Vu 1°), sous le n° 314251, la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 mars et 16 juin 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par la SOCIETE JOSEPH VALLIER, dont le siège est 646 avenue d'Anterne à Marignier (74970), la SOCIETE FAUCIGNY BRICOLAGE, dont le siège est ZI des Jourdies à Saint-Pierre-en-Faucigny (74800), la SOCIETE PUB DIFFUSION, dont le siège est avenue des Thezières à Taninges (74400) ; la SOCIETE JOSEPH VALLIER et autres demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision du 16 janvier 2008 par laquelle la commission nationale d'équipement commercial a accordé à la société La Boîte à Outils l'autorisation préalable requise en vue de la création par transfert d'activité d'un magasin de bricolage de 3 140 m² de surface de vente à l'enseigne L'Entrepôt du Bricolage à Thyez (Haute-Savoie) ;
2°) de mettre à la charge de la société La Boîte à Outils la somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu 2°), sous le n° 314352, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 mars et 17 juin 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE LEROY MERLIN FRANCE, dont le siège est rue de Chanzy à Lézennes (59260), représentée par son président directeur général en exercice ; la SOCIETE LEROY MERLIN FRANCE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision du 16 janvier 2008 par laquelle la commission nationale d'équipement commercial a accordé à la société La Boîte à Outils l'autorisation préalable requise en vue de la création par transfert d'activité d'un magasin de bricolage de 3 140 m² de surface de vente à l'enseigne L'Entrepôt du Bricolage à Thyez (Haute-Savoie) ;
2°) de mettre à la charge de la société La Boîte à Outils la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
....................................................................................
Vu 3°), sous le n° 315557, la requête, enregistrée le 23 avril 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la SOCIETE STESAN, dont le siège est lieu-dit Les Bossons à Thyez (74300), représentée par son président directeur général en exercice ; la SOCIETE STESAN demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision du 16 janvier 2008 par laquelle la commission nationale d'équipement commercial a accordé à la société La Boîte à Outils l'autorisation préalable requise en vue de la création par transfert d'activité d'un magasin de bricolage de 3 140 m² de surface de vente à l'enseigne L'Entrepôt du Bricolage à Thyez (Haute-Savoie) ;
2°) de mettre à la charge de la société La Boîte à Outils la somme de 4 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code de commerce ;
Vu la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Marie Picard, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la SOCIETE LEROY MERLIN FRANCE et de la SCP Laugier, Caston, avocat de la société La Boîte à Outils,
- les conclusions de M. Rémi Keller, rapporteur public,
- la parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la SOCIETE LEROY MERLIN FRANCE et à la SCP Laugier, Caston, avocat de la société La Boîte à Outils ;
Considérant que, par décision du 16 janvier 2008, la commission nationale d'équipement commercial a accordé à la société La Boîte à Outils l'autorisation préalable requise en vue de créer dans la commune de Thyez (Haute-Savoie) sous l'enseigne L'Entrepôt du Bricolage un magasin d'une surface de vente de 3 140 m² spécialisé dans la commercialisation d'articles de bricolage léger et de jardinage, par transfert de l'activité d'un magasin de même spécialité sous enseigne la Boîte à Outils , d'une surface de vente de 1 590 m2 situé dans la commune voisine de Cluses, et accroissement de surface de vente de 1 550 m2 ; que les requêtes visées ci-dessus, sont dirigées contre une autorisation délivrée au même bénéficiaire et concernent une même opération commerciale ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir présentées par la société La Boîte à Outils ;
Sur la régularité de la décision attaquée :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, chargé du développement à la société La Boîte à Outils , disposait d'une délégation régulière pour représenter cette société devant la commission nationale d'équipement commercial ;
Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe ne faisait obligation à la décision attaquée d'attester que la convocation de ses membres avait été accompagnée de l'envoi des documents nécessaires à ses délibérations huit jours au moins avant la réunion de la commission ; qu'au surplus, il ressort des pièces du dossier que les convocations accompagnées des pièces nécessaires, ont été régulièrement adressées aux membres de la commission, en temps utile ;
Considérant qu'en vertu de l'article L. 752-17 du code de commerce, la commission nationale d'équipement commercial, saisie d'un recours contre une décision d'une commission départementale, statue dans un délai de quatre mois ; qu'en conséquence, le recours formé par la société La Boîte à Outils doit être regardé comme ayant été implicitement rejeté par la commission nationale le 8 janvier 2008 ; que, toutefois, cette décision, qui confirmait le rejet de la demande d'autorisation présentée par cette société, n'avait créé aucun droit au profit des tiers, de telle sorte que la commission nationale pouvait légalement, par sa décision du 16 janvier 2008, en opérer le retrait en accordant l'autorisation sollicitée ;
Considérant que si, eu égard à la nature, à la composition et aux attributions de la commission nationale d'équipement commercial les décisions qu'elle prend doivent être motivées, cette obligation n'implique pas que la commission soit tenue de prendre explicitement parti sur le respect par le projet qui lui est soumis de chacun des objectifs et critères d'appréciation fixés par les dispositions législatives applicables ; qu'en motivant, notamment, sa décision relative au projet par la densité en grandes et moyennes surfaces spécialisées dans la distribution dans le secteur du bricolage avec ou sans jardinerie prévu par le projet, par la création attendue d'emplois, par l'animation de la concurrence due au renforcement de la place de la société pétitionnaire dans la zone de chalandise, par la modernisation de l'équipement commercial et l'amélioration des conditions de travail des salariés, la commission nationale a, en l'espèce, satisfait à cette exigence ;
Sur les moyens tirés d'insuffisances et d'inexactitudes du dossier de demande d'autorisation :
Considérant que le moyen tiré de ce que le dossier ne comporterait pas, comme le prévoit l'article R. 752-4 du code de commerce, l'accord préalable du propriétaire du local appelé à être libéré, manque en fait ;
Considérant qu'aux termes de l'article R. 752-7 du code de commerce : La demande d'autorisation prévue aux articles L. 752-1 à L. 752-5 est présentée soit par le propriétaire de l'immeuble, soit par une personne justifiant d'un titre l'habilitant à construire sur le terrain ou à exploiter commercialement l'immeuble ; qu'il ressort des pièces du dossier, notamment de la délibération du conseil municipal du 20 mars 2007, de la décision du maire de la commune de Thyez du 29 mars 2007 et de l'attestation notariale annexée, que la commune de Thyez, propriétaire des parcelles qui constituent le terrain d'assiette du projet contesté, a autorisé la société La Boîte à Outils à déposer un dossier devant la commission départementale d'équipement commercial en vue du projet de construction d'un bâtiment, sous l'enseigne L'entrepôt du bricolage , sur la propriété communale cadastrée section AK et AO d'une superficie de 17 816 m2, allée de Glaisy ; que le pétitionnaire a pu ainsi justifier, au cours de la procédure d'autorisation, par ces pièces qui ne comportent pas de limite de validité, d'un titre l'habilitant à construire et exploiter commercialement ces immeubles ; que, dès lors, le moyen tiré de ce qu'il n'aurait pas été satisfait aux prescriptions de l'article R. 752-7 du code de commerce doit être écarté ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par leur disposition et leur usage, les surfaces de stockage, de livraison, de show-room, dont il est allégué qu'elles sont incluses dans les surfaces de vente, ne doivent pas être décomptées dans celles-ci ; que le dossier de demande et son étude d'impact comportent les précisions requises par les dispositions des articles L. 752-6, L. 750-1, R. 752-8 et R. 752-9 du code de commerce sur les flux de voitures particulières et de véhicules de livraison, sur l'offre commerciale existante, sur l'emploi, l'environnement et l'aménagement du territoire ;
Considérant que le dossier de demande d'autorisation n'est pas entaché d'omissions, de contradictions, d'inexactitudes ayant pu fausser l'appréciation de la commission ;
Sur les autres moyens des requêtes :
Considérant qu'il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire ni d'aucun principe que l'autorisation de transfert d'un magasin soumis à l'autorisation requise par les dispositions du code de commerce est subordonnée au maintien de son enseigne ; qu'il ressort des pièces du dossier que le changement d'enseigne projeté ne correspondait pas à un changement de secteur d'activité mais à une modification des conditions de présentation et de vente des marchandises ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que le changement d'enseigne interdirait le transfert du magasin de Cluses à Thyez doit être écarté ;
Considérant que, pour l'application des dispositions combinées de l'article 1er de la loi du 27 décembre 1973 et des articles L. 750-1 et L. 752-6 du code de commerce dans la rédaction applicable à l'espèce, il appartient aux commissions d'équipement commercial, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, d'apprécier si un projet soumis à autorisation est de nature à compromettre, dans la zone de chalandise intéressée, l'équilibre recherché par le législateur entre les diverses formes de commerce et, dans l'affirmative, de rechercher si cet inconvénient est compensé par les effets positifs du projet appréciés, d'une part, en tenant compte de sa contribution à l'emploi, à l'aménagement du territoire, à la concurrence, à la modernisation des équipements commerciaux, et, plus généralement, à la satisfaction des besoins des consommateurs et d'autre part, en évaluant son impact sur les conditions de circulation et de stationnement aux abords du site envisagé ;
Considérant que si, pour les seules activités de bricolage, la densité restera voisine de celles enregistrées au niveau national et départemental, la réalisation du projet contesté aura pour effet de porter, dans la zone de chalandise rectifiée, la densité en équipements commerciaux de plus de 300 m2, dans l'ensemble du secteur du bricolage et du jardinage, à un niveau supérieur aux densités moyennes de référence pour ces types de commerce ; que la réalisation du projet est ainsi de nature à compromettre l'équilibre entre les diverses formes de commerce ;
Considérant toutefois, ainsi que l'a relevé la commission, que la réalisation du projet, dans une zone de chalandise caractérisée par une progression démographique importante, permettra la modernisation et la diversification de l'offre commerciale, l'amélioration du confort d'achat et la création de 17 emplois ; que, dès lors, en autorisant le projet, la commission nationale d'équipement commercial, par une décision suffisamment motivée, n'a pas fait une inexacte application des principes analysés ci-dessus ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les sociétés JOSEPH VALLIER, FAUCIGNY BRICOLAGE, PUB DIFFUSION, LEROY MERLIN FRANCE et STESAN ne sont pas fondées à demander l'annulation de la décision attaquée ; que leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence ; qu'il y a lieu, en revanche, d'en faire application en mettant à la charge des requérantes une somme de 1 000 euros chacune à verser à la SAS La Boîte à Outils ;
D E C I D E :
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Article 1er : Les requêtes de la SOCIETE JOSEPH VALLIER, de la SOCIETE FAUCIGNY BRICOLAGE, de la SOCIETE PUB DIFFUSION, de la SOCIETE LEROY MERLIN FRANCE et de la SOCIETE STESAN sont rejetées.
Article 2 : Les sociétés JOSEPH VALLIER, FAUCIGNY BRICOLAGE, PUB DIFFUSION, LEROY MERLIN FRANCE et STESAN verseront chacune la somme de 1 000 euros à la société La Boîte à Outils .
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE JOSEPH VALLIER, à la SOCIETE FAUCIGNY BRICOLAGE, à la SOCIETE PUB DIFFUSION, à la SOCIETE LEROY MERLIN FRANCE, à la SOCIETE STESAN, à la société La Boîte à Outils , à la commission nationale d'aménagement commercial et à la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.