publics précité, dès lors que le membre titulaire avait conservé son siège ; qu'ainsi à la suite de cette démission et en application des règles ci-dessus rappelées, la commune de Cilaos ne devait pas procéder au renouvellement intégral de la commission ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la délibération du 19 mars 2005 et les opérations électorales par lesquelles le conseil municipal de la commune de Cilaos a désigné les membres de la commission d'appel d'offres doivent être annulées ; que la commission d'appel d'offres de la commune doit être regardée comme étant composée ainsi qu'il résulte des opérations et de la délibération du 20 décembre 2001 ; qu'il convient également de tirer les conséquences de la démission de membres suppléants et celle de membres titulaires, par application des règles prévues à l'article 22 du code des marchés publics ; qu'en particulier, suite à la démission de M. Bruno B, le premier membre du conseil municipal, membre suppléant de la commission d'appel d'offres, doit être regardé comme étant devenu membre titulaire ; qu'il appartient au conseil municipal de tirer les conséquences de la présente décision lors de sa prochaine réunion ;
Considérant que la faculté d'infliger à un requérant une amende pour recours abusif sur le fondement de l'article R. 741-12 du code de justice administrative constitue un pouvoir propre du juge ; que par suite, les conclusions de la commune de Cilaos tendant à ce que le Conseil d'Etat inflige une telle amende à M. A sont irrecevables ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. A, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Cilaos demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : La délibération du conseil municipal et les opérations électorales de la commune de Cilaos en date du 19 mars 2005 sont annulées.
Article 2 : La commission d'appel d'offres de la commune de Cilaos est composée ainsi qu'il résulte de la délibération du conseil municipal du 20 décembre 2001 et des démissions éventuelles de certains membres. Le premier suppléant élu sur la liste de la majorité municipale est proclamé membre titulaire, en remplacement de M. B, démissionnaire.
Article 3 : Les conclusions de la commune tendant à l'application des articles R. 741-12 et L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Jacques A, à la commune de Cilaos et au ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.