Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 octobre et 6 novembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le SYNDICAT CFDT INTERCO 28, dont le siège est 4, rue Emile Zola à Mainvilliers (28300) ; le SYNDICAT CFDT INTERCO 28 demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance du 10 octobre 2006 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans a, en application des dispositions de l'article L. 522-3 du code de justice administrative, rejeté sa demande présentée sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-2 du même code et tendant, respectivement, à ce qu'il soit ordonné à l'office public de l'habitat de Chartres, d'une part, de lui restituer le local syndical, les moyens de communication et matériels composant ce local, ainsi que les listes des adhérents et de lui transmettre les courriers destinés à la section syndicale CFDT et, d'autre part, de restituer aux agents qu'il avait désignés leurs décharges de service et autorisations d'absence et à ce que soient ordonnées, aux frais de l'office, la publication de la décision à intervenir et la diffusion auprès de l'ensemble des agents d'une notice rectificative rappelant l'existence légale du syndicat ;
2°) statuant en référé, d'enjoindre à l'office public de l'habitat de Chartres de réexaminer les droits auxquels il peut prétendre s'agissant de la possibilité pour lui de bénéficier d'un local syndical situé dans les locaux de l'office ainsi que l'étendue de ses droits en matière de décharges syndicales et, dans l'attente de ce réexamen, de le rétablir dans les droits dont il bénéficiait antérieurement en lui restituant le local dont il disposait jusqu'alors, l'ensemble des biens et documents qui s'y trouvaient, ainsi que les décharges de service et autorisations d'absence attribuées à ses représentants ;
3°) de mettre à la charge de l'office public de l'habitat de Chartres le versement d'une somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
Vu le décret n° 85-397 du 3 avril 1985 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mlle Anne Courrèges, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat du SYNDICAT CFDT INTERCO 28 et de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de l'office public de l'habitat de Chartres,
- les conclusions de M. Luc Derepas, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de justice administrative : « Le juge des référés statue par des mesures qui présentent un caractère provisoire (...). » ; qu'aux termes de l'article L. 521-2 du même code : « Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public (...) aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures » ; qu'aux termes de l'article L. 521-4 de ce code : « Saisi par toute personne intéressée, le juge des référés peut, à tout moment, au vu d'un élément nouveau, modifier les mesures qu'il avait ordonnées ou y mettre fin » ;
Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'il appartient au juge des référés, lorsqu'il est saisi sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative et qu'il constate une atteinte grave et manifestement illégale portée par une personne morale de droit public à une liberté fondamentale, de prendre les mesures qui sont de nature à faire disparaître les effets de cette atteinte ; que ces mesures doivent en principe présenter un caractère provisoire, sauf lorsque aucune mesure de cette nature n'est susceptible de sauvegarder l'exercice effectif de la liberté fondamentale à laquelle il est porté atteinte ; que ce caractère provisoire s'apprécie au regard de l'objet et des effets des mesures en cause, en particulier de leur caractère réversible ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif d'Orléans que, depuis septembre 2006, l'office public de l'habitat de Chartres a cessé de mettre à la disposition du SYNDICAT CFDT INTERCO 28 un local syndical et de lui accorder des décharges de service et autorisations d'absence au motif qu'il ne disposerait pas en son sein d'une section syndicale régulièrement déclarée ; que ce syndicat a, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, demandé au juge des référés d'ordonner à l'office public de l'habitat de Chartres, d'une part, de remettre à la disposition de sa section syndicale au sein de l'établissement le local syndical et les moyens de communication et matériels composant ce local ainsi que les listes de ses adhérents et les courriers qui lui sont destinés et, d'autre part, de rétablir les décharges d'activité syndicales qui étaient auparavant attribuées aux agents désignés à cet effet ; que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés a rejeté ces conclusions au motif qu'elles tendraient à lui faire prononcer une injonction dont les effets seraient en tous points identiques à ceux qui résulteraient de l'exécution par l'autorité administrative du jugement par lequel le juge de l'excès de pouvoir viendrait, le cas échéant, à annuler les décisions de l'office public mettant fin au bénéfice ou refusant le bénéfice à l'organisation syndicale de ces moyens d'action et qu'elles excéderaient dès lors sa compétence ; que, toutefois, en déniant, pour ce seul motif, tout caractère provisoire aux mesures sollicitées, sans tenir compte de leur caractère réversible, il a commis une erreur de droit ; que, par suite, le syndicat requérant est fondé à demander l'annulation de son ordonnance ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée par le SYNDICAT CFDT INTERCO 28 ;
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 100 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : « (...) Sous réserve des nécessités du service, les collectivités et établissements accordent des décharges d'activité de service aux responsables des organisations syndicales représentatives et mettent des fonctionnaires à la disposition de ces organisations./ (...) Les collectivités et établissements employant au moins cinquante agents doivent mettre à la disposition des organisations syndicales représentatives, sur leur demande, des locaux à usage de bureau (...) » ; qu'aux termes de l'article 3 du décret du 3 avril 1985 relatif à l'exercice du droit syndical dans la fonction publique territoriale : « Lorsque les effectifs du personnel d'une collectivité ou d'un établissement relevant de la loi du 26 janvier 1984 (...) sont égaux ou supérieurs à cinquante agents, l'autorité territoriale doit mettre un local commun à usage de bureau à la disposition des organisations syndicales ayant une section syndicale dans la collectivité ou l'établissement et représentées au comité technique paritaire local ou au conseil supérieur de la fonction publique territoriale.(...) » ; que le deuxième alinéa de l'article 4 du même décret ajoute que « Les locaux mis à la disposition des organisations syndicales comportent les équipements indispensables à l'exercice de l'activité syndicale » ; qu'enfin, les articles 12 à 18 de ce décret permettent aux représentants de ces organisations syndicales d'obtenir, sous certaines conditions, des autorisations spéciales d'absence et des décharges d'activité de service ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1er du décret du 3 avril 1985 mentionné ci-dessus : « Les organisations syndicales des agents de la fonction publique territoriale déterminent librement leurs structures dans le respect des dispositions législatives et réglementaires en vigueur./ L'autorité territoriale est informée, en cas de création d'un syndicat ou d'une section syndicale, des statuts et de la liste des responsables de l'organisme syndical lorsque cet organisme compte des adhérents parmi les agents relevant de cette autorité territoriale » ;
Considérant que la liberté syndicale présente le caractère d'une liberté fondamentale au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ; que les dispositions précitées de l'article 1er du décret du 3 avril 1985 n'ont pas pour objet, et ne sauraient d'ailleurs avoir légalement pour effet, d'imposer à une section syndicale de se constituer sous la forme d'une personne morale dotée de statuts mais tendent seulement à permettre à l'autorité administrative - qui aura, notamment, à prendre les mesures prévues aux articles 12 à 18 du même décret - de connaître le nom des responsables syndicaux qui seront ses interlocuteurs et d'être informée des statuts de l'organisation dont relève la section syndicale ;
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit plus haut, l'office public de l'habitat de Chartres a cessé, depuis septembre 2006, de mettre un local à la disposition du syndicat requérant et de lui accorder des décharges de service et autorisations d'absence au motif qu'il ne disposerait pas en son sein d'une section syndicale régulièrement déclarée ; que, dans le dernier état de ses conclusions, l'office se prévaut en particulier de ce que la section syndicale CFDT constituée en son sein n'a pas été déclarée à la préfecture ;
Considérant, toutefois, d'une part, que la section syndicale, simple émanation du syndicat qu'elle représente, n'avait pas, contrairement à ce que soutient l'office, à lui communiquer des statuts qui soient propres à cette section mais seulement à lui transmettre ceux du syndicat dont elle relève ; que ces statuts - qui ont notamment été produits dans le cadre de la présente instance de référé - ont été portés à la connaissance de l'office ; que, d'autre part, il résulte également de l'instruction que le SYNDICAT CFDT INTERCO 28 avait informé l'office de la composition du bureau de sa section syndicale ; qu'en persistant dans ces conditions à priver la section syndicale représentant ce syndicat de l'ensemble de ses moyens d'action, l'office a porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté syndicale ; que, compte tenu des conséquences qui résulte d'une telle privation, qui, dans les circonstances de l'espèce, fait entièrement obstacle à l'exercice par le syndicat requérant, au sein de l'office, de sa mission de représentation des intérêts matériels et moraux de ses membres, il y a urgence à mettre fin à cette situation ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre à l'office public de l'habitat de Chartres de réexaminer, dans un délai d'un mois, les droits auxquels le SYNDICAT CFDT INTERCO 28 peut prétendre s'agissant de la possibilité pour lui de bénéficier d'un local syndical situé dans les locaux de l'office ainsi que l'étendue de ses droits en matière de décharges syndicales et, dans l'attente de ce réexamen, de rétablir ce syndicat dans les droits dont il bénéficiait antérieurement en lui restituant le local dont sa section syndicale disposait jusqu'alors, l'ensemble des biens et documents qui s'y trouvaient, ainsi que les décharges de service et autorisations d'absence attribuées à ses représentants ; qu'il y a lieu de prévoir, en application de l'article R. 522-13 du code de justice administrative, que la présente décision sera exécutoire, sans attendre sa notification, dès qu'elle aura été portée par tout moyen à la connaissance du directeur de l'office ;
Considérant, enfin, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que l'office public de l'habitat de Chartres demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens soit mise à la charge du SYNDICAT CFDT INTERCO 28 qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'en revanche, il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'office la somme de 3 500 euros que le syndicat requérant demande au même titre ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'ordonnance du 10 octobre 2006 du juge des référés du tribunal administratif d'Orléans est annulée.
Article 2 : Il est enjoint à l'office public de l'habitat de Chartres de réexaminer, dans un délai d'un mois, les droits auxquels le SYNDICAT CFDT INTERCO 28 peut prétendre s'agissant de la possibilité pour lui de bénéficier d'un local syndical situé dans les locaux de l'office ainsi que l'étendue de ses droits en matière de décharges syndicales et, dans l'attente de ce réexamen, de rétablir ce syndicat dans les droits dont il bénéficiait antérieurement en lui restituant le local dont sa section syndicale disposait jusqu'alors, l'ensemble des biens et documents qui s'y trouvaient, ainsi que les décharges de service et autorisations d'absence attribuées à ses représentants.
Article 3 : La présente décision sera exécutoire, en application de l'article R. 522-13 du code de justice administrative, dès qu'elle aura été portée par tout moyen à la connaissance du directeur de l'office public de l'habitat de Chartres.
Article 4 : L'office public de l'habitat de Chartres versera au SYNDICAT CFDT INTERCO 28 la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions de l'office public de l'habitat de Chartres tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT CFDT INTERCO 28, à l'office public de l'habitat de Chartres et au ministre de l'économie, des finances et de l'emploi.