Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 juillet et 10 novembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean-Yves A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 11 mai 2006 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 11 mars 2003 par laquelle le directeur général de l'office public d'aménagement et de construction du Lot-et-Garonne Habitalys a refusé de lui rétablir, dans son intégralité, le bénéfice de la prime de service et de rendement qui lui était versée et, d'autre part, à la condamnation de l'office au versement de la somme de 414,05 euros, à titre de complément de prime de rendement et de service ;
2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler la décision du 11 mars 2003 et de condamner l'office public d'aménagement et de construction du Lot-et-Garonne Habitalys à lui verser la somme de 414,05 euros, outre les intérêts de droit à compter de la date de réception de la demande préalable et les intérêts capitalisés ;
3°) de mettre à la charge de l'office public d'aménagement et de construction du Lot-et-Garonne Habitalys le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
Vu le décret n° 72-18 du 5 janvier 1972 ;
Vu le décret n° 85-397 du 3 avril 1985 ;
Vu le décret n° 91-875 du 6 septembre 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Eric Berti, chargé des fonctions de Maître des requêtes,
- les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de M. A et de Me Blanc, avocat de l'office public d'aménagement et de construction du Lot-et-Garonne Habitalys ,
- les conclusions de Mlle Anne Courrèges, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. A, agent de maîtrise principal à l'office public d'aménagement et de construction (OPAC) du Lot-et-Garonne Habitalys , bénéficiait d'une décharge partielle d'activité depuis le 1er juillet 2002 au titre de sa qualité de représentant du personnel désigné par le syndicat Interco CFDT ; que, par une décision en date du 11 mars 2003, le directeur de l'OPAC Habitalys a refusé de verser à l'intéressé l'intégralité d'une prime de service et de rendement résultant d'un pourcentage de son traitement brut moyen ; que, par le jugement du 11 mai 2006 contre lequel M. A se pourvoit en cassation, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ;
Considérant, d'une part, qu'en vertu de l'article 8 de la loi du 13 juillet 1983, le droit syndical est garanti aux fonctionnaires et qu'aux termes du premier alinéa de l'article 9 de la même loi : Les fonctionnaires participent par l'intermédiaire de leurs délégués siégeant dans des organismes consultatifs à l'organisation et au fonctionnement des services publics, à l'élaboration des règles statutaires et à l'examen des décisions individuelles relatives à leur carrière ;
Considérant, d'autre part, qu'en vertu de l'article 56 de la loi du 26 janvier 1984, le fonctionnaire territorial qui bénéficie d'une décharge de service pour l'exercice d'un mandat syndical est réputé être en position d'activité et qu'en vertu de l'article 16 du décret du 3 avril 1985, les décharges d'activité de service sont attribuées aux organisations syndicales en fonction de leur représentation au Conseil supérieur de la fonction publique territoriale et dans les comités techniques paritaires ;
Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 1er du décret du 5 janvier 1972 : Les fonctionnaires des corps techniques du ministère de l'équipement et du logement (...) bénéficient (...) de primes de service et de rendement dont les taux moyens applicables aux émoluments moyens soumis à retenue pour pension seront définis par un arrêté (...) / Elle est fixée chaque année en fonction de l'importance du poste et de la qualité des services rendus ; que selon l'article 4 du décret du 6 septembre 1991, alors en vigueur : La prime de service et de rendement créée au profit des corps techniques du ministère de l'équipement et du logement par le décret du 5 janvier 1972 susvisé peut être attribuée aux fonctionnaires territoriaux exerçant des fonctions techniques. / Ceux d'entre eux qui participent aux travaux effectués par la collectivité ou l'établissement dont ils relèvent ou pour le compte de celle-ci peuvent se voir attribuer une indemnité dont le taux moyen est au plus égal à celui des rémunérations accessoires allouées aux fonctionnaires du ministère chargé de l'équipement de niveau équivalent ;
Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que le fonctionnaire territorial auquel est attribuée une décharge partielle de service a droit, durant l'exercice de son mandat, au versement, sur la base d'un temps plein, des primes de service et de rendement qui lui sont attribuées au titre des fonctions qu'il continue d'exercer et ce, au taux effectivement constaté ; que, dès lors, le tribunal administratif de Bordeaux ne pouvait, sans commettre d'erreur de droit, estimer qu'eu égard à l'absence de service effectif pendant la décharge de service partiel dont M. A bénéficiait en sa qualité de secrétaire général d'Interco CFDT, l'intéressé n'était pas fondé à demander l'annulation de la décision attaquée du 11 mars 2003 par laquelle le directeur général de l'office public d'aménagement et de construction Habitalys a refusé à M. A de lui rétablir le bénéfice de la prime de rendement et de service dans son intégralité ; qu'il suit de là, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, que le jugement du tribunal administratif de Bordeaux doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'ainsi qu'il vient d'être dit, la décision du 11 mars 2003 par laquelle le directeur général de l'office public d'aménagement et de construction du Lot-et-Garonne Habitalys a refusé à M. A de rétablir dans son intégralité le bénéfice de la prime de service et de rendement qui lui était versée doit être annulée ; qu'il s'ensuit que l'OPAC du Lot-et-Garonne Habitalys doit être condamné à verser au requérant la somme de 414,05 euros, outre les intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la demande préalable ; qu'à la date du 10 juillet 2006 à laquelle M. A a présenté des conclusions à fin de capitalisation des intérêts, il était dû plus d'une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande tant à cette date qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'office public d'aménagement et de construction du Lot-et-Garonne Habitalys la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A la somme demandée au même titre par l'OPAC du Lot-et-Garonne Habitalys ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 11 mai 2006 est annulé.
Article 2 : La décision du 11 mars 2003 par laquelle le directeur général de l'office public d'aménagement et de construction du Lot-et-Garonne Habitalys a refusé à M. A de rétablir dans son intégralité le bénéfice de la prime de service et de rendement qui lui était versée est annulée.
Article 3 : L'OPAC du Lot-et-Garonne Habitalys est condamné à verser à M. A la somme de 414,05 euros. Cette somme portera intérêt, au taux légal, à compter de la date de réception de la demande préalable. Les intérêts échus le 10 juillet 2006 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Article 4 : L'OPAC du Lot-et-Garonne Habitalys versera la somme de 3 000 euros à M. A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions de L'OPAC du Lot-et-Garonne Habitalys présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Yves A et à l'office public d'aménagement et de construction du Lot-et-Garonne Habitalys .
Copie en sera adressée pour information à la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.