Vu la requête, enregistrée le 11 décembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Christian Claude A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêté du 10 octobre 2007 du ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité portant extension d'un accord professionnel national conclu le 19 janvier 2007 relatif aux stagiaires des cabinets d'avocats ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 ;
Vu le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Bruno Chavanat, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Mattias Guyomar, rapporteur public ;
Considérant que par un arrêté du 10 octobre 2007, le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité a, en application de l'article L. 133-8 du code du travail alors en vigueur, étendu un accord professionnel national conclu le 19 janvier 2007 relatif aux stagiaires des cabinets d'avocats ; que M. A demande l'annulation de cet arrêté pour excès de pouvoir ;
Considérant que lorsqu'une contestation sérieuse s'élève sur la validité ou l'interprétation d'un accord collectif dont, comme en l'espèce, le législateur a subordonné l'entrée en vigueur à l'intervention préalable d'un arrêté d'extension, il appartient au juge administratif, compétemment saisi d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'arrêté ministériel d'extension de se prononcer sur chacun des moyens contestant la légalité de l'accord en cause ;
Considérant qu'aux termes de l'article 9 de la loi du 31 mars 2006 : Les stages en entreprise ne relevant ni des dispositions de l'article L. 211-1 du code du travail, ni de la formation professionnelle continue telle que définie par le livre IX du même code font l'objet entre le stagiaire, l'entreprise d'accueil et l'établissement d'enseignement d'une convention dont les modalités sont déterminées par décret. Ces stages, à l'exception de ceux qui sont intégrés à un cursus pédagogique, ont une durée initiale ou cumulée, en cas de renouvellement, qui ne peut excéder six mois. /Lorsque la durée du stage est supérieure à trois mois consécutifs, celui-ci fait l'objet d'une gratification dont le montant peut être fixé par convention de branche ou par accord professionnel étendu ou, à défaut, par décret. Cette gratification n'a pas le caractère d'un salaire au sens de l'article L. 140-2 du même code .
Considérant que l'accord litigieux prévoit à son article 2 qu'en application de l'article 9 de la loi précitée, le montant minimum mensuel de la gratification versée aux élèves avocats stagiaires en cours de scolarisation dans les centres de formation professionnelle des avocats, conformément aux articles 56 et suivants du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat, à l'occasion des stages d'une durée supérieure à 3 mois, est fixé, pour un temps de présence mensuel du stagiaire égal à un temps plein au cours du mois considéré, à 60% du SMIC au 1er janvier de l'année en cours lorsque l'employeur emploie de 0 à 2 salariés non avocats lors de la signature de la convention de stage (hors personnel d'entretien et de service), à 70 % du SMIC lorsqu'il emploie de 3 à 5 salariés et à 85 % du SMIC lorsqu'il emploie 6 salariés ou plus ; que l'article 3 de cet accord prévoit des montants de gratification équivalents pour les élèves avocats stagiaires effectuant un stage d'une durée inférieure ou égale à trois mois ; que le requérant soutient que ces dispositions méconnaissent le principe d'égalité ;
Considérant, en premier lieu, que l'article L 242-4-1 du code de la sécurité sociale, créé par l'article 10 de la loi du 31 mars 2006, prévoit qu'une fraction de la gratification d'un stagiaire n'est pas considérée comme une rémunération au sens de l'article L 242-1 de ce code et bénéficie ainsi d'une franchise de cotisations de sécurité sociale ; qu'aux termes de l'article D. 242-2-1 du même code : Le montant de la fraction de la gratification, mentionnée à l'article L. 242-4-1, qui n'est pas considérée comme une rémunération au sens de l'article L. 242-1, est égal au produit de 12,5 % du plafond horaire défini en application de l'article L. 241-3 et du nombre d'heures de stage effectuées au cours du mois considéré. ; qu'ainsi, les gratifications objets de l'accord étendu litigieux bénéficient, quel que soit leur montant, d'une franchise forfaitaire de cotisations de sécurité sociale ; qu'il suit de là que les stipulations analysées plus haut de l'accord litigieux n'ont ni pour objet ni pour effet de créer un régime de franchise de cotisations sociales différent selon la taille du cabinet d'avocat concerné ;
Considérant, en second lieu, que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que soit réglées de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il soit dérogé à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que la différence de traitement qui en résulte soit, dans l'un comme l'autre cas, en rapport avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des différences de situation susceptibles de la justifier ; que, compte tenu de la situation différente dans laquelle se trouvent les cabinets d'avocats en fonction de leur taille au regard de la charge spécifique que représente l'insertion d'un stagiaire en formation au sein d'une structure professionnelle, en prévoyant, pour la gratification versée aux élèves avocats stagiaires en cours de scolarisation dans les centres de formation professionnelle des avocats, des montants variables selon la taille des cabinets d'avocats, l'accord litigieux, n'a pas introduit entre les cabinets d'avocats une différence de traitement disproportionnée au regard de la différence de situation qui existe entre eux ; qu'au regard de l'intérêt général qui s'attache par ailleurs à ce que les élèves avocats puisse être accueillis en stage dans le plus grand nombre de cabinets et compte tenu, en outre, de la circonstance que ces gratifications n'ont pas le caractère d'un salaire au sens de l'article L. 140-2 du code du travail, que le montant de la gratification des élèves avocats stagiaires ainsi prévu ne constitue qu'un minimum que les cabinets d'avocats ont toujours la faculté de dépasser et qu'aucune stipulation de l'accord en litige n'interdit aux avocats employeurs, quelque soit le nombre des salariés qu'ils emploient, de tenir compte des compétences et des tâches confiées aux stagiaires pour établir le niveau de gratification, la dérogation ainsi introduite à l'égalité de traitement entre les stagiaires n'est pas davantage disproportionnée ; que les stipulations susmentionnées ne créent aucune discrimination fondée, ni directement ni indirectement sur le sexe ; que le moyen tiré de ce que l'accord porterait une atteinte discriminatoire au droit de propriété que chaque avocat employeur tire de l'article premier du premier protocole additionnel de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit également être écarté ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 10 octobre 2007 ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Christian Claude A et au ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville.