Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 juillet et 14 octobre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Gérard A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision du 29 avril 2009 par laquelle le conseil national de l'ordre des médecins, siégeant en formation restreinte, a rejeté son recours tendant à l'annulation de la décision du 12 mars 2009 de la formation restreinte du conseil régional de l'ordre des médecins de Bretagne le suspendant du droit d'exercer la médecine pendant trois ans et subordonnant la reprise de son activité professionnelle à la constatation préalable de son aptitude par une nouvelle expertise ;
2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler la décision du 12 mars 2009 de la formation restreinte du conseil régional de Bretagne ;
3°) de mettre à la charge du conseil national de l'ordre des médecins la somme de 2 361 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Olivier Talabardon, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de M. A et de la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat du conseil national de l'ordre des médecins,
- les conclusions de Mme Gaëlle Dumortier, rapporteur public,
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Le Bret-Desaché, avocat de M. A et à la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat du conseil national de l'ordre des médecins ;
Considérant qu'aux termes de l'article R. 4124-3 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable au présent litige : Dans le cas d'infirmité ou d'état pathologique rendant dangereux l'exercice de la profession, la suspension temporaire du droit d'exercer est prononcée par le conseil régional ou interrégional pour une période déterminée, qui peut, s'il y a lieu, être renouvelée. Elle ne peut être ordonnée que sur un rapport motivé établi à la demande du conseil par trois médecins spécialistes désignés comme experts, désignés l'un par l'intéressé, le deuxième par le conseil départemental et le troisième par les deux premiers. En cas de carence de l'intéressé, la désignation du premier expert est faite à la demande du conseil par ordonnance du président du tribunal de grande instance dans le ressort duquel se trouve la résidence professionnelle de l'intéressé. Cette demande est dispensée de ministère d'avocat. / Le conseil peut être saisi soit par le préfet, soit par délibération du conseil départemental ou du conseil national. L'expertise prévue à l'alinéa précédent est effectuée au plus tard dans le délai de deux mois à compter de la saisine du conseil. / Les experts procèdent ensemble, sauf impossibilité manifeste, à l'expertise. Le rapport d'expertise est déposé au plus tard dans le délai de deux mois à compter de la saisine du conseil. / Si les experts ne peuvent parvenir à la rédaction de conclusions communes, le rapport comporte l'avis motivé de chacun d'eux. / Si l'intéressé ne se présente pas à la convocation fixée par les experts, ceux-ci établissent un rapport de carence à l'intention du conseil. / Avant de se prononcer, le conseil régional ou interrégional peut, par une décision non susceptible de recours, décider de faire procéder à une expertise complémentaire dans les conditions prévues au premier alinéa. Dans ce cas, le deuxième expert est désigné par le président du conseil régional ou interrégional. / (...) La notification de la décision informe le praticien que la reprise de l'exercice professionnel ne pourra avoir lieu sans qu'au préalable ait été diligentée une nouvelle expertise médicale, dont il lui incombe de demander l'organisation au conseil départemental. ; qu'en vertu de l'article R. 4124-3-2, la décision prise en application des dispositions précitées peut faire l'objet d'un recours devant le conseil national de l'ordre des médecins ;
Considérant que, par décision du 29 avril 2009, la formation restreinte du conseil national de l'ordre des médecins a rejeté, sur le fondement de ces dispositions, le recours de M. A dirigé contre la décision du 12 mars 2009 du conseil régional de l'ordre des médecins de Bretagne le suspendant du droit d'exercer la médecine pendant trois ans et subordonnant la reprise de son activité professionnelle à la constatation préalable de son aptitude par une nouvelle expertise ; que cette décision est motivée, d'une part, au vu du rapport d'expertise en date du 25 février 2009, lequel estimait que M. A ne peut pas reprendre son activité libérale de radiologie et que son état de santé est susceptible de le rendre dangereux dans son exercice de la médecine , d'autre part, au vu des autres pièces du dossier et de l'audition de M. A ;
Considérant que la décision attaquée, qui est suffisamment motivée, n'est pas une décision juridictionnelle et n'a pas le caractère d'une sanction ; qu'ainsi le moyen tiré de ce qu'elle méconnaitrait les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales faute d'avoir été prise au terme d'une séance publique doit être écarté comme inopérant ; que la formation restreinte du conseil national n'était pas tenue de répondre à l'ensemble des arguments présentés devant elle par M. A ; que le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative doit également être écarté comme inopérant ;
Considérant que le délai de deux mois prévu au deuxième alinéa de l'article R. 4124-3 précité, pour effectuer l'expertise, n'est pas prescrit à peine d'irrégularité ; qu'ainsi, le conseil régional pouvait, sans entacher d'irrégularité la procédure suivie, après avoir constaté que les rapports déposés les 6 et 8 octobre et le 16 décembre 2008 ne lui permettaient pas de statuer, faire procéder, en application du sixième alinéa de l'article R. 4124-3 du code de la santé publique, à une expertise complémentaire ;
Considérant que, lorsqu'elle rejette un recours exercé en vertu de l'article R. 4124-3-2 contre une suspension temporaire du droit d'exercer prise par un conseil régional de l'ordre des médecins, qui n'a pas d'effet suspensif, la formation restreinte du conseil national n'est pas tenue de modifier la date d'entrée en vigueur de la mesure de suspension, de telle sorte que le Conseil d'Etat, saisi par la voie d'un recours pour excès de pouvoir, statue sur sa légalité avant son exécution ; que le droit à un recours effectif prévu par les stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est satisfait dès lors qu'est ouvert un recours contentieux, comme en l'espèce, un recours pour excès de pouvoir, au profit de la personne qui fait l'objet d'une telle mesure de suspension temporaire du droit d'exercer la médecine ;
Considérant qu'il ressort des pièces figurant au dossier qu'en estimant, au vu des conclusions du rapport d'expertise, ainsi que de nombreux témoignages, que l'état de santé de M. A n'était pas compatible avec un exercice médical et que son état pathologique rendait dangereux l'exercice de la profession médicale, le conseil national de l'ordre des médecins n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation ; que, par ailleurs, la durée de la mesure de suspension prononcée ne procède pas d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la requête de M. A doit être rejetée ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge du conseil national de l'ordre des médecins qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le conseil national de l'ordre des médecins au titre des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du conseil national de l'ordre des médecins tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Gérard A, au conseil départemental de l'ordre des médecins d'Ille-et-Vilaine et au conseil national de l'ordre des médecins.