Vu 1°), sous le n° 318365, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 juillet et 18 août 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Joseph Bruno D, demeurant ..., Mme Jeanne Marie J, demeurant ..., M. Henri F, demeurant ..., Mme Mélissa Jeanne R, demeurant ..., M. Ruppert Jean Bernard T, demeurant ..., Mme Wilhemine Marie W, demeurant ..., M. Jean-Robert G, demeurant ..., Mme Eugénie Marie Q, demeurant ..., M. Laurent Denis E, demeurant ..., Mme Samuelle Raymonde V, demeurant ..., M. Jean-Eric Expédit K, demeurant ..., Mme Délizia Marie Solveige P, demeurant ..., M. Anndou Daniel U, demeurant ..., Mme Marie Elvige N, demeurant ..., M. Alain Christian I, demeurant ..., Mme Corinne X, demeurant ..., M. Gino H, demeurant ..., Mme Juliette Marie Eugénie M, demeurant ..., M. Jean Thierry O, demeurant ..., Mme Marie-Joëlle S, demeurant ..., M. Jean Eric L, demeurant ..., Mme Michette Marie Hélène S, demeurant ... ; M. D et autres demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler les articles 1er et 3 du jugement du 12 juin 2008 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis, sur la protestation de M. Michel , a annulé les opérations électorales qui se sont déroulées les 9 et 16 mars 2008 en vue de l'élection des conseillers municipaux de la commune de Sainte-Rose ;
2°) de rejeter la protestation électorale de M. ;
3°) de mettre à la charge de M. le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu 2°), sous le n° 319654, la requête enregistrée le 11 août 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Michel B, demeurant 345 RN 2, Marocain, à Sainte-Rose (97439) ; M. B demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 12 juin 2008 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis, faisant droit à sa protestation, a annulé les opérations électorales qui se sont déroulées les 9 et 16 mars 2008 en vue de l'élection des conseillers municipaux de la commune de Sainte-Rose, en tant qu'il a jugé irrecevables ses conclusions tendant à ce que le jugement soit transmis au procureur de la République de Saint-Pierre ;
2°) d'ordonner la transmission du jugement au procureur de la République de Saint-Pierre ;
3°) de mettre à la charge de M. D le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu les notes en délibéré, enregistrées les 9 et 10 juillet 2009, présentées pour M. ;
Vu le code électoral ;
Vu la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Florian Blazy, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de M. D et autres et de la SCP Monod, Colin, avocat de M. B,
- les conclusions de M. Pierre Collin, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de M. D et autres et à la SCP Monod, Colin, avocat de M. B ;
Considérant que les requêtes susvisées sont relatives à la même élection ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite des opérations électorales qui se sont déroulées les 9 et 16 mars 2008 en vue de l'élection des conseillers municipaux dans la commune de Sainte-Rose (La Réunion), la liste conduite par M. Joseph Bruno D, maire sortant, a obtenu 22 des 29 sièges à pourvoir avec 50,97 % des suffrages exprimés (2 394 voix) et celle conduite par M. Michel B les 7 autres sièges à pourvoir avec 49,03 % des suffrages exprimés (2 303 voix) ; que, par un jugement du 12 juin 2008, le tribunal administratif de Saint-Denis a, sur la protestation de M. B, annulé les opérations électorales mentionnées ci-dessus ; que M. D et les autres membres élus de sa liste demandent l'annulation du jugement du 12 juin 2008 du tribunal administratif de Saint-Denis en tant qu'il a annulé les opérations électorales mentionnées ci-dessus ; que M. B demande l'annulation du même jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions tendant à ce que le dossier et le jugement soient transmis au procureur de la République ;
Sur la requête n° 318365 de M. D et autres :
Sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement du 12 juin 2008 du tribunal administratif de Saint-Denis, en tant qu'il a annulé les opérations électorales qui se sont déroulées les 9 et 16 mars 2008 pour l'élection des conseillers municipaux de la commune de Sainte-Rose :
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant, d'une part, que le moyen tiré de ce que la minute du jugement ne comporterait pas l'ensemble des signatures requises en vertu de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, manque en fait ;
Considérant, d'autre part, que le tribunal qui a annulé l'ensemble des opérations électorales qui se sont déroulées les 9 et 16 mars 2008, n'a pas entaché son jugement d'insuffisance de motivation en ne se prononçant pas expressément sur les conclusions de M. D et autres tendant à l'annulation de l'élection de M. B et des autres membres de sa liste ;
Sur le fond :
Considérant, en premier lieu, que, s'il résulte de l'instruction et s'il n'est d'ailleurs pas contesté que des recrutements sur la base de contrats à durée déterminée ont été réalisés par la commune entre janvier et mars 2008, notamment pour répondre aux besoins en personnel dans les écoles, ces recrutements avaient essentiellement pour objet de remplacer des agents dont les contrats étaient venus à échéance à la fin de l'année 2007 ; que, si les contrats conclus pour une durée déterminée avec certains personnels de la commune ont été transformés en contrats à durée indéterminée, ce qui était d'ailleurs prévu, pour certains d'entre eux, par la loi du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique, il ne résulte pas de l'instruction que ces modifications auraient conduit à une augmentation du personnel employé par la commune, ou auraient revêtu le caractère d'une manoeuvre de la part de l'équipe municipale sortante ; que, si M. B soutient que trois personnes ont été recrutées pour travailler sur le site multimédia Cyberbase de Piton Sainte-Rose, qui n'aurait pas encore existé à la date de ces recrutements, cette circonstance, à la supposer établie, n'est en tout état de cause pas suffisante pour établir l'existence d'une manoeuvre ; que, si les dépenses de personnel ont augmenté entre 2006 et 2007, comme d'ailleurs depuis l'année 2000 au moins, ainsi qu'en atteste le rapport établi par la chambre régionale des comptes sur la gestion de la commune pour les exercices 2000 et suivants, cette circonstance n'est pas, en tant que telle, de nature à révéler l'existence d'une manoeuvre liée à des recrutements de personnel communal ; qu'en outre, il résulte de l'instruction, notamment du tableau des effectifs produit par M. D, dont M. B ne conteste pas utilement la valeur probante, que le nombre de personnes employées par la commune, qui varie d'ailleurs de façon sensible selon les mois de l'année en raison de l'importance des personnels recrutés sur la base de contrats de courte durée, était, en février et mars 2008, identique à celui du mois de juin 2007 ; qu'ainsi, le grief tiré de ce que la commune aurait procédé à des recrutements massifs peu avant la tenue des élections, qui seraient constitutifs d'une manoeuvre, doit être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 50 du code électoral : Il est interdit à tout agent de l'autorité publique ou municipale de distribuer des bulletins de vote, professions de foi et circulaires des candidats ; que, si deux agents municipaux ont distribué pendant la campagne électorale un document intitulé Quelques exemples de notre bilan avec Bruno Pajany, il résulte de l'instruction, d'une part, que ce document se limitait à une énumération, dépourvue de toute polémique électorale, des principales réalisations de l'équipe municipale sortante et ne présentait donc le caractère, ni d'une profession de foi, ni d'une circulaire d'un candidat, d'autre part, que les agents municipaux ont distribué ce document à titre personnel en dehors de leurs horaires de travail et sans qu'il soit soutenu qu'ils se seraient réclamés à cette occasion de leurs fonctions ; qu'ainsi, les dispositions de l'article L. 50 du code électoral n'ont pas été méconnues ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction que les manifestations festives organisées en janvier 2008 par l'équipe municipale sortante dans plusieurs quartiers de la commune auraient présenté, par rapport aux manifestations organisées les années précédentes, des différences, liées notamment à leur ampleur et aux artistes s'y produisant, de nature à influer sur les résultats du scrutin ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D et autres sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement qu'ils attaquent, le tribunal administratif de Saint-Denis a retenu les trois griefs mentionnés ci-dessus pour conclure à l'existence d'une manoeuvre de nature à altérer la sincérité du scrutin et annuler en conséquence les opérations électorales qui se sont déroulées les 9 et 16 mars 2008 pour l'élection des conseillers municipaux de la commune de Sainte-Rose ;
Considérant qu'il y a lieu pour le Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres griefs présentés devant le tribunal administratif de Saint-Denis par M. B ;
Considérant, que le juge de l'élection peut tenir compte des arguments présentés en défense dans un mémoire enregistré après l'expiration du délai de cinq jours imparti au défendeur en application de l'article R. 119 du code électoral, mais avant la clôture de l'instruction ;
Considérant, en premier lieu, que le grief portant sur le recrutement par la commune de membres de la famille ou de proches de colistiers de M. D n'a pas été présenté dans le délai prévu à l'article R. 119 du code électoral et est, par suite, irrecevable ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'embauche par la commune, pendant la campagne électorale, de trois membres de la famille de Mme Germaine Faustin, membre de la liste du parti socialiste réunionnais, ou de Mme Karine Marlats, membre de cette même liste, aurait constitué une manoeuvre de nature à influer sur la régularité du scrutin ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction que les décisions d'accorder des aides financières à certains administrés, prises par M. D en sa qualité de président du centre communal d'action sociale dans les quelques mois précédant le scrutin, auraient été prises dans des conditions les rendant constitutives d'une manoeuvre de nature à influer sur les résultats du scrutin ;
Considérant, en quatrième lieu, que si M. B soutient que des travaux auraient été réalisés chez des administrés avec des moyens humains et matériels de la commune, ce qui serait selon lui constitutif d'une manoeuvre, ces faits, qui ne sont nullement établis, ne sont en tout état de cause pas de nature à avoir influé sur les résultats du scrutin ;
Considérant, en cinquième lieu, que si M. B soutient que, l'avant-veille du scrutin, des violences ont été commises contre le fils d'un de ses colistiers par une personne déséquilibrée, qui aurait été recrutée peu de temps avant par la commune, et que cette personne se serait ensuite rendue à son dernier meeting dans le but de s'en prendre à lui, ce qui l'aurait conduit à l'interrompre, il ne résulte pas de l'instruction que ces circonstances, à les supposer établies, auraient été de nature à influer sur les résultats du scrutin ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par M. D et autres, que ces derniers sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement qu'ils attaquent, le tribunal administratif de Saint-Denis a annulé les opérations électorales qui se sont déroulées les 9 et 16 mars 2008 en vue de l'élection des conseillers municipaux de la commune de Sainte-Rose ;
Sur les conclusions de M. D et autres tendant à l'annulation de M. B et de ses colistiers :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 119 du code électoral : Les réclamations contre les opérations électorales doivent être consignées au procès-verbal, sinon être déposées, à peine d'irrecevabilité, au plus tard à dix-huit heures le cinquième jour qui suit l'élection, à la sous-préfecture ou à la préfecture. Elles sont immédiatement adressées au préfet qui les fait enregistrer au greffe du tribunal administratif. / Les protestations peuvent également être déposées directement au greffe du tribunal administratif dans le même délai. / (...) la notification est faite, dans les trois jours de l'enregistrement de la protestation, aux conseillers dont l'élection est contestée qui sont avisés en même temps qu'ils ont cinq jours pour tout délai à l'effet de déposer leurs défenses au greffe (bureau central ou greffe annexe) du tribunal administratif (...) ;
Considérant que les conclusions tendant à l'annulation de l'élection de M. B et des autres membres de sa liste ont été présentées par M. D et autres après l'expiration du délai prévu à l'article R. 119 du code électoral et constituent des conclusions reconventionnelles ; qu'elles ne sont, par suite, pas recevables ;
Sur la requête n° 319654 de M. B :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 117-1 du code électoral : Lorsque la juridiction administrative a retenu, dans sa décision définitive, des faits de fraude électorale, elle communique le dossier au procureur de la République compétent ;
Considérant que les conclusions présentées devant le tribunal administratif par M. B tendant à ce qu'il soit fait application de l'article L. 117-1 du code électoral ne sont pas susceptibles d'être soumises au juge de l'élection statuant en premier ressort ; qu'il suit de là que M. B n'est pas fondé à demander l'annulation de l'article 2 du jugement du 12 juin 2008 du tribunal administratif de Saint-Denis rejetant ses conclusions ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. D, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande M. B au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B la somme demandée au même titre par M. D et autres ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 12 juin 2008 du tribunal administratif de Saint-Denis est annulé en tant qu'il a annulé les opérations électorales qui se sont déroulées les 9 et 16 mars 2008 en vue de l'élection des conseillers municipaux de la commune de Sainte-Rose.
Article 2 : La protestation introduite par M. B devant le tribunal administratif de Saint-Denis, tendant à l'annulation des opérations électorales qui se sont déroulées les 9 et 16 mars 2008 en vue de l'élection des conseillers municipaux de la commune de Sainte-Rose, est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. D et autres devant le tribunal administratif de Saint-Denis, tendant à l'annulation de l'élection de M. B et de ses colistiers, sont rejetées.
Article 4 : La requête n° 319654 présentée par M. B est rejetée.
Article5 : Les conclusions présentées par M. D et autres et par M. B au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. Joseph Bruno D, à Mme Jeanne Marie J, à M. Henri F, à Mme Mélissa Jeanne R, à M. Ruppert Jean Bernard T, à Mme Wilhemine Marie W, à M. Jean-Robert G, à Mme Eugénie Marie Q, à M. Laurent Denis E, à Mme Samuelle Raymonde V, à M. Jean-Eric Expédit K, à Mme Délizia Marie Solveige P, à M. Anndou Daniel U, à Mme Marie Elvige N, à M. Alain Christian I, à Mme Corinne X, à M. Gino H, à Mme Juliette Marie Eugénie M, à M. Jean Thierry O, à Mme Marie Joëlle S, à M. Jean-Eric L, à Mme Michette Marie Hélène S, à M. Michel B et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.