Vu la requête, enregistrée le 14 novembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le DEPARTEMENT DE LA CHARENTE-MARITIME, représenté par le président du conseil général ; le DEPARTEMENT DE LA CHARENTE-MARITIME demande au Conseil d'Etat d'annuler la décision du 12 juillet 2005 par laquelle la commission centrale d'aide sociale a, à la demande de l'association « Action d'aide aux personnes protégées 17 » (ADPP), curateur de Mme Jeannine A, annulé la décision du 2 septembre 2003 de la commission départementale d'aide sociale de la Charente-Maritime ayant confirmé la décision du 16 décembre 2002 de la commission d'admission à l'aide sociale de Saintes refusant la prise en charge des frais de mutuelle et d'assurance responsabilité civile de Mme A en sus de ses frais d'hébergement en établissement ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, notamment son Préambule ;
Vu le code de l'action sociale et des familles ;
Vu le décret n° 54-1128 du 15 novembre 1954, notamment son article 5 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alexandre Lallet, Auditeur,
- les conclusions de M. Luc Derepas, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 132-3 du code de l'action sociale et des familles : « Les ressources de quelque nature qu'elles soient, à l'exception des prestations familiales, dont sont bénéficiaires les personnes placées dans un établissement au titre de l'aide aux personnes âgées ou de l'aide aux personnes handicapées, sont affectées au remboursement de leurs frais d'hébergement et d'entretien dans la limite de 90 %. Toutefois les modalités de calcul de la somme mensuelle minimum laissée à la disposition du bénéficiaire de l'aide sociale sont déterminées par décret. La retraite du combattant et les pensions attachées aux distinctions honorifiques dont le bénéficiaire de l'aide sociale peut être titulaire s'ajoutent à cette somme. » ; qu'aux termes de l'article 5 du décret du 15 novembre 1954 alors en vigueur, désormais codifié à l'article R. 231-6 du code de l'action sociale et des familles : « La somme minimale laissée mensuellement à la disposition des personnes placées dans un établissement au titre de l'aide sociale aux personnes âgées, par application des dispositions de l'article 3 du décret n° 59-143 du 7 janvier 1959, est fixée, lorsque le placement comporte l'entretien, à un centième du montant annuel des prestations minimales de vieillesse, arrondi à l'euro le plus proche. Dans le cas contraire, l'arrêté fixant le prix de journée de l'établissement détermine la somme au-delà de laquelle est opéré le prélèvement de 90 p. 100 prévu audit article 3 » ;
Considérant, d'une part, qu'il résulte de ces dispositions que les personnes âgées hébergées en établissement au titre de l'aide sociale doivent pouvoir disposer librement de 10 % de leurs ressources et que la somme ainsi laissée à leur disposition ne peut être inférieure à 1 % du minimum vieillesse ; que ces dispositions doivent être interprétées comme devant permettre à ces personnes de subvenir aux dépenses qui sont mises à leur charge par la loi et sont exclusives de tout choix de gestion, telles que les sommes dont elles seraient redevables au titre de l'impôt sur le revenu ; qu'il suit de là que la contribution de 90 % prévue à l'article L. 132-3 du code de l'action sociale et des familles doit être appliquée sur une assiette de ressources diminuée de ces dépenses ; qu'en outre, eu égard aux exigences résultant du onzième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, auquel se réfère le Préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 en vertu duquel la nation garantit à tous la protection de la santé, les dispositions du code de l'action sociale et des familles doivent être interprétées comme imposant également de déduire de cette assiette soit la part des tarifs de sécurité sociale restant à la charge des assurés sociaux du fait des dispositions législatives et réglementaires et le forfait journalier prévu par l'article L. 174-4 du code de la sécurité sociale soit les cotisations d'assurance maladie complémentaire nécessaires à la couverture de ces dépenses ;
Considérant, d'autre part, qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 132-3 et R. 231-6 du code de l'action sociale et des familles que les établissements qui assurent à la fois l'hébergement et l'entretien des personnes âgées doivent fournir à ce titre l'ensemble des prestations d'administration générale, d'accueil hôtelier, de restauration, d'animation de la vie sociale de l'établissement et les autres prestations et fournitures nécessaires au bien-être de la personne dans l'établissement, dès lors qu'elles ne sont pas liées à son état de santé ou à son état de dépendance ; que lorsqu'une personne âgée se voit demander d'acquitter elle-même des dépenses d'entretien qui devraient trouver leur contrepartie dans le tarif de l'établissement, il y a lieu, par suite, de déduire ces dépenses de l'assiette de la contribution exigée de l'intéressée en application des dispositions précitées ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la somme minimale laissée à la disposition des personnes âgées hébergées doit être déterminée après déduction des sommes nécessaires à l'acquisition d'une couverture maladie complémentaire destinée à assurer la couverture de la part des tarifs de sécurité sociale restant à la charge des assurés sociaux ainsi que le forfait journalier prévu à l'article L. 174-4 du code de la sécurité sociale ; qu'il est constant que la cotisation d'assurance maladie payée par Mme A n'excédait pas cet objet ; qu'il y avait donc lieu de procéder à cette déduction pour fixer la somme laissée à sa disposition ; que ce motif doit être substitué à celui retenu par la décision de la commission centrale d'aide sociale, dont il justifie légalement le dispositif en tant qu'il fait droit à la demande de l'association « Action d'aide aux personnes protégées 17 » concernant les cotisations d'assurance maladie complémentaire ;
Considérant, en second lieu, que les dépenses afférentes à la souscription d'une assurance de responsabilité civile, qui ne relèvent pas de l'entretien au sens des dispositions des articles L. 132-3 et R. 231-6 du code de l'action sociale et des familles, ne sont pas au nombre des dépenses mises à la charge des personnes âgées par la loi et exclusives de tout choix de gestion ; qu'ainsi, en jugeant que, pour la détermination des ressources devant être affectées au remboursement des frais d'hébergement et d'entretien, les dispositions précitées du code de l'action sociale et des familles impliquaient de déduire des ressources de toute nature des personnes hébergées le montant des dépenses nécessaires à l'acquisition d'une assurance responsabilité civile, la commission centrale d'aide sociale a commis une erreur de droit ; que sa décision doit, par suite et dans cette mesure, être annulée ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette même mesure, l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la circonstance que les dépenses d'assurance de responsabilité civile ne seraient pas incluses dans les prestations offertes par la maison de retraite « Les Arènes » de Saintes où Mme A est hébergée, alors qu'elles présenteraient, selon l'association appelante, un caractère indispensable à sa vie dans l'établissement, est par elle-même sans incidence sur l'application des dispositions citées plus haut du code de l'action sociale et des familles ;
Considérant, en second lieu, qu'ainsi qu'il a été dit, aucune disposition du code de l'action sociale et des familles non plus que du règlement départemental d'aide sociale de la Charente-Maritime ne faisait obligation à ce département de majorer la somme laissée à la disposition de Mme A à raison des dépenses d'assurance de responsabilité civile dont elle a la charge ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'association « Action d'aide aux personnes protégées 17 » n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par sa décision en date du 2 septembre 2003, la commission départementale d'aide sociale de la Charente-Maritime a rejeté sa demande tendant à la prise en charge de ses frais d'assurance de responsabilité civile ;
D E C I D E :
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Article 1er : La décision de la commission centrale d'aide sociale du 12 juillet 2005 est annulée en tant qu'elle fait droit aux conclusions tendant à la prise en charge par le département de la Charente-Maritime des dépenses d'assurance de responsabilité civile de Mme A.
Article 2 : Les conclusions présentées sur ce point par l'association « Action d'aide aux personnes protégées 17 » devant la commission centrale d'aide sociale sont rejetées.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par le DEPARTEMENT DE LA CHARENTE-MARITIME devant le Conseil d'Etat est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au DEPARTEMENT DE LA CHARENTE-MARITIME et à l'association « Action d'aide aux personnes protégées 17 ».
Copie en sera adressée pour information au ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité.