Vu l'ordonnance du 26 mars 2008, enregistrée le 3 avril 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président du tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d'Etat en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête par laquelle M. Daniel A, demeurant ..., et la CAISSE REGIONALE DE CREDIT MARITIME MUTUEL DE LA MEDITERRANNEE (CRCMM), dont le siège social est 187 Quai d'Orient BP 188 à Sète Cedex (34203), demandent :
1) l'annulation de la décision du 5 mars 2008 par laquelle le conseil d'administration de la Banque fédérale des banques populaires, prise en la personne de son représentant légal, a prononcé le retrait de l'agrément de M. A en tant que directeur général de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT MARITIME MUTUEL DE LA MEDITERRANNEE ;
2) que soit mis à la charge de la Banque fédérale des banques populaires le versement à chacun des requérants de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code monétaire et financier ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Delphine Hedary, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Boullez, avocat de M. A, de Me Bertrand, avocat de la société Donat Branger administration et conseil et de la SCP Defrenois, Levis, avocat de la Banque Fédérale des banques populaires,
- les conclusions de M. Mattias Guyomar, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Boullez, avocat de M. A, à Me Bertrand, avocat de la société Donat Branger administration et conseil et à la SCP Defrenois, Levis, avocat de la Banque Fédérale des banques populaires ;
Considérant que par un mémoire enregistré le 8 avril 2009 la CAISSE REGIONALE DE CREDIT MARITIME MUTUEL DE LA MEDITERRANNEE déclare se désister purement et simplement de son action aux côtés de M. A ; qu'il y a lieu de lui en donner acte ; que par suite, il n'y a pas lieu d'examiner les fins de non recevoir opposées en défense contre sa requête et son intervention au soutien de M. A ;
Considérant que par un mémoire enregistré le 23 décembre 2008 la société Donat Branger administration et conseil, qui avait présenté une intervention au nom de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT MARITIME MUTUEL DE LA MEDITERRANNEE dont elle était administrateur provisoire depuis le 7 avril 2008, demande à être mise hors de cause, sa mission d'administrateur provisoire ayant pris fin le 1er décembre précédent ; qu'elle doit ainsi être regardée comme se désistant de son intervention ; que rien ne s'oppose à ce qu'il soit donné acte de son désistement ;
Sur la légalité de la décision du 5 mars 2008 par laquelle le conseil d'administration de la Banque fédérale des banques populaires (BFBP) a prononcé le retrait de l'agrément de M. A en tant que dirigeant de la caisse régionale de CAISSE REGIONALE DE CREDIT MARITIME MUTUEL DE LA MEDITERRANNEE :
Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 511-10 et L. 511-13 du code monétaire et financier que les dirigeants des établissements de crédit doivent, à tout moment, satisfaire aux conditions d'honorabilité, de compétence et d'expérience adéquate à leur fonction, nécessaires pour que l'établissement qu'ils dirigent soit agréé ; que la Banque fédérale des banques populaires, organe central des caisses régionales de crédit maritime mutuel et des banques populaires au sens de l'article L. 511-31 du code monétaire et financier, est chargée, en cette qualité, de veiller à la cohésion de [son] réseau et de s'assurer du bon fonctionnement des établissements (...) affiliés et doit, à cette fin, prendre toutes mesures nécessaires, notamment pour garantir la liquidité et la solvabilité de chacun de ces établissements ; que l'article R. 512-33 du même code donne à son conseil d'administration le pouvoir de retirer l'agrément d'un directeur de caisse régionale ; que la décision attaquée a été prise sur le fondement de cet ensemble de dispositions ;
Considérant en premier lieu que si l'article R. 512-33 du code monétaire et financier autorise le retrait d'agrément du dirigeant d'un établissement de crédit, il résulte des dispositions du code monétaire et financier ci-dessus rappelées qu'une telle mesure ne se justifie que par la responsabilité générale des organes centraux d'assurer le bon fonctionnement des établissements affiliés ; que par suite les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les dispositions de cet article seraient illégales au motif qu'elles méconnaîtraient le principe du respect de l'autonomie juridique et financière des établissements affiliés à l'organe central des caisses d'épargne et des banques populaires posé par l'article L. 512-72 du même code ;
Considérant, en deuxième lieu, que si les dispositions de l'article L. 500-1 du code monétaire et financier font obstacle à ce que puisse diriger un établissement de crédit toute personne ayant fait l'objet depuis moins de dix ans d'une condamnation définitive à une peine d'emprisonnement ferme ou d'au moins six mois avec sursis pour banqueroute, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la décision attaquée n'a pas été prise sur le fondement de ces dispositions ; que par suite M. A ne peut utilement soutenir, au motif que la condamnation dont il a fait l'objet par un jugement du tribunal de grande instance de Montpellier du 12 décembre 2007 n'était pas définitive et se limitait à quatre mois de prison avec sursis, que la décision attaquée aurait méconnu les dispositions de l'article L. 500-1 du code monétaire et financier précitées ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que, de 1998 à 2001, la CAISSE REGIONALE DE CREDIT MARITIME MUTUEL DE LA MEDITERRANNEE a accordé à la société de fait Frisch et Suquet, courtier en douane, des concours financiers très importants et hors de proportion avec son chiffre d'affaires ; que ces concours ont servi à alimenter la trésorerie d'une autre société, la SA Léopold Suquet, laquelle éprouvait de graves difficultés, qui ont conduit à sa mise en redressement judiciaire ; qu'à raison de ces faits, M. A a été condamné, par le jugement du tribunal correctionnel de Montpellier mentionné ci-dessus, pour complicité de banqueroute par emploi de moyens ruineux pour se procurer des fonds et pour détournement ou dissimulation de tout ou partie de l'actif ; qu'alors même que cette condamnation n'était pas définitive, et que des garanties avaient été prises sur le patrimoine personnel des membres de la société de fait au profit de la Caisse régionale, le conseil d'administration de la Banque fédérale des banques populaires était fondé à estimer, au vu de ces mêmes faits, que M. A avait exposé son établissement à un risque inconsidéré de crédit ; que si M. A fait valoir que les procédures internes à la banque faisaient dépendre l'octroi des crédits d'instances collectives de décision dont il n'était pas membre, il lui incombait du fait même de sa position de dirigeant, et en vertu des responsabilités attachées à cette qualité par les dispositions du code monétaire et financier, de veiller au bon fonctionnement de l'établissement ; qu'il résulte de ce qui précède que l'organe central était fondé à estimer que M. A ne remplissait plus la condition d'honorabilité nécessaire à son maintien à la tête de l'établissement ; que le détournement de pouvoir allégué contre la décision de retrait d'agrément de M. A n'est pas établi ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 5 mars 2008 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la Banque fédérale des banques populaires, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme demandée par M. A ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la Banque fédérale des banques populaires sur le fondement de ces mêmes dispositions ;
D E C I D E :
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Article 1er : Il est donné acte à la CAISSE REGIONALE DE CREDIT MARITIME MUTUEL DE LA MEDITERRANNEE du désistement de sa requête et de son intervention au soutien de M. A.
Article 2 : Il est donné acte à la société Donat Branger du désistement de son intervention.
Article 3 : La requête de M. A est rejetée.
Article 4 : Les conclusions de la Banque fédérale des banques populaires tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Daniel A, à la CAISSE REGIONALE DE CREDIT MARITIME MUTUEL DE LA MEDITERRANNEE et à la Banque fédérale des banques populaires.
Copie en sera adressée à la SARL Dorat Branger et à la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi.