Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 16 juin et 17 octobre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean-Paul A, demeurant ..., M. Jean-François B, demeurant au ... et M. Michel B, demeurant au ... ; les requérants demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 14 avril 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté leur requête tendant à l'annulation du jugement du 27 février 2001 du tribunal administratif de Bordeaux rejetant leur demande tendant à l'annulation des décisions de la commission départementale d'aménagement foncier de la Dordogne du 8 décembre 1998 et de la délibération du conseil municipal de Saint-Privas-des-Prés du 5 février 1999 classant en chemin rural une bande de terre prélevée sur leurs apports ;
2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler la décision de la commission départementale d'aménagement foncier de la Dordogne du 8 décembre 1998 et la délibération du conseil municipal de Saint-Privat-des-Prés du 5 février 1999 ;
3°) d'ordonner à la commission départementale d'aménagement foncier de prendre une nouvelle décision ne comprenant pas la création d'une voie d'accès spéciale au profit de Mme C entre les parcelles dont les requérants sont propriétaires, et de se prononcer sur le sort de l'ancien chemin rural desservant les propriétés de M. D et Mme C dans un délai n'excédant pas deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir, à peine d'astreinte de 200 euros par jour de retard à la charge de l'Etat ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat et de la commune de Saint-Privat-des-Prés une somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 11 mars 2008, présentée pour M. A et autres ;
Vu le code rural ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Marc Lambron, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Gaschignard, avocat de M. A et autres et de la SCP Vincent, Ohl, avocat de la commune de Saint-Privat-des-Prés,
- les conclusions de M. Jean-Philippe Thiellay, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions du ministre de l'agriculture et de la pêche tendant à ce qu'il soit donné acte du désistement d'office de M. A et autres :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 611-22 du code de justice administrative : " Lorsque la requête ou le recours mentionne l'intention du requérant de présenter un mémoire complémentaire, la production annoncée doit parvenir au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat dans un délai de quatre mois à compter de la date à laquelle la requête a été enregistrée. Si ce délai n'est pas respecté, le requérant... est réputé s'être désisté à la date d'expiration de ce délai, même si le mémoire complémentaire a été ultérieurement produit. Le Conseil d'Etat donne acte de ce désistement " ;
Considérant que dans leur requête enregistrée le 16 juin 2005, M. A et autres mentionnaient leur intention de produire un mémoire complémentaire ; que le délai de quatre mois dans lequel ils devaient produire ce mémoire expirant le 17 octobre 2005, date à laquelle ledit mémoire a été enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre n'est pas fondé à soutenir que les requérants devaient, en application des dispositions précitées, être réputés s'être désistés de leur pourvoi ;
Sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que par un jugement du 15 février 1995, confirmé par un arrêt du 3 février 1998 de la cour administrative d'appel de Bordeaux devenu définitif, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé les décisions de la commission départementale d'aménagement foncier de la Dordogne du 21 mai 1991 statuant sur les réclamations de M. A et de MM. B, en retenant comme fondé le moyen selon lequel l'attribution à Mme C d'une bande de terre prélevée sur des parcelles leur appartenant à seule fin de permettre la desserte de la propriété de cette dernière méconnaissait les dispositions de l'article 19 du code rural alors applicable ; que, par une nouvelle décision du 8 décembre 1998, ladite commission a proposé au conseil municipal de la commune de Saint-Privat-des-Prés de classer la bande de terre dont s'agit en chemin rural ; que le conseil municipal de cette commune a procédé à ce classement par une délibération du 5 février 1999 ; que M. A et autres ont formé une demande en annulation contre ces deux décisions devant le tribunal administratif de Bordeaux, qui l'a rejetée par un jugement du 27 février 2001, confirmé par l'arrêt du 14 avril 2005 de la cour administrative d'appel de Bordeaux contre lequel M. A et MM. B se pourvoient en cassation ;
Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la création du chemin rural dont s'agit permettait, d'une part, d'assurer la desserte de la propriété de Mme C, et d'autre part offrait une possibilité de desserte supplémentaire des autres propriétés riveraines ; qu'en mentionnant cette dernière possibilité dans son arrêt, alors même que les autres propriétés n'étaient pas enclavées, la cour ne l'a pas entaché de dénaturation ; qu'en retenant par les motifs sus-énoncés que la création de ce chemin rural répondait, dans le cadre des opérations de remembrement portant sur les parcelles concernées, à un objectif d'intérêt général, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;
Considérant, en deuxième lieu, que la cour ne s'est pas méprise sur la portée de la délibération du conseil municipal du 25 octobre 1990 en considérant qu'elle supprimait le chemin rural n° 22 ; que, dès lors que cette délibération s'imposait à la commission départementale d'aménagement foncier, le moyen, à le supposer soulevé devant la cour, tiré de ce que la commission départementale aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en supprimant l'ancien chemin rural était inopérant ; que, par suite, la cour n'a pas entaché son arrêt d'irrégularité en n'y répondant pas ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, lors de sa séance du 8 décembre 1998, la commission départementale a rappelé le caractère impraticable de l'ancien chemin rural n° 22 et fait valoir l'intérêt de sa suppression du point de vue de l'exploitation agricole, compte étant également tenu de la nécessité d'assurer la desserte de la propriété de Mme C ; qu'ainsi, la cour n'a pas dénaturé les éléments de la cause en estimant que la commission départementale s'était prononcée sur l'ensemble de la réclamation des intéressés, non plus qu'en constatant l'enclavement de la propriété de Mme C ;
Considérant, enfin, que l'annulation des décisions de la commission départementale du 21 mai 1991 prononcée par le jugement du 15 février 1995 du tribunal administratif de Bordeaux et confirmée par l'arrêt devenu définitif du 3 février 1998 de la cour administrative d'appel de Bordeaux était motivée par l'illégalité de l'attribution à Mme C d'une bande de terre destinée à la desserte privée de sa parcelle et ne reposait pas sur le motif que les propriétaires d'origine justifiaient d'un droit à se la voir réattribuer ; que, dans ces conditions, le respect dû à la chose jugée n'impliquait pas une telle réattribution et ne faisait pas obstacle à ce que la commission départementale proposât la création d'un chemin rural ; qu'il s'ensuit que la cour, en écartant le moyen selon lequel l'autorité de la chose jugée s'attachant à l'annulation de la décision du 21 mai 1991 de la commission départementale s'opposait à la création d'un chemin rural sur la bande de terre litigieuse, n'a pas entaché son arrêt d'une erreur de droit ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat et de la commune de Saint-Privat-des-Prés, qui ne sont pas dans la présente instance les parties perdantes, la somme que M. A et autres demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. A et autres la somme que la commune de Saint-Privat-des-Prés demande au titre de ces frais ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. A et autres est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Saint-Privat-des-Prés tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Paul A, à M. Jean-François B, à M. Michel B, à la commune de Saint-Privat-des-Prés et au ministre de l'agriculture et de la pêche.