Vu l'ordonnance en date du 8 décembre 2004, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 10 décembre 2004, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Lyon a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi présenté à cette cour pour la SCI CAVOUR ;
Vu le pourvoi, enregistré au greffe de la cour administrative d'appel de Lyon le 1er décembre 2004 et le nouveau mémoire enregistré le 11 mai 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SCI CAVOUR, dont le siège social est situé 4, rue Lalo à Paris (75116) représentée par son gérant ; la SCI CAVOUR demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement en date du 30 septembre 2004 du tribunal administratif de Lyon en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à ses demandes tendant à la réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1995, 1996, 1997, 1999 et 2000 dans les rôles de la commune de Vénissieux ;
2°) réglant l'affaire au fond, de lui accorder les réductions demandées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Vincent Daumas, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la SCI CAVOUR,
- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SCI CAVOUR est propriétaire d'un tènement édifié en 1920 à usage de stockage d'une contenance de 11 860 m² situé au 195-199, avenue Francis de Pressensé sur le territoire de la commune de Vénissieux ; que la société a contesté, au titre des années 1995 à 2000, la valeur locative retenue par l'administration fiscale selon la méthode prévue au a du 2° de l'article 1498 du code général des impôts par comparaison, d'abord avec le local type n° 103 puis avec le local type n° 131 C du procès-verbal des évaluations foncières de la commune de Vénissieux ; que la SCI CAVOUR demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement en date du 30 septembre 2004 du tribunal administratif de Lyon en tant que, après avoir ordonné par jugement avant-dire droit une expertise, il n'a fait que partiellement droit à ses demandes tendant à la réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1995 à 1997, 1999 et 2000, dans les rôles de cette commune ;
Sur les conclusions du ministre tendant à ce qu'il soit constaté un non-lieu à statuer :
Considérant que, par une décision en date du 19 mai 2008, postérieure à l'introduction du pourvoi, le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique a prononcé les dégrèvements annoncés dans son mémoire en défense du 27 mars 2008 à hauteur de 3 786,36 euros au titre de 1995, 10 063,68 euros au titre de 1996, 12 301,11 euros au titre de 1997, 16 211 euros au titre de 1999 et 16 485 euros au titre de 2000 ; que, par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du pourvoi à hauteur des sommes correspondant aux dégrèvements accordés ;
Sur les conclusions de la société conservant un objet :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;
Considérant que, pour refuser à la société le bénéfice de l'interprétation contenue dans la documentation administrative de base référencée 6 C-234, à jour au 15 décembre 1988, qu'elle invoquait sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, le tribunal administratif lui a opposé la circonstance que celle-ci n'incluait dans son champ que les lieux de stockage de très grande surface ; qu'il résulte toutefois de ses termes mêmes que cette instruction de l'administration est applicable aux entrepôts, sans qu'il soit fait mention de leur surface ; que, dès lors, en méconnaissant la lettre de l'interprétation de la loi fiscale donnée par l'administration, le tribunal administratif a commis une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ; que, par suite, la SCI CAVOUR est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué, dans la limite des conclusions du pourvoi conservant un objet ;
Considérant qu'il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond ;
Sur les fins de non-recevoir soulevées par l'administration :
En ce qui concerne la qualité pour agir du requérant dans la requête n° 0003358 :
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article R.* 200-2 du livre des procédures fiscales : Par dérogation aux dispositions de l'article R. 110 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, les requêtes au tribunal peuvent être signées d'un mandataire autre que ceux qui sont mentionnés à l'article R. 108 du même code. En ce cas, les dispositions de l'article R.* 197-4 du présent livre sont applicables ; qu'aux termes dudit article R.* 197-4 : Toute personne qui introduit ou soutient une réclamation pour autrui doit justifier d'un mandat régulier. Le mandat doit, à peine de nullité, être produit en même temps que l'acte qu'il autorise ou enregistré avant l'exécution de cet acte. Toutefois, il n'est pas exigé de mandat des avocats inscrits au barreau, ni des personnes qui, en raison de leurs fonctions ou de leur qualité, ont le droit d'agir au nom du contribuable (...) ;
Considérant que la requête introductive, qui est aussi en l'espèce la réclamation préalable, présentée le 15 octobre 1999 pour la SCI CAVOUR et tendant à ce que la cotisation de taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle la requérante a été assujettie au titre de l'année 1999 soit réduite, était signée par M. A, gérant de la SARL Ramos, personne qui n'avait pas qualité pour représenter la SCI CAVOUR ; que toutefois, il résulte de l'instruction que le mémoire en réplique, tendant aux mêmes fins que la requête, présenté pour la SCI CAVOUR le 5 mars 2002, est signé par Mme Chevalier, gérante de la SCI CAVOUR, légalement habilitée à la représenter ; que cette signature a régularisé le défaut de signature de la requête introductive ; que dès lors, la fin de non-recevoir opposée par l'administration ne peut être accueillie ;
En ce qui concerne le délai pour agir de la requérante dans la requête n° 0101795 :
Considérant qu'aux termes de l'article R.* 198-10 du livre des procédures fiscales : L'administration des impôts ou l'administration des douanes et droits indirects, selon le cas, statue sur les réclamations dans le délai de six mois suivant la date de leur présentation (...) et de l'article R.* 199-1 du même livre : L'action doit être introduite devant le tribunal compétent dans le délai de deux mois à partir du jour de la réception de l'avis par lequel l'administration notifie au contribuable la décision prise sur la réclamation, que cette notification soit faite avant ou après l'expiration du délai de six mois prévu à l'article R. 198-10. Toutefois, le contribuable qui n'a pas reçu la décision de l'administration dans le délai de six mois mentionné au premier alinéa peut saisir le tribunal dès l'expiration de ce délai (...) ; qu'il résulte de l'instruction que par une réclamation en date du 30 novembre 2000, la SCI CAVOUR a contesté la cotisation de taxe foncière sur les propriétés bâties mise à sa charge au titre de l'année 2000 pour les locaux sis 195-199 avenue de Pressensé et que le service n'a jamais répondu expressément à cette réclamation ; que, si la requête enregistrée le 12 mars 2001, avant l'expiration du délai de six mois imparti à l'administration pour répondre, avait un caractère prématuré, la production par la SCI CAVOUR d'un mémoire tendant aux mêmes fins, le 19 novembre 2001, postérieurement à l'écoulement du délai de six mois, a régularisé la requête initiale ; que par suite, la fin de non-recevoir opposée par le directeur des services fiscaux du Rhône aux conclusions en réduction de l'imposition présentées au titre de l'année 2000 ne peut être accueillie ;
Sur les conclusions tendant à la réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties établies au titre des années 1995, 1996 et 1997 :
En ce qui concerne la régularité de l'expertise :
Considérant que si la SCI CAVOUR soutient que l'expert a fondé son rapport sur un document dont elle n'avait pas eu connaissance et que le principe du contradictoire a été ainsi violé, il résulte de l'instruction que le rapport mentionne uniquement un tableau issu de la documentation de base 6 C-2332, c'est-à-dire d'un document administratif publié ; que dès lors, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le document en cause devait être soumis au contradictoire et que l'expertise serait, en conséquence, en partie irrégulière ;
En ce qui concerne l'assiette des impositions :
Considérant, en premier lieu, que dans le dernier état de leurs écritures, la SCI CAVOUR et le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique s'accordent sur le même terme de comparaison, à savoir les entrepôts référencés ESO n° 214 au procès-verbal des évaluations foncières de la commune de Vénissieux ; que, par suite, le choix du terme de comparaison n'est plus en litige ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que les différences de situation et d'accessibilité entre les locaux litigieux et le terme de comparaison retenu justifieraient de porter le taux d'abattement pratiqué par l'administration sur la valeur locative du terme de comparaison, en application des dispositions de l'article 324 AA de l'annexe III au code général des impôts, à un taux supérieur à 10 % ; qu'ainsi, la valeur locative des locaux litigieux doit être fixée à 20 F (3,05 euros) le mètre carré au 1er janvier 1970, soit la valeur retenue par l'administration pour prononcer les dégrèvements ci-dessus mentionnés ;
Considérant, en deuxième lieu, que la société requérante conteste le calcul des surfaces pondérées auquel a procédé l'administration pour déterminer la surface globale à laquelle appliquer la valeur locative unitaire du terme de comparaison retenu, en soutenant que les aires de stockage doivent être affectées d'un coefficient de 0,5 ; que toutefois, les locaux dont s'agit étant principalement dévolus à l'entreposage, c'est à bon droit que le coefficient 1 a été appliqué à l'ensemble des surfaces utilisées à cette fin, qu'il s'agisse d'aires de dépôt, de préparation ou de circulation ; que la documentation administrative de base référencée 6 C-2332, à jour au 15 décembre 1988, dont se prévaut la requérante pour soutenir qu'un coefficient de 0,5 devrait être attribué à ces surfaces, ne concerne que les bureaux commerciaux, commerces en étage et ateliers, et affecte un coefficient de 0,5 aux annexes diverses, réserves, débarras, dégagements, sanitaires, au nombre desquels, de surcroît, ne figurent pas les aires consacrées à l'entreposage ; qu'il ne résulte d'aucun texte, et notamment pas de la documentation administrative de base référencée 6 C-2332, que les surfaces intérieures des bâtiments utilisées pour le stationnement des véhicules doivent faire l'objet d'une pondération différente de celle de l'ensemble des surfaces dévolues à l'entreposage et qu'au surplus, en tout état de cause, il ne résulte pas de l'instruction que la SCI CAVOUR aurait spécialement aménagé certains emplacements intérieurs à cet effet ; que la requérante ne conteste ni le coefficient de 1 également appliqué aux ateliers et bureaux, ni celui de 0,33 retenu pour les sanitaires et parties annexes, ni celui de 0,10 retenu pour le terrain de 4 400 m² affecté à la circulation et au stationnement extérieur des véhicules ;
Considérant, en troisième lieu, que la requérante conteste les surfaces à prendre en compte dans l'assiette de la taxe ; que, d'une part, il est constant que les surfaces auxquelles doivent être appliqués les coefficients de pondération précédemment définis sont celles figurant dans le tableau p. 7 et 8 du rapport de l'expert au 1er janvier de chaque année en litige, le terrain de 4 400 m² affecté à la circulation et au stationnement extérieur des véhicules devant être regardé comme une dépendance indispensable et immédiate des locaux litigieux, au sens du 4° de l'article 1381 du code général des impôts et, à ce titre, également imposé à la taxe foncière sur les propriétés bâties ; que, d'autre part, il résulte de l'instruction qu'il existait à la date du 1er janvier de chaque année en litige d'autres bâtiments qui ont fait progressivement l'objet d'aménagement et devaient, contrairement à ce que soutient la requérante, être regardés comme de véritables constructions imposables à la taxe foncière sur les propriétés bâties, nonobstant la circonstance alléguée que l'absence de raccordement aux réseaux aurait rendu ces bâtiments impropres à la location ; que la société requérante n'est pas fondée à se prévaloir, s'agissant de ces bâtiments, de l'exonération temporaire de taxe foncière sur les propriétés bâties prévue à l'article 1383 du code général des impôts, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'il s'agirait de constructions nouvelles ou de reconstructions ; que, toutefois, pour tenir compte de l'état d'extrême vétusté des bâtiments en cause, établi par les pièces du dossier et non sérieusement contesté par l'administration, il y a lieu d'appliquer un coefficient de pondération de 0,1 pour une surface de bâtiment de 5 690 m² au 1er janvier 1995, 2 915 m² au 1er janvier 1996 et 1 925 m² au 1er janvier 1997 ; que les écritures produites par l'administration dans un contentieux non précisé ne peuvent, en tout état de cause, constituer une prise de position formelle qui lui serait opposable sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ; que les autres écritures de la requérante sur ce point ne sont pas assorties des précisions nécessaires pour en apprécier le bien-fondé ;
Sur les conclusions tendant à la réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties établies au titre des années 1999 et 2000 :
En ce qui concerne l'assujettissement à la taxe foncière sur les propriétés bâties :
Considérant que la seule circonstance que l'ensemble immobilier en cause ait été qualifié dans un contrat de vente de “friche industrielle” et que l'exploitation industrielle et commerciale de cet ensemble aurait été interrompue pendant de nombreuses années ne suffit pas à établir qu'il aurait perdu, au 1er janvier des années en litige, sa destination d'ensemble à usage industriel ou commercial, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'il aurait été rendu disponible pour d'autres usages, comme le soutient la société requérante sans assortir son allégation d'aucun élément de justification ; que, dès lors, la SCI CAVOUR n'est pas fondée à soutenir que l'ensemble litigieux échappe à la taxe foncière sur les propriétés bâties ;
En ce qui concerne l'assiette des impositions :
Considérant qu'ainsi qu'il vient d'être dit pour les années précédentes, la valeur locative des locaux litigieux doit être fixée à 20 F (3,05 euros) le mètre carré au 1er janvier 1970, soit la valeur retenue par l'administration pour prononcer les dégrèvements ci-dessus mentionnés ; que, de la même façon, il y a lieu d'appliquer à la surface réelle des locaux litigieux les coefficients de pondération ci-dessus précisés ; qu'en ce qui concerne les surfaces à retenir, les énonciations du bail à construction conclu entre la SCI CAVOUR et la SARL Ramos en date des 30 janvier et 3 février 1998 ont été prises en compte, contrairement à ce que soutient la requérante, pour le calcul des surfaces imposables à son nom à compter du 1er janvier 1999 ; que si la société soutient que deux locaux d'une superficie de 963 m² et 171 m² ont été endommagés par un incendie en mai 1999, il résulte de l'instruction qu'au 1er janvier des deux années en litige, ces locaux existaient toujours ; qu'enfin, si elle se prévaut du dégrèvement pour vacance ou inexploitation prévu par l'article 1389 du code général des impôts, elle n'établit pas que ces locaux seraient restés inexploités pendant une durée supérieure à trois mois au cours d'une des années en litige ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SCI CAVOUR est fondée à demander la réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1995, 1996, 1997, 1999 et 2000 ; qu'il y a lieu de la renvoyer devant l'administration qui procédera au calcul des cotisations dues conformément aux motifs de la présente décision ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que la SCI CAVOUR demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du pourvoi de la SCI CAVOUR dirigé contre le jugement du tribunal administratif de Lyon du 30 septembre 2004 en tant qu'il a rejeté ses demandes en réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie, à hauteur des sommes de 3 786,36 euros au titre de 1995, 10 063,68 euros au titre de 1996, 12 301,11 euros au titre de 1997, 16 211 euros au titre de 1999 et 16 485 euros au titre de 2000.
Article 2 : Le jugement en date du 30 septembre 2004 du tribunal administratif de Lyon est annulé en tant qu'il a rejeté le surplus des demandes de la SCI CAVOUR tendant à la réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties restant en litige auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1995, 1996, 1997, 1999 et 2000 dans les rôles de la commune de Vénissieux.
Article 3 : La SCI CAVOUR est déchargée de la différence entre les cotisations restant à sa charge et les cotisations calculées conformément aux motifs de la présente décision, dans la limite du quantum résultant des réclamations qu'elle a formulées au titre de chacune des années 1995, 1996, 1997, 1999 et 2000.
Article 4 : Le surplus des conclusions des demandes de la SCI CAVOUR présentées devant le tribunal administratif de Lyon est rejeté.
Article 5 : L'Etat versera à la SCI CAVOUR une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la SCI CAVOUR et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.