Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 avril et 14 avril 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le CONSEIL REGIONAL DE L'ORDRE DES EXPERTS COMPTABLES DE ROUEN-NORMANDIE, dont le siège est Résidence Deauville 6, place Saint-Marc à Rouen (76000), et pour M. Jacky B, demeurant 492, rue de la Prévôtière BP 530 à Bois-Guillaume Cedex (76235) ; le CONSEIL REGIONAL DE L'ORDRE DES EXPERTS COMPTABLES DE ROUEN-NORMANDIE et M. B demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la délibération du 11 janvier 2006 par laquelle le comité national du tableau auprès du conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables a infirmé la décision du conseil régional de l'ordre des experts-comptables de Rouen-Normandie du 7 septembre 2005 rejetant à l'unanimité la demande d'inscription de M. Alain A et lui a enjoint d'inscrire ce dernier sur le tableau régional ;
2°) de mettre à la charge du conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables, le versement d'une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 ;
Vu le décret n° 70-147 du 19 février 1970 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Richard Senghor, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat du CONSEIL RÉGIONAL DE L'ORDRE DES EXPERTS COMPTABLES DE ROUEN-NORMANDIE et de M. B et de la SCP Peignot, Garreau, avocat du conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables,
- les conclusions de M. Yann Aguila, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant qu'aux termes de l'article 3 de l'ordonnance du 19 septembre 1945 portant institution de l'ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d'expert-comptable : « II. Pour être inscrit au tableau de l'ordre en qualité d'expert-comptable, il faut : 5° Présenter les garanties de moralité jugées nécessaires par le conseil de l'ordre. » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A a fait l'objet de rappels d'impôt sur le revenu significatifs et répétés faisant suite, d'une part, à des vérifications de comptabilité de sociétés dans lesquelles lui-même ou ses proches assumaient des fonctions de direction et détenaient des intérêts et, d'autre part, à l'examen de sa situation personnelle ; qu'indépendamment du sort des procédures contentieuses engagées par M. A, la succession des omissions et inexactitudes de ses déclarations à l'administration fiscale traduit un comportement incompatible avec les missions assignées aux experts comptables et les garanties de moralité exigées par ces dispositions ; que, par suite, le comité national du tableau a fait une inexacte application de l'article 3 de l'ordonnance du 19 septembre 1945 en estimant que la candidature de M. A en remplissait les conditions ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le CONSEIL REGIONAL DE L'ORDRE DES EXPERTS COMPTABLES DE ROUEN-NORMANDIE et M. B sont fondés à demander l'annulation de la décision du comité national du tableau auprès du Conseil Supérieur de l'Ordre des experts-comptables en date du 11 janvier 2006 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article 39 de l'ordonnance du 19 septembre 1945 portant institution de l'ordre des experts comptables, « les conseils de l'ordre ont l'exercice des droits de la personnalité civile » ; qu'aux termes de l'article 30 de la même ordonnance : « (...) le conseil régional a seul qualité pour : (...) 7° fixer et recouvrer le montant des cotisations qui doivent être versées par les membres de l'ordre et les personnes physiques soumises à sa surveillance et à son contrôle disciplinaire pour couvrir les frais de fonctionnement administratif de l'ordre. » ; que les conseils régionaux de l'ordre des experts-comptables, qui jouissent d'une autonomie financière, sont dotés de patrimoines distincts de celui du conseil supérieur de l'ordre ; qu'il suit de là que le moyen du conseil supérieur de l'ordre des experts comptables selon lequel les conclusions du CONSEIL REGIONAL DE L'ORDRE DES EXPERTS COMPTABLES DE ROUEN-NORMANDIE fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont irrecevables, et tiré du motif que conseil supérieur et conseils régionaux ne formeraient qu'une seule personne morale, ne peut qu'être écarté ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables le versement de la somme de 2 000 euros respectivement au CONSEIL REGIONAL DE L'ORDRE DES EXPERTS COMPTABLES DE ROUEN-NORMANDIE et à M. B, au titre des frais engagés par eux et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : La décision du comité national du tableau auprès du conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables en date du 11 janvier 2006 est annulée.
Article 2 : Le conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables versera la somme de 2 000 euros au CONSEIL REGIONAL DE L'ORDRE DES EXPERTS COMPTABLES DE ROUEN-NORMANDIE et la somme de 2 000 euros à M. B au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au CONSEIL REGIONAL DE L'ORDRE DES EXPERTS COMPTABLES DE ROUEN-NORMANDIE, à M. Jacky B, au conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables et à M. Alain A.