Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 juin et 27 septembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE ASSURANCES GENERALES DE FRANCE, dont le siège est 87, rue de Richelieu à Paris (75002), et M. Thierry A, demeurant... ; la SOCIETE ASSURANCES GENERALES DE FRANCE et M. A demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 7 avril 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy, sur leur appel formé contre le jugement du 3 février 2000 du tribunal administratif de Besançon ne faisant que partiellement droit à leur demande tendant à la condamnation conjointe et solidaire de l'établissement public Voies navigables de France, du GIE BFC Granulats et de la SA Vigot Transports TP à leur verser respectivement les sommes de 39 915,38 francs HT (6 085,06 euros) et de 26 750 francs HT (4 078,01 euros) avec intérêts aux taux légal à compter du 7 septembre 1995 en réparation du préjudice subi résultant de l'échouage du bateau Yacou qui s'est produit le 12 août 1995 sur le canal du Rhône au Rhin à Laissey, a annulé ce jugement et rejeté au fond leurs conclusions ;
2°) réglant l'affaire au fond, de déclarer l'établissement public Voies navigables de France, le GIE BFC Granulats et la SA Vigot Transports TP solidairement responsables du préjudice subi par le navire et les condamner solidairement au paiement de la somme de 4 078 euros et celle de 2 007 euros à M. A avec intérêts de droit à compter du dépôt de la requête introductive ;
3°) de mettre à la charge de l'établissement public Voies navigables de France, du GIE BFC Granulats et de la SA Vigot Transports le paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des assurances et notamment son article L. 121-12 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Xavier Domino, Auditeur,
- les observations de la SCP Baraduc, Duhamel, avocat de la SOCIETE ASSURANCES GENERALES DE FRANCE et de M. A, de Me Le Prado, avocat du GIE BFC Granulats, de Me Odent, avocat de la société Vigot Transports TP et de Me Balat, avocat de l'établissement Voies navigables de France,
- les conclusions de M. Emmanuel Glaser, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'au cours de l'année 1995, l'établissement public Voies navigables de France a décidé d'engager des travaux sur le canal du Rhône au Rhin pour rétablir le libre écoulement des eaux dans le bief de Laissey (Doubs) ; que ces travaux ont fait l'objet d'un marché public de travaux qui a été précédé, le 15 mai 1995, d'une lettre de commande de travaux d'extraction de première urgence confiés au GIE BFC Granulats chargé de l'extraction, ainsi que du transport et du déchargement des matériaux extraits ; que, pour réaliser le transport, le GIE BFC Granulats a conclu, le 15 mai 1995, une convention avec l'association des mariniers de Bourgogne aux termes de laquelle celle-ci devait se charger de mettre à la disposition de BFC Granulats, en fonction de sa demande, des bateaux devant transporter les matériaux issus du dragage ; qu'à la suite de cette convention, un contrat de transport au tonnage a été conclu le 23 mai 1995 entre le GIE BFC Granulats, l'association des mariniers de Bourgogne, et M. Thierry A, propriétaire et capitaine du bateau Yacou, qui devait participer à l'acheminement de granulats depuis le chantier de dragage du bief de Laissey jusqu'au lieu du déchargement ; que le 12 août 1995, alors qu'il procédait à cet acheminement, le bateau conduit par M. A s'est échoué à un endroit où les travaux de dragage, sous-traités par le GIE BFC Granulats à la société Vigot Transports TP, étaient achevés depuis quelques jours ;
Considérant que la SOCIETE ASSURANCES GENERALES DE FRANCE (AGF), assureur de M. A, et ce dernier se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 7 avril 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy, pour annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon ayant partiellement fait droit à leurs demandes en condamnant la société Vigot Transports TP à leur verser certaines sommes, a estimé d'une part, que si la SOCIETE AGF soutenait avoir subi un préjudice d'un montant de 26 750 F HT (4 078 euros) à raison du coût des réparations du bateau rendues nécessaires à la suite de son échouage, elle ne produisait aucune quittance subrogatoire justifiant ce préjudice, et d'autre part, que l'existence de préjudices n'était pas démontrée à l'appui des demandes d'indemnisation présentées par M. A pour immobilisation du bateau et frais d'expertise ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, que s'agissant des demandes d'indemnisation de M. A, la cour administrative d'appel de Nancy, en jugeant que ces demandes n'étaient pas assorties de justifications, a porté sur les pièces qui lui étaient soumises une appréciation exempte de dénaturation et n'a pas ainsi commis d'erreur de droit en écartant les conclusions de M. A ;
Considérant en revanche qu'aux termes de l'article L. 121-12 du code des assurances : L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur./... ; qu'en écartant la demande présentée par la SOCIETE AGF au seul motif qu'elle n'avait pas produit une quittance subrogatoire, alors qu'il ressortait des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SOCIETE AGF justifiait avoir procédé, avec l'autorisation de son assuré M. A et pour le compte de celui-ci, au règlement de la somme de 26 750 F HT (4 078 euros) à la société CBV chargée de réparer le bateau, la cour a commis une erreur de droit ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE AGF et M. A sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant seulement qu'il a annulé le jugement du tribunal administratif en tant qu'il a condamné la société Vigot Transports TP à verser à la compagnie d'assurances ASSURANCES GENERALES DE FRANCE la somme de 13 375 F (2 039 euros) assortie des intérêts au taux légal à compter du 7 septembre 1995, et les intérêts des intérêts à compter du 12 juin 1998, au titre des frais exposés par celle-ci pour la réparation du bateau, et par voie de conséquence, en tant que, se prononçant sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il a annulé le jugement sur ce point, rejeté la demande formée à ce titre par la SOCIETE AGF et M. A, et condamné ces derniers à verser à la société Vigot Transports TP et au GIE BFC Granulats chacun une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond dans cette mesure ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le bateau Yacou s'est échoué le 12 août 1995 à environ 200 mètres du pont de Laissey alors qu'il avait chargé du gravier extrait du dragage du bief de Laissey et le transportait en direction du lieu de déchargement ; que M. A, qui doit être regardé comme participant à l'exécution d'un travail public, ne peut mettre en oeuvre la responsabilité du maître de l'ouvrage et de ses entrepreneurs que sur le fondement d'une faute qui leur serait imputable ; que si d'une part aucune faute n'est établie à l'encontre de l'établissement public Voies navigables de France et si d'autre part le contrat de droit privé liant le GIE BFC Granulats à M. A fait obstacle à ce que ce dernier puisse en tout état de cause rechercher la responsabilité du GIE devant la juridiction administrative, il ressort en revanche des pièces du dossier que l'échouage, qui s'est produit à un endroit où le chenal avait été dragué une semaine auparavant par la société Vigot Transports TP, ne serait pas intervenu si le dragage avait été correctement réalisé ; que ce manquement est constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité de la société Vigot Transports TP envers M. A ; que cependant, il a été relevé qu'au moment de son échouage, le bateau avait un enfoncement supérieur au maximum autorisé et que la surcharge du bateau ainsi constatée ayant contribué au dommage, il convient de limiter la responsabilité de la société Vigot transports TP dans la proportion de 50 % retenue par le tribunal administratif de Besançon ;
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la SOCIETE AGF, assureur de M. A, justifie avoir procédé, avec l'autorisation de son assuré et pour le compte de celui-ci, au règlement de la somme de 26 750 F HT (4 078 euros) à la société CBV chargée de réparer le bateau ; qu'elle est donc subrogée dans les droits de M. A à l'encontre de la société Vigot Transports TP dans la limite de ceux-ci ; qu'ainsi ni la SOCIETE AGF, ni M. A d'une part, ni, par la voie de l'appel incident, la société Vigot Transports TP, d'autre part, ne sont fondés à critiquer le jugement du tribunal administratif de Besançon en date du 3 février 2000 en tant qu'il a condamné la société Vigot Transports TP à verser à la SOCIETE AGF la somme de 13 375 F, soit 2 039 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 7 septembre 1995, et les intérêts des intérêts à compter du 12 juin 1998, au titre des frais exposés par cette dernière pour la réparation du bateau, après avoir rejeté les conclusions dirigées contre le GIE BFC Granulats comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître, et mis hors de cause l'établissement public Voies navigables de France ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'annuler l'article 4 du jugement du tribunal administratif qui statue sur les conclusions des parties tendant à l'application des dispositions de l'article L . 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a, lieu dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Vigot Transports TP une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par la SOCIETE AGF et non compris dans les dépens, tant en première instance, qu'en appel et en cassation; qu'il n'y a en revanche pas lieu de faire droit aux conclusions de l'établissement public Voies navigables de France et du GIE BFC Granulats présentées sur le même fondement ; qu'enfin, les dispositions de ce même article font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux demandes présentées à ce titre par M. A ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy, en date du 7 avril 2005, est annulé en tant, d'une part, qu'il a annulé le jugement du 3 février 2000 du tribunal administratif de Besançon en tant que celui-ci a condamné la société Vigot Transports TP à verser à la compagnie d'assurances ASSURANCES GENERALES DE FRANCE la somme de 13 375 F (2 039 euros) assortie des intérêts au taux légal à compter du 7 septembre 1995, et les intérêts des intérêts à compter du 12 juin 1998, au titre des frais exposés par celle-ci pour la réparation du bateau, et, d'autre part, en tant qu'il a statué sur les conclusions des parties tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 2 : L'article 4 du jugement du tribunal administratif de Besançon est annulé
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par la SOCIETE ASSURANCES GENERALES DE FRANCE et M. A et les conclusions d'appel incident de la société Vigot Transports sont rejetés.
Article 4 : La société Vigot Transports TP versera à la SOCIETE ASSURANCES GENERALES DE FRANCE une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions présentées par l'établissement public Voies navigables de France, le GIE BFC GRANULATS, la société Vigot transports TP, et M. A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE ASSURANCES GENERALES DE FRANCE, à M. Thierry A, à la société Vigot transports TP, au GIE BFC Granulats, et à l'établissement public Voies navigables de France.