Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 octobre 2005 et 3 février 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SA SAUR FRANCE, dont le siège social est 1, avenue Freyssinet à Saint-Quentin-en-Yvelines (78064) ; la SA SAUR FRANCE, venant aux droits de la société en nom collectif Compagnie de services et d'environnement (SNC CISE), demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 20 juin 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a, d'une part, rejeté sa requête tendant à l'annulation des jugements rendus les 6 mai et 25 juin 2003 par le tribunal administratif de Nantes en tant qu'ils ne lui ont accordé que la réduction des suppléments de taxe professionnelle auxquelles la SNC CISE a été assujettie au titre des années 1994, 1995, 1996 et 1998 dans les rôles de la commune d'Olonne-sur-mer, et d'autre part, faisant droit aux conclusions incidentes présentées par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, annulé lesdits jugements en tant qu'ils l'avaient déchargée d'une partie de ces suppléments ;
2°) statuant au fond, de la décharger des suppléments de taxe professionnelle en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mlle Emmanuelle Cortot, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la SA SAUR FRANCE,
- les conclusions de M. Laurent Vallée, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la communauté de communes des Olonnes a délégué à la société en nom collectif Compagnie de services et d'environnement (SNC CISE), en vertu d'un traité de gérance, l'exploitation d'une station de traitement des eaux usées et de quatorze stations de refoulement situées sur le territoire de la commune d'Olonne-sur-Mer (Vendée), dont elle a conservé la propriété ; qu'après un contrôle sur pièces effectué par l'administration fiscale, la SNC CISE a été assujettie, à raison de ces installations, à des suppléments de taxe professionnelle au titre des années 1994, 1995, 1996 et 1998, qui ont été mis en recouvrement le 31 décembre 1997, 30 avril 1998 et le 31 mars 1999 à la caisse du trésorier du Château-d'Olonne ; que la SA SAUR FRANCE, venant aux droits de la SNC CISE, se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 20 juin 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a, d'une part, rejeté sa demande tendant à l'annulation des jugements rendus les 6 mai et 25 juin 2003 par le tribunal administratif de Nantes en tant qu'ils ne lui ont accordé que la réduction des suppléments de taxe professionnelle auxquels la SNC CISE a été assujettie au titre des années 1994, 1995, 1996 et 1998, et d'autre part, faisant droit aux conclusions incidentes présentées par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, annulé lesdits jugements en tant qu'ils lui ont accordé la décharge d'une partie des suppléments de taxe professionnelle en litige ;
Sur l'application de l'article 1467 du code général des impôts :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 1467 du code général des impôts : La taxe professionnelle a pour base : / 1° (...) / a. la valeur locative (...) des immobilisations corporelles dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle (...) ; que les immobilisations dont la valeur locative est ainsi intégrée dans l'assiette de la taxe professionnelle sont les biens placés sous le contrôle du redevable et que celui-ci utilise matériellement pour la réalisation des opérations qu'il effectue ; qu'il suit de là qu'en estimant, après avoir constaté que la SNC CISE avait eu le contrôle des stations mises à sa disposition et qu'elle les avait matériellement utilisées pour l'exercice de son activité, que, quelle que soit la nature juridique du contrat en vertu duquel ces stations avaient été mises à sa disposition, la SNC CISE était l'unique redevable de la taxe professionnelle due au titre desdites installations, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1448 du code général des impôts : La taxe professionnelle est établie suivant la capacité contributive des redevables, appréciée d'après des critères économiques en fonction de l'importance des activités exercées par eux sur le territoire de la collectivité bénéficiaire ou dans la zone de compétence de l'organisme concerné ; que, pour soutenir devant la cour que ces dispositions avaient été en l'espèce méconnues, la société requérante estimait qu'il n'avait pas été tenu compte du fait qu'elle n'avait ni la qualité de propriétaire, ni celle de concessionnaire des biens en cause ; que la cour, qui a indiqué que l'article 1467 du code général des impôts se fonde sur le critère de la mise à disposition des biens pour définir la base d'imposition à la taxe professionnelle du contribuable, et non sur la qualité de propriétaire ou de concessionnaire des biens en cause, doit être regardée comme ayant répondu au moyen qui était tiré devant elle de la violation des dispositions de l'article 1448 du code général des impôts ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que, faute d'avoir écarté l'application de ces dispositions, la cour aurait entaché son arrêt d'une insuffisance de motivation, manque en fait ;
Sur l'application de l'article 1469 du code général des impôts :
Considérant, en premier lieu, qu'en vertu du premier alinéa du 1° de l'article 1469 du code général des impôts, la valeur locative est calculée, pour les biens passibles d'une taxe foncière, suivant les règles fixées pour l'établissement de cette taxe ; qu'aux termes de l'article 1380 du code général des impôts : La taxe foncière est établie annuellement sur les propriétés bâties sises en France à l'exception de celles qui en sont expressément exonérées par les dispositions du présent code ; qu'aux termes de l'article 1382 du code général des impôts : Sont exonérés de la taxe foncière sur les propriétés bâties : / 1° Les immeubles nationaux, les immeubles départementaux pour les taxes perçues par les communes et par le département auquel ils appartiennent et les immeubles communaux pour les taxes perçues par les départements et par la commune à laquelle ils appartiennent, lorsqu'ils sont affectés à un service public ou d'utilité générale et non productifs de revenus (...) ; que ces dispositions n'ont ni pour objet, ni pour effet, de placer les biens qu'elles visent, qui constituent des propriétés bâties, hors du champ d'application de la taxe foncière sur les propriétés bâties, tel qu'il est défini par l'article 1380 du code général des impôts, alors même qu'elles exonèrent certains d'entre eux du paiement de cette taxe ; que les biens visés par le 1° de l'article 1382 ont, ainsi, le caractère de biens passibles d'une taxe foncière au sens du 1° de l'article 1469 du même code ; qu'il suit de là qu'en estimant que les dispositions du 1° de l'article 1382 du code général des impôts ne pouvaient, en tout état de cause, être utilement invoquées aux fins d'obtenir la décharge ou la réduction des suppléments de taxe professionnelle en litige, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ; qu'en particulier, en retenant que la circonstance, à la supposer établie, que les stations exploitées par la SNC CISE auraient été affectées à un service public ne pouvait être utilement invoquée, sur le fondement du 1° de l'article 1382 du code général des impôts, pour remettre en cause l'application du 1° de l'article 1469 du même code, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;
Considérant, en deuxième lieu, que les règles suivant lesquelles est déterminée la valeur locative des biens passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties sont différemment définies, à l'article 1496 du code général des impôts pour ce qui est des locaux affectés à l'habitation ou servant à l'exercice d'une profession autre qu'agricole, commerciale, artisanale ou industrielle, à l'article 1498 en ce qui concerne tous les biens autres que les locaux d'habitation ou à usage professionnel visés à l'article 1496-I et que les établissements industriels visés à l'article 1499, et à l'article 1499 s'agissant des immobilisations industrielles ; que revêtent un caractère industriel, au sens de cet article, les établissements dont l'activité nécessite d'importants moyens techniques, non seulement lorsque cette activité consiste dans la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers, mais aussi lorsque le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en oeuvre, fût-ce pour les besoins d'une autre activité, est prépondérant ; que pour établir que les stations exploitées par la SNC CISE présentaient un caractère industriel, la cour a, d'une part, vérifié que cette société avait disposé de moyens techniques importants durant l'année 1998, et d'autre part, constaté que cette société avait exercé des activités de transformation en vue de traiter des eaux usées ; que ce faisant, la cour n'a pas commis d'erreur de droit au regard de l'article 1499 du code général des impôts, ni d'erreur de qualification juridique des faits ; qu'enfin, en s'abstenant de préciser lesquels des moyens techniques utilisés par la SNC CISE pouvaient être regardés comme importants, la cour n'a pas, eu égard à la teneur de l'argumentation des parties devant elle sur ce point, entaché son arrêt d'une insuffisance de motivation ;
Considérant, en troisième lieu, qu'en jugeant que les instructions 6-C-1212, 6-C-1213, 6-E-131, 6-C-112, 6-C-123, 6-C-262, 6-C-2331, 6-C-2332, 6-C-2333, 6-C-211, 6-E-7-75 et 6-M-2312 ne prescrivaient pas d'écarter, en l'espèce, l'application des règles de calcul de la valeur locative applicables, pour les biens passibles de la taxe foncière, aux établissements industriels, la cour n'a pas commis d'erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ; qu'elle n'a pas non plus commis d'erreur de droit au regard de ces dispositions en estimant que la réponse ministérielle en date du 4 avril 1991 faite à M. Artuis, sénateur, selon laquelle les éléments isolés et les dépendances des établissements industriels situés en dehors de l'enceinte de ces établissements sont classés dans le groupe des locaux commerciaux lorsqu'ils ne présentent pas eux-mêmes un caractère spécifiquement industriel, ne commandait pas d'écarter l'application de ces règles aux stations de refoulement exploitées par la société Saur ;
En ce qui concerne la valeur locative des matériels et outillages :
Considérant, en premier lieu, que, par exception aux dispositions surappelées du premier alinéa du 1° de l'article 1469 du code général des impôts selon lesquelles la valeur locative est calculée, pour les biens passibles d'une taxe foncière, suivant les règles fixées pour l'établissement de cette taxe, le second alinéa du 1° du même article prévoit que les biens exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties en vertu du 11° de l'article 1382 sont évalués et imposés dans les mêmes conditions que les biens et équipements mobiliers désignés aux 2° et 3° ; que le 11° de l'article 1382 du code général des impôts désigne les outillages et autres installations et moyens matériels d'exploitation des établissements industriels... ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les stations exploitées par la SNC CISE revêtaient un caractère industriel ; qu'il suit de là qu'en retenant que la valeur locative des matériels et outillages compris dans ces installations, calculée par application des dispositions du 2° et du 3° de l'article 1469 du code général des impôts, n'était pas incluse dans la valeur locative des autres biens passibles de la taxe foncière, calculée par application des dispositions du 1° du même article, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;
Considérant, en second lieu, qu'en vertu du 2° de l'article 1469 du code général des impôts, les équipements et biens mobiliers dont la durée d'amortissement est au moins égale à trente ans sont évalués suivant les règles applicables aux bâtiments industriels ; qu'en se fondant sur la durée d'utilisation de certains équipements utilisés par la société Saur, telle que définie par le traité de gérance susmentionné, pour déterminer si, en l'absence d'amortissement pratiqué par la société elle-même, la valeur locative des matériels en cause devait être calculée conformément aux dispositions du 2° de l'article 1469 du code général des impôts, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;
En ce qui concerne la valeur locative des autres biens passibles de la taxe foncière :
Considérant qu'aux termes de l'article 1500 du code général des impôts : Par dérogation à l'article 1499, les bâtiments et terrains industriels qui ne figurent pas à l'actif d'une entreprise industrielle ou commerciale astreinte aux obligations définies à l'article 53 A, sont évalués dans les conditions prévues à l'article 1498 ; qu'en vertu de l'article 1498 du code général des impôts, la valeur locative de tous les biens, autres que les locaux d'habitation ou à usage professionnel visés au I de l'article 1496 et que les établissements industriels visés à l'article 1499, est déterminée, lorsque ces biens ne sont ni donnés en location à des conditions de prix normales, ni loués à des conditions de prix anormales ou occupés par leur propriétaire, occupés par un tiers à un autre titre que la location, vacants ou concédés à titre gratuit, par voie d'appréciation directe ; qu'en vertu du premier alinéa de l'article 324 AB de l'annexe III au code général des impôts, il est procédé à l'appréciation directe d'un bien en appliquant un taux d'intérêt à sa valeur vénale, telle qu'elle serait constatée à la date de référence si l'immeuble était libre de toute location ou occupation ; qu'aux termes de l'article 324 AC de l'annexe III au même code : La valeur vénale d'un immeuble peut (...) être obtenue en ajoutant à la valeur vénale du terrain, estimée par comparaison avec celle qui ressort de transactions récentes relatives à des terrains à bâtir situés dans une zone comparable, la valeur de reconstruction au 1er janvier 1970 dudit immeuble, réduite pour tenir compte, d'une part, de la dépréciation immédiate et, d'autre part, du degré de vétusté de l'immeuble et de son état d'entretien, ainsi que de la nature, de l'importance, de l'affectation et de la situation de ce bien ; qu'en réduisant la valeur de reconstruction au 1er janvier 1970 de la station de traitement des eaux usées exploitée par la société Saur d'un taux d'abattement de 70 %, et en faisant application à la valeur vénale ainsi obtenue d'un taux d'intérêt de 7 %, la cour s'est livrée à une appréciation souveraine qui, en l'absence de dénaturation, ne peut être utilement critiquée devant le juge de cassation ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par la SA SAUR FRANCE au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la SA SAUR FRANCE est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SA SAUR FRANCE et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.