Vu la requête, enregistrée le 3 août 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par les EDITIONS JIBENA ET CIE, dont le siège est 4, rue de la Cour des Noues à Paris (75020) ; les EDITIONS JIBENA ET CIE demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision de la commission paritaire des publications et agences de presse du 11 mai 2006, notifiée le 9 juin 2006, refusant une demande de renouvellement d'inscription pour la publication « Le monde du muscle et du fitness » ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des postes et des communications électroniques ;
Vu le décret n° 91-827 du 29 août 1991 ;
Vu le décret n° 97-1065 du 20 novembre 1997 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Philippe Thiellay, Maître des Requêtes,
- les conclusions de Mlle Célia Verot, Commissaire du gouvernement ;
Sur la légalité externe de la décision attaquée :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret susvisé du 20 novembre 1997 : « La commission paritaire des publications et agences de presse est chargée de donner un avis sur l'application aux journaux et écrits périodiques des textes législatifs ou réglementaires prévoyant des allégements en faveur de la presse en matière de taxes fiscales et de tarifs postaux. Elle est également chargée de faire des propositions pour l'inscription sur la liste des organismes constituant des agences de presse au sens de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée » ; qu'aux termes de l'article 4 du même décret : « La commission est divisée en sous-commissions qui examinent les demandes présentées par les journaux et écrits périodiques désirant bénéficier des allégements fiscaux et postaux mentionnés à l'article premier. / Chaque sous-commission comprend quatre représentants de l'administration et quatre représentants des entreprises de presse. Les membres des sous-commissions sont désignés au sein de la commission par le président de cette dernière » ; que, contrairement à ce que soutiennent les EDITIONS JIBENA ET CIE, il ressort des pièces du dossier que la décision contestée a été prise par une sous-commission de la commission paritaire, régulièrement composée, lors de sa séance du 11 mai 2006, conformément aux dispositions précitées du décret du 20 novembre 1997 ;
Considérant que la décision attaquée, qui mentionne les éléments de droit et de fait sur lesquels la commission paritaire des publications et agences de presse s'est fondée, est suffisamment motivée ;
Considérant que la circonstance que la commission ait fondé son appréciation sur les différents éléments du dossier, et en éclairant son appréciation par l'avis de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments du 13 avril 2004 rendu sur des produits de la même nature que ceux en cause dans la présente affaire, n'est de nature à entacher d'aucune irrégularité la décision attaquée ;
Sur la légalité interne de la décision attaquée :
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 72 de l'annexe III au code général des impôts : « Pour bénéficier des avantages fiscaux prévus à l'article 298 septies du code général des impôts, les journaux et publications périodiques présentant un lien avec l'actualité, apprécié au regard de l'objet de la publication, doivent remplir les conditions suivantes : 1° avoir un caractère d'intérêt général quant à la diffusion de la pensée : instruction, éducation, information, récréation du public (...) » ; que l'article D. 18 du code des postes et des communications électroniques prévoit des conditions semblables pour l'octroi du tarif postal de presse aux journaux et périodiques ;
Considérant que, pour refuser aux EDITIONS JIBENA ET CIE, par une décision du 11 mai 2006, le renouvellement du certificat d'inscription ouvrant droit pour sa publication « Le monde du muscle et du fitness », au bénéfice des avantages fiscaux et postaux prévus par les dispositions mentionnées ci-dessus, la commission paritaire des publications et agences de presse s'est fondée sur le fait que la publication en cause ne pouvait être regardée comme présentant un caractère d'intérêt général quant à la diffusion de la pensée au sens de ces dispositions, d'une part, en raison du non-respect par certaines publicités des dispositions du décret n° 91-827 du 29 août 1991 et, d'autre part, en raison de l'encouragement à la consommation de produits tels que la créatine, la taurine ou la L-carnitine ;
Considérant que les exemplaires de la revue « Le monde du muscle et du fitness » produits par les EDITIONS JIBENA ET CIE comprennent de nombreuses pages de publicité exposant sous un jour favorable la consommation de produits, tels que la créatine, la taurine ou la L-carnitine ; qu'il ressort des pièces du dossier et, en particulier, de l'avis de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments en date du 13 avril 2004 et de la lettre de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes du 25 avril 2005 invoquée par la société requérante, que les effets allégués de ces produits ne sont pas scientifiquement justifiés et que leur consommation excessive peut porter atteinte à la santé ; qu'ainsi, la commission n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que cette publication n'avait pas un caractère d'intérêt général pour la diffusion de la pensée au sens des dispositions précitées de l'article 72 de l'annexe III au code général des impôts et de l'article D. 18 du code des postes et des communications électroniques ;
Considérant que les EDITIONS JIBENA ET CIE soutiennent, d'une part, que le refus d'inscription qui, selon elle, a pour effet d'interdire la publicité dans la presse écrite des produits visant à favoriser le développement musculaire porte atteinte au principe de la liberté du commerce et de l'industrie, et d'autre part, que le législateur est seul compétent pour réglementer la publicité et qu'enfin, cette mesure d'interdiction de la publicité sur des produits visant à encourager le développement de la masse musculaire est disproportionnée par rapport à l'objectif poursuivi qui est d'éviter d'encourager une prise excessive de produits par les sportifs ; que toutefois, le refus de faire bénéficier des avantages postaux et fiscaux la revue « Le monde du muscle et du fitness » n'a ni pour objet ni pour effet d'interdire la publicité des substances favorisant le développement musculaire ; que les moyens des éditions requérantes doivent ainsi être écartés ;
Considérant que si les EDITIONS JIBENA font valoir que la commission paritaire a, à tort, fondé son appréciation sur la méconnaissance par les publicités incriminées des dispositions du décret n° 91-827 du 29 août 1991, il ressort des pièces du dossier que la commission aurait pris la même décision à l'égard de la publication « Le monde du muscle et du fitness » si elle n'avait retenu que le motif tiré de l'encouragement à la consommation de produits tels que la créatine, la taurine ou la L-carnitine ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les EDITIONS JIBENA ET CIE ne sont pas fondées à demander l'annulation de la décision attaquée ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demandent les EDITIONS JIBENA ET CIE au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête des EDITIONS JIBENA ET CIE est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée aux EDITIONS JIBENA ET CIE, à la commission paritaire des publications et agences de presse et au Premier ministre.