Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 août et 13 novembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE CARI, dont le siège est Z1, 1ère avenue, 5455m BP 88 à Carros cedex (06513) ; la SOCIETE CARI demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 27 mai 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles, statuant sur sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du 15 mai 2006 du tribunal administratif de Versailles condamnant l'Etat à lui verser une somme limitée à 46 367 euros, assortie de la taxe sur la valeur ajoutée et des intérêts au taux de 4,74 % ainsi que les intérêts sur la somme de 18 033 euros à compter du 5 novembre 2004 et, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 339 577,75 euros, assortie de la taxe sur la valeur ajoutée correspondante et des intérêts au taux de 4,74 % à compter du 19 février 2000 avec capitalisation à compter du 5 novembre 2004 et à chaque année suivante, la somme de 2 470,49 euros assortie de la taxe sur la valeur ajoutée et des intérêts au taux de 6,28 % ainsi que les intérêts sur la somme de 18 033 euros à compter du 13 décembre 2001, avec capitalisation à compter du 5 novembre 2004 et à chaque année suivante, a, en premier lieu, annulé ledit jugement et, en second lieu, jugé qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes présentées par la SOCIETE CARI devant le tribunal administratif de Versailles ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux, ensemble ledit cahier des charges ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir, Auditeur,
- les observations de la SCP Boulloche, avocat de la SOCIETE CARI, de Me Le Prado, avocat de la société ECIAC et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la société Dekra construction venant aux droits de la société Norisko construction,
- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, rapporteur public ;
- La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Boulloche, avocat de la SOCIETE CARI, à Me Le Prado, avocat de la société ECIAC et à la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la société Dekra construction venant aux droits de la société Norisko construction ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que par acte d'engagement notifié le 18 janvier 1999, la société Thouraud, aux droits de laquelle est venue la SOCIETE CARI, s'est vu attribuer le lot n° 1 terrassement - gros oeuvre dans le cadre du marché conclu par l'Etat pour la construction d'un hôtel des impôts à Evry ; que la durée contractuelle du chantier était de quinze mois ; que la réception n'a pu cependant avoir lieu que le 5 juin 2001, soit plus de vingt-huit mois après la notification de l'ordre de service de démarrage des travaux, le 1er février 1999 ; que la SOCIETE CARI, qui estimait avoir dû engager des travaux supplémentaires sur ordres de service, et subir un préjudice du fait de la durée excessive du chantier, a présenté un premier mémoire de réclamation reçu par le maître d'oeuvre le 10 novembre 1999 ; que, n'obtenant pas de réponse, elle a réitéré sa demande auprès du maître d'ouvrage ; que, ce dernier ayant conservé le silence, elle a saisi le tribunal administratif de Versailles d'une première demande, enregistrée le 12 septembre 2000, tendant à la réparation du préjudice subi ;
Considérant qu'après l'achèvement des travaux, la société a présenté son projet de décompte final ; que faute d'obtenir notification du décompte général, elle a mis l'Etat en demeure d'en établir un, par courrier du 10 septembre 2001 ; que dans le silence de l'administration, la société a de nouveau saisi le tribunal administratif d'une demande, enregistrée le 10 décembre 2001, tendant à l'établissement du décompte général et au paiement du solde du marché, incluant une réclamation d'un montant de 978 383 euros ; que l'Etat a, en cours de procédure devant le tribunal administratif, produit un décompte général en date du 11 juillet 2002 ; que l'entreprise a élevé une réclamation contre ce décompte général ;
Considérant que par jugement du 15 mai 2006, le tribunal administratif a jugé que l'entreprise était forclose dans sa demande tendant au paiement des sommes réclamées dans son premier mémoire, faute d'apporter la preuve de la réitération de sa réclamation au sens de l'article 50-21 du CCAG ; qu'il a en revanche condamné l'Etat à payer à l'entreprise une somme de 46 367,35 euros au titre de ses travaux supplémentaires, somme assortie de la taxe sur la valeur ajoutée et de la révision contractuelle des prix, dans la limite de 64 178,19 euros, le tout portant intérêts ;
Considérant que sur appel de la SOCIETE CARI, appel incident du ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique et appel provoqué de la société ECIAC, la cour administrative d'appel de Versailles, par l'arrêt attaqué, a annulé le jugement du tribunal administratif, en jugeant, d'une part, que la première demande formée par la SOCIETE CARI était recevable, mais que la présentation ultérieure d'une nouvelle demande relative au décompte général qui reprenait les montants demandés la privait d'objet, d'autre part, que la demande relative à l'établissement du décompte général et du paiement du solde du marché avait perdu son objet du fait de la notification, en cours de procédure, par la personne publique, d'un décompte général devenu définitif, faute pour la SOCIETE CARI d'avoir contesté à temps, devant le juge administratif, la décision de rejet opposée à la réclamation qu'elle avait élevée contre ce décompte général ;
Considérant que les moyens soulevés par la SOCIETE CARI critiquent l'arrêt uniquement en tant qu'il a jugé que la seconde demande présentée par la société avait perdu son objet du fait de l'intervention, en cours de procédure, d'un décompte général devenu par la suite définitif ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;
Considérant en premier lieu que le paragraphe 50.22 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux fait obligation à l'entrepreneur, en cas de litige avec la personne responsable du marché, de lui adresser un mémoire de réclamation ; qu'en l'espèce, confrontée à l'absence de notification d'un décompte général par le maître de l'ouvrage dans le délai prévu par le cahier des clauses administratives générales, la SOCIETE CARI s'était acquittée de cette obligation en mettant le maître de l'ouvrage en demeure d'en établir un ; que cette mise en demeure doit être regardée comme un mémoire de réclamation au sens de l'article 50.22 ;
Considérant en second lieu que l'article 50.31 du même cahier dispose : si, dans un délai de trois mois à partir de la date de réception, par la personne responsable du marché, de la lettre ou du mémoire de l'entrepreneur mentionné aux 21 et 22 du présent article, aucune décision n'a été notifiée à l'entrepreneur ou si celui-ci n'accepte pas la décision qui lui a été notifiée, l'entrepreneur peut saisir le tribunal administratif territorialement compétent. ; qu'il résulte de ces dispositions que la personne responsable du marché dispose d'un délai de trois mois pour répondre à la réclamation de l'entrepreneur ;
Considérant que dans l'hypothèse où un décompte général est notifié à l'entreprise avant l'expiration du délai de trois mois prévu par l'article 50.31 du CCAG, l'intervention de ce décompte général rend sans objet la saisine du tribunal administratif ; que dans l'hypothèse, en revanche, où la personne responsable du marché entend notifier un décompte général après l'expiration du délai susmentionné, ce document ne peut être regardé comme un décompte général au sens des dispositions du cahier des clauses administratives générales en sorte que le litige conserve son objet et qu'il y a lieu pour le juge de le trancher ;
Considérant qu'en jugeant que la notification, par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, d'un décompte général, le 11 juillet 2002, soit dix mois après réception de la mise en demeure, privait d'objet la demande de la SOCIETE CARI, alors que d'une part la circonstance qu'une expertise était en cours n'avait pas pour effet d'interrompre ni de suspendre les délais prévus par le cahier des clauses administratives générales, et que d'autre part la protestation élevée par la SOCIETE CARI le 23 août 2002 n'avait aucune incidence dès lors que la pièce notifiée par le ministre n'avait pas le caractère d'un décompte général au sens du cahier des clauses administratives générales, la cour a commis une erreur de droit ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'annuler l'arrêt attaqué en tant qu'il regarde comme dépourvues d'objet les conclusions de la SOCIETE CARI tendant à l'établissement du décompte général et au paiement du solde du marché ; qu'il y a lieu de renvoyer l'affaire, dans la limite de ce qui a été annulé, à la cour administrative de Versailles ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions susmentionnées font obstacle à ce que les sommes de 5 000, 3 000 et 5 000 euros demandées respectivement par l'Etat, par la société ECIAC et par la société Dekra construction soient mises à la charge de la SOCIETE CARI qui n'est pas, dans la présente affaire, la partie perdante ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, en l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société ECIAC et par la société Dekra construction sur le fondement des mêmes dispositions, tendant à ce que les sommes respectives de 3 000 et 5 000 euros soient mises à la charge de l'Etat ;
Considérant qu'il y a lieu en revanche de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros qui sera versée à la SOCIETE CARI au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles est annulé en tant qu'il juge qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande présentée par la SOCIETE CARI et tendant à l'établissement du décompte général ainsi qu'au paiement du solde de son marché.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Versailles.
Article 3 : L'Etat versera à la SOCIETE CARI une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par l'Etat et celles présentées par les sociétés ECIAC et Dekra Constructions sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE CARI, au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, à la société Dubosc et Landowski, à la société SGTE, à la société ECIAC, à la société Paquet Fontaine et à la société Dekra construction venant aux droits de la société Norisko construction.