Vu le pourvoi sommaire, le mémoire complémentaire et le nouveau mémoire, enregistrés les 25 juillet 2005, 22 novembre 2005 et 9 mai 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Robert A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 13 mai 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 6 mars 2001 du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande tendant à la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1993 à 1995, d'autre part, des compléments de taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti pour la période du 1er janvier 1993 au 31 mai 1996, et, enfin des pénalités correspondantes ;
2°) réglant l'affaire au fond, de prononcer la décharge des impositions et pénalités en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le septième protocole additionnel à cette convention ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Florian Blazy, Auditeur,
- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de M. A,
- les conclusions de M. Pierre Collin, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que par une décision en date du 28 novembre 2007, le Conseil d'Etat a seulement admis les conclusions du pourvoi de M. A qui sont dirigées contre l'arrêt du 13 mai 2005 de la cour administrative d'appel de Paris en ce qu'il confirme le jugement du 6 mars 2001 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté la demande en décharge des pénalités afférentes aux cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 1993 à 1995, et aux compléments de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 1993 au 31 mai 1996 ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1730 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi du 8 juillet 1987, applicable aux pénalités en litige : Dans le cas d'évaluation d'office des bases d'imposition prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales, les suppléments de droits mis à la charge du contribuable sont assortis, outre l'intérêt de retard visé à l'article 1727 calculé dans les conditions définies à l'article 1727 A et au 2 de l'article 1729, d'une majoration de 150 p. 100 ; qu'aux termes de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales : Les bases d'imposition sont évaluées d'office lorsque le contrôle fiscal ne peut avoir lieu du fait du contribuable ou de tiers. / Ces dispositions s'appliquent en cas d'opposition à la mise en oeuvre du contrôle dans les conditions prévues à l'article L. 47 A. ;
Sur les moyens tirés de la violation des principes de non-cumul et de nécessité des peines :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article 4 du protocole n°7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même Etat en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet Etat ; que cette règle ne trouve à s'appliquer, selon les réserves faites par la France en marge de ce protocole, que pour les infractions relevant en droit français de la compétence des tribunaux statuant en matière pénale et n'interdit pas le prononcé de sanctions fiscales parallèlement aux sanctions infligées par le juge répressif ; que, par suite, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en écartant, par adoption des motifs des premiers juges, le moyen tiré de ce que, en infligeant à M. A la pénalité prévue par l'article 1730 du code général des impôts alors même que, pour ces faits, M. A a été condamné par le juge pénal, l'administration aurait méconnu le principe non bis in idem tel que prévu par le premier alinéa de l'article 4 du protocole n°7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant, en deuxième lieu, que M. A invoquait devant la cour administrative d'appel un moyen tiré de la violation par l'application simultanée, selon lui, des articles 1728 et 1730 du code général des impôts, du principe de nécessité des peines en tant que principe constitutionnel issu de l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; que, toutefois, il n'appartient pas au juge administratif, dans l'attente de la loi organique prévue pour l'application de l'article 61-1 de la Constitution, d'apprécier la constitutionnalité de dispositions législatives ;
Sur le moyen tiré de la violation de l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
Considérant que, d'une part, le législateur a prévu dans le code général des impôts plusieurs sanctions qui visent à réprimer des comportements de non-respect des obligations déclaratives, de gravité croissante ; que le pouvoir de contrôle de l'administration fait partie intégrante du système déclaratif, dont il constitue la contrepartie nécessaire ; que, dans ces conditions, l'amende sanctionnant l'infraction d'opposition à contrôle fiscal, instituée par les dispositions précitées de l'article 1730 du code général des impôts, appartient à un même ensemble de sanctions relatives à la violation des obligations déclaratives, qui comporte notamment les sanctions prévues aux articles 1728 et 1729 du même code réprimant les comportements de retard, d'insuffisance ou d'omission de déclaration, dont elle constitue la plus sévère compte tenu de sa particulière gravité ; que le taux de la pénalité fiscale prévue à l'ancien article 1730 était de 150 %, et les taux prévus aux articles 1728 et 1729, étaient de 10 %, 40 % ou 80 % ; que les dispositions des articles 1728, 1729 et 1730 du code général des impôts proportionnaient l'amende qu'elles instituaient au montant des sommes sur lesquelles portait l'infraction que l'amende visait à réprimer ; qu'en outre, les dispositions de l'article 1728 prévoyaient des taux de majoration différents selon que le défaut de déclaration dans le délai était constaté sans mise en demeure de l'intéressé ou après une ou deux mises en demeure infructueuses ; que la loi elle-même avait ainsi assuré, dans une certaine mesure, la modulation des peines en fonction de la gravité des comportements réprimés ; que, d'autre part, le juge de l'impôt exerce un plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration pour appliquer l'amende et décide, selon les résultats de ce contrôle, soit de maintenir cette amende, soit d'en prononcer la décharge ; que, dès lors, en jugeant, par adoption des motifs des premiers juges, que les dispositions des articles 1728 et 1730 n'étaient pas incompatibles avec les stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, alors même qu'elles ne conféraient pas au juge un pouvoir de modulation du taux de l'amende qu'elles prévoyaient, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;
Sur l'application du principe de rétroactivité de la loi nouvelle plus douce :
Considérant qu'il résulte du principe de nécessité des peines issu de l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 que les dispositions de l'article 13 de l'ordonnance du 7 décembre 2005 portant réforme des pénalités, qui a ramené de 150 % à 100 % le taux de la majoration pour opposition à contrôle fiscal, prévue désormais à l'article 1732 du code général des impôts, doivent s'appliquer aux infractions commises avant leur entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à des condamnations passées en force de chose jugée ; que pour déterminer la loi applicable à la pénalité contestée devant lui, le juge de l'impôt doit, comme juge de plein contentieux, se placer à la date à laquelle il statue ; qu'à la date à laquelle la cour administrative d'appel de Paris a statué, soit le 13 mai 2005, les dispositions de l'article 13 de l'ordonnance du 7 décembre 2005 n'étaient pas entrées en vigueur ; qu'ainsi, en ne faisant pas application de ces dispositions, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de M. A est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Robert A et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.