Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 juin et 26 août 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Aldjia A, veuve B, demeurant ..., Mme Ouerdia B, demeurant ..., M. Tarik B, demeurant ..., M. Ryad B, demeurant ... et M. Nadir B, demeurant ... ; Mme B et autres demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 21 mars 2007 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. Mohammed C tendant à l'annulation des arrêtés procédant à la révision de sa pension militaire de retraite en tant que ces révisions ne prennent effet qu'à compter du 16 octobre 2002 et du 1er novembre 2002 et à ce qu'il soit enjoint au ministre de procéder à la décristallisation de sa pension à compter du 1er juillet 1965 et du 1er juin 1982 ;
2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler la décision du 10 mars 2003 procédant à la révision de la pension militaire de retraite de M. Mohammed C en ce qu'elle prend effet à compter du 16 octobre 2002 et d'enjoindre au ministre de procéder à la décristallisation de sa pension à compter du 1er juillet 1965 sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
Vu la loi n° 59-1454 du 26 décembre 1959 ;
Vu la loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002, notamment son article 68 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Gaëlle Dumortier, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Boulloche, avocat de Mme A et autres,
- les conclusions de M. Yves Struillou, rapporteur public,
- la parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Boulloche, avocat de Mme A et autres ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 55 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction antérieure à la loi du 7 juin 1977 : La pension et la rente viagère d'invalidité sont définitivement acquises et ne peuvent être révisées ou supprimées à l'initiative de l'administration ou sur demande de l'intéressé que dans les conditions suivantes : / A tout moment en cas d'erreur matérielle ; / Dans un délai de six mois à compter de la notification de la décision de concession initiale de la pension ou de la rente viagère, en cas d'erreur de droit (...) ;
Considérant que, si les dispositions précitées de l'article L. 55 ont pour objet d'ouvrir, aussi bien aux pensionnés qu'à l'administration, un droit à révision des pensions concédées dans le cas où la liquidation de celles-ci est entachée d'une erreur de droit et si, lorsque, postérieurement à la concession initiale de la pension, les bases de la liquidation viennent à être modifiées par une nouvelle décision, le délai de forclusion prévu, en cas d'erreur de droit, par les dispositions de l'article L. 55 du code des pensions civiles et militaires de retraite n'est en principe rouvert, à compter de la date à laquelle cette décision est notifiée, que pour ceux des éléments de la liquidation ayant fait l'objet de cette révision, il ressort en tout état de cause des dispositions du IV de l'article 68 de la loi du 30 décembre 2002 de finances rectificative pour 2002, applicable notamment aux prestations servies en application de l'article 71 de la loi du 26 décembre 1959, que si ce texte a entendu maintenir l'opposabilité de certaines prescriptions issues du code des pensions civiles et militaires de retraite et du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre aux demandes de décristallisation entrant dans son champ d'application, la prescription prévue par l'article L. 55 précité n'est pas au nombre de celles-ci ; que cette prescription n'est dès lors pas opposable aux demandes de titulaires d'une pension cristallisée en application des dispositions de l'article 71 de la loi du 26 décembre 1959 tendant à la révision de cette pension pour mettre fin aux effets de cette cristallisation ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. C, qui a servi au sein de l'armée française entre 1943 et 1965 et est décédé le 27 mars 2006, aux droits duquel viennent son épouse Mme Aldjia A et ses quatre enfants, était titulaire d'une pension militaire de retraite qui lui a été concédée par arrêté du 25 mars 1965, cristallisée par application des dispositions de l'article 71 de la loi du 26 décembre 1949 puis revalorisée par arrêté du 10 mars 2003 avec date d'effet au 16 octobre 2002, date à laquelle il a acquis la nationalité française ; que, le 2 mai 2003, l'intéressé a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler cet arrêté en tant que cette révision ne prenait effet qu'à compter du 16 octobre 2002 et non du 1er juillet 1965 ; qu'il résulte de ce qui précède que la demande de révision de M. C, qui concernait les éléments de liquidation de sa pension demeurant après la révision du 10 mars 2003 sous le régime de l'article 71 de la loi du 26 décembre 1949, n'était dès lors pas soumise aux conditions de délai mentionnées à l'article L. 55 du code des pensions civiles et militaires de retraite ; que, par suite, Mme A et autres sont fondés à soutenir que le tribunal administratif de Paris a commis une erreur de droit en jugeant que, l'arrêté du 10 mars 2003 n'ayant pas eu pour objet de réviser la pension de l'intéressé pour la période antérieure au 16 octobre 2002, M. C, n'était dès lors plus recevable, compte tenu des dispositions de l'article L. 55 du code précité, à demander le 2 mai 2003 la révision de sa pension pour la période antérieure au 16 octobre 2002 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A et autres sont fondés à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Paris en date du 21 mars 2007 ;
Considérant qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat la somme globale de 3 000 euros que les requérants demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 21 mars 2007 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Paris.
Article 3 : L'Etat versera la somme globale de 3 000 euros à Mme Aldjia A, à Mme Ouerdia B, à M. Tarik B, à M. Ryad B et à M. Nadir B au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme Aldjia A, à Mme Ouerdia B, à M. Tarik B, à M. Ryad B et à M. Nadir B, au président de la cour administrative d'appel de Paris, au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique et au ministre de la défense.