Vu l'ordonnance du 31 juillet 2007, enregistrée le 30 août 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Versailles a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi présenté à cette cour par la COMMUNE DE L'ISLE-ADAM ;
Vu le pourvoi, enregistré le 21 mai 2007 au greffe de la cour administrative d'appel de Versailles et le mémoire complémentaire, enregistré le 27 novembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE L'ISLE-ADAM, représentée par son maire ; la commune demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 15 février 2007 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise en tant qu'il a annulé l'arrêté de son maire du 28 décembre 2004 ordonnant à M. et Mme A d'exécuter avant le 15 janvier 2005 les mesures provisoires nécessaires pour faire cesser le péril imminent d'un mur situé 10 chemin de Stors, la décision du maire du 20 janvier 2005 de faire exécuter d'office à leurs frais ces mesures et enfin l'arrêté du maire du 16 mai 2005 ordonnant à la SCI Les Sapins d'exécuter dans le délai de quinze jours les mesures provisoires nécessaires pour faire cesser le péril imminent du même immeuble ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter les demandes dirigées contre ces trois décisions ;
3°) de mettre à la charge de la SCI Les Sapins la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code de la construction et de l'habitation ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Olivier Rousselle, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la COMMUNE DE L'ISLE-ADAM et de la SCP Peignot, Garreau, avocat de la SCI Les Sapins et de M. et Mme A,
- les conclusions de M. Jean-Philippe Thiellay, rapporteur public,
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la COMMUNE DE L'ISLE-ADAM et à la SCP Peignot, Garreau, avocat de la SCI Les Sapins et de M. et Mme A ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de la construction et de l'habitation, auquel renvoie l'article L. 2213-24 du code général des collectivités territoriales : Le maire peut prescrire la réparation ou la démolition des murs, bâtiments ou édifices quelconques lorsqu'ils menacent ruine et qu'ils pourraient, par leur effondrement, compromettre la sécurité ou lorsque, d'une façon générale, ils n'offrent pas les garanties de solidité nécessaires au maintien de la sécurité publique (...) et qu'aux termes de l'article L. 511-3, dans sa rédaction en vigueur à la date des décisions litigieuses : En cas de péril imminent, le maire, après avertissement adressé au propriétaire, provoque la nomination par le tribunal d'instance d'un homme de l'art qui est chargé d'examiner l'état des bâtiments dans les vingt-quatre heures qui suivent sa nomination. / Si le rapport de cet expert constate l'urgence ou le péril grave et imminent, le maire ordonne les mesures provisoires nécessaires pour garantir la sécurité et, notamment, l'évacuation de l'immeuble. / Dans le cas où ces mesures n'auraient point été exécutées dans le délai imparti par la sommation, le maire a le droit de faire exécuter d'office et aux frais du propriétaire les mesures indispensables (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le maire de l'Isle-Adam a délivré le 31 mai 2001 à la SCI Les Sapins un permis de construire un immeuble à usage d'habitation sur un terrain situé 10, chemin des Stors ; que, lors des travaux de construction, la SCI a démoli, sans autorisation, une construction ancienne édifiée sur son terrain, provoquant l'effondrement du mur de cette construction qui était situé en bordure du chemin des Stors et qui assurait le soutènement de cette voie publique ; que, se fondant sur les risques que cet effondrement entraînait tant pour la voie publique que pour l'immeuble d'habitation, le maire de l'Isle-Adam a, au vu du rapport de l'expert désigné par le tribunal d'instance de Pontoise, pris le 28 décembre 2004, sur le fondement des dispositions de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation alors en vigueur, un arrêté de péril ordonnant à M. et Mme A des travaux destinés à mettre fin à l'état de péril imminent ; qu'il a ensuite décidé, le 20 janvier 2005, de faire exécuter d'office ces travaux aux frais du propriétaire ; qu'il a enfin, par un arrêté du 16 mai 2005, pris un nouvel arrêté de péril imminent ordonnant à la SCI Les Sapins de réaliser les mêmes travaux ; que, par le jugement attaqué du 15 février 2007, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé ces trois décisions ;
Sur le jugement attaqué, en tant qu'il annule l'arrêté du 28 décembre 2004 et la décision du 20 janvier 2005 :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté que la parcelle sur laquelle les travaux de démolition ont été entrepris ainsi que le mur qui y était implanté, et qui a fait l'objet de l'arrêté de péril imminent du 28 décembre 2004 et de la décision d'exécution d'office du 20 janvier 2005, appartenaient à la SCI Les Sapins, dont M. et Mme A étaient les uniques gérants et les uniques associés ; que ces derniers étaient en conséquence, en vertu de l'article 1849 du code civil auquel renvoie l'article L. 211-1 du code de la construction et de l'habitation, les représentants légaux de la SCI propriétaire du mur ainsi que, en vertu de l'article L. 211-2 de ce dernier code, débiteurs des dettes sociales ; que, dans ces conditions, le tribunal administratif a commis une erreur de droit en jugeant que la circonstance que l'arrêté de péril imminent du 28 décembre 2004 et la décision d'exécution d'office du 20 janvier 2005 aient été pris à l'encontre de M. et Mme A entachait d'illégalité cet arrêté et cette décision ; que la COMMUNE DE L'ISLE-ADAM est dès lors fondée à demander l'annulation du jugement attaqué, en tant qu'il annule l'arrêté du 28 décembre 2004 et la décision du 20 janvier 2005 ;
Sur le jugement attaqué, en tant qu'il annule l'arrêté du 16 mai 2005 :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;
Considérant que les pouvoirs attribués au maire par les dispositions de l'article L. 511-1 du code de la construction et de l'habitation trouvent à s'appliquer lorsque le danger provoqué par un immeuble provient à titre prépondérant de causes qui lui sont propres, au nombre desquelles figurent les travaux effectués sur l'immeuble ;
Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a estimé que l'état de péril du mur de la construction démolie par la SCI Les Sapins provenait de deux causes distinctes dont aucune n'était prépondérante, d'une part une cause propre à l'immeuble constituée par les travaux de démolition non conformes aux règles de l'art et, d'autre part, une cause extérieure constituée par la poussée du talus sur lequel la construction démolie était adossée, sans rechercher si l'état de péril aurait été évité, malgré la poussée du talus, si les travaux avaient été effectués selon les règles de l'art ; que le tribunal administratif a ainsi commis une erreur de droit ; que la COMMUNE DE L'ISLE-ADAM est dès lors fondée à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il annule l'arrêté de péril imminent du 16 mai 2005 ;
Considérant qu'il y lieu de régler l'affaire au fond, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Considérant, en premier lieu, que si le mur visé par les arrêtés de péril imminent et la décision d'exécution d'office attaqués assure le soutènement d'une voie publique communale, il ne constitue pas une dépendance du domaine public communal, dès lors qu'il est constant qu'il est édifié sur le terrain appartenant à la SCI Les Sapins ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des rapports de l'expert désigné par le tribunal d'instance de Pontoise dans le cadre de la procédure de péril imminent et de l'expert désigné par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise à la demande de M. A, d'une part, que les travaux de démolition de la construction adossée à un talus, réalisés sans autorisation et sans l'intervention d'architectes et d'entrepreneurs, avec des terrassements trop pentus et des soutènements insuffisants, ont déstabilisé les soutènements existants et, d'autre part, que l'état de péril du mur, qui menace la sécurité publique, aurait été évité si les travaux avaient été réalisés selon les règles de l'art ; qu'il en résulte que l'état de péril doit être regardé comme provenant d'une cause propre à l'immeuble et entre par suite dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 511-1 du code de la construction et de l'habitation ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des rapports d'expertise que, si un équilibre s'était établi à la suite des désordres causés par les travaux entrepris par la SCI Les Sapins, cet équilibre pouvait être qualifié de précaire et que le péril devait être estimé imminent ; que, dans ces conditions, et alors même que l'aggravation crainte par l'expert ne se serait ensuite pas produite, le maire de l'Isle-Adam a pu légalement estimer, en prenant ses arrêtés des 28 décembre 2004 et 16 mai 2005, que le péril causé par l'état du mur constituait un péril imminent entrant dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation ;
Considérant, en quatrième lieu, que le maire de l'Isle-Adam a pris les arrêtés de péril imminent des 28 décembre 2004 et 16 mai 2005 au vu des rapports d'un expert désigné par le tribunal d'instance de Pontoise constatant le péril imminent, conformément aux dispositions de l'article L. 511-3 ; que la circonstance que le péril imminent avait également été constaté par l'expert désigné par une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise rendue à la demande de M. A est sans incidence sur la légalité de ces arrêtés ;
Considérant, en cinquième lieu, que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la circonstance que l'arrêté de péril imminent du 28 décembre 2004 et la décision d'exécution d'office du 20 janvier 2005 ont été pris à l'encontre de M. et Mme A n'entache pas d'illégalité cet arrêté et cette décision, dès lors que les intéressés étaient les représentants légaux du propriétaire et les débiteurs de ses dettes ;
Considérant, en sixième lieu, que les mesures prescrites par les arrêtés des 28 décembre 2004 et 16 mai 2005 correspondent à celles préconisées par les rapports d'expertise pour mettre fin à l'état de péril imminent ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que des travaux moins importants auraient permis de mettre fin à cet état de péril imminent ;
Considérant, en septième lieu que, s'il ressort des pièces du dossier que le maire avait fait placer un cadenas à l'entrée de la propriété de la SCI Les Sapins, il n'est toutefois pas établi qu'il aurait refusé de rétablir l'accès afin de permettre à la SCI de réaliser les travaux prescrits ; que la SCI Les Sapins n'est dès lors pas fondée à soutenir qu'une impossibilité matérielle de réaliser les travaux destinés à mettre fin à l'état de péril imminent aurait pour effet d'entacher d'illégalité la décision d'exécution d'office du 20 janvier 2005 et l'arrêté de péril du 16 mai 2005 ;
Considérant, enfin, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le maire, en prenant les arrêtés et la décision attaqués, aurait poursuivi un autre but que celui de mettre fin au péril imminent causé par l'état du mur appartenant à la SCI Les Sapins ; que, dans ces conditions, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme A ne sont fondés à demander l'annulation ni de l'arrêté du 28 décembre 2004, ni de la décision du 20 janvier 2005 et que la SCI Les Sapins n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 16 mai 2005 ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la SCI Les Sapins la somme de 4 000 euros à verser à la COMMUNE DE L'ISLE-ADAM au titre des frais exposés par elle devant le Conseil d'Etat et le tribunal administratif de Cergy-Pontoise et non compris dans les dépens ; qu'en revanche ces dispositions font obstacle à ce que soient mises à la charge de la COMMUNE DE L'ISLE-ADAM, qui n'est pas la partie perdante, les sommes que demandent la SCI Les Sapins et M. et Mme A au titre des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 15 février 2007 est annulé, en tant qu'il a annulé l'arrêté du maire de l'Isle-Adam du 28 décembre 2004, sa décision du 20 janvier 2005 et son arrêté du 16 mai 2005.
Article 2 : Les demandes présentées par M. et Mme A et la SCI Les Sapins devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de l'Isle-Adam du 28 décembre 2004, de sa décision du 20 janvier 2005 et de son arrêté du 16 mai 2005 sont rejetées.
Article 3 : La SCI Les Sapins versera à la COMMUNE DE L'ISLE-ADAM une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de M. et Mme A et de la SCI Les Sapins tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE L'ISLE-ADAM, à M. et Mme A et à la SCI Les Sapins.