Vu l'ordonnance du 27 mai 2008, enregistrée le 30 mai 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Nancy a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi présenté à cette cour par la COMMUNE DE MAILLERONCOURT SAINT-PANCRAS ;
Vu le pourvoi, enregistré le 16 mai 2008 au greffe de la cour administrative d'appel de Nancy, présenté par la COMMUNE DE MAILLERONCOURT SAINT-PANCRAS et tendant :
1°) à l'annulation du jugement du 20 mars 2008 du tribunal administratif de Besançon la condamnant à verser à M. Patrick A la somme de 6 000 euros au titre de l'engagement de sa responsabilité pour faute ;
2°) au rejet de la demande présentée par M. A devant le tribunal administratif de Besançon ;
3°) à ce que soit mise à la charge de M. A la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ;
Vu la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Luc Matt, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de la COMMUNE DE MAILLERONCOURT SAINT-PANCRAS et de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de M. A,
- les conclusions de Mme Julie Burguburu, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de la COMMUNE DE MAILLERONCOURT SAINT-PANCRAS et à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de M. A ;
Considérant que M. A, agent territorial des services techniques titulaire depuis le 1er octobre 2001, a demandé à la COMMUNE DE MAILLERONCOURT SAINT-PANCRAS une indemnisation du préjudice subi du fait des actes de harcèlement moral dont il aurait été victime de la part du maire de la commune ; que, par un jugement du 20 mars 2008 contre lequel la commune se pourvoit en cassation, le tribunal administratif de Besançon a condamné la COMMUNE DE MAILLERONCOURT SAINT-PANCRAS à verser à M. A une somme de 6 000 euros au titre de la responsabilité pour faute résultant de la publication de deux procès-verbaux de délibérations du conseil municipal en violation de l'article 6 de la loi du 17 juillet 1978 ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 611-7 du code de justice administrative : Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement ou, au Conseil d'Etat, la sous-section chargée de l'instruction en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A n'a pas soulevé, à l'appui de ses conclusions indemnitaires, le moyen tiré de ce que la responsabilité de la COMMUNE DE MAILLERONCOURT SAINT-PANCRAS pouvait être engagée du fait d'une violation de la loi du 17 juillet 1978 ; qu'en se fondant sur ce motif, qui n'est d'ailleurs pas d'ordre public, pour condamner la COMMUNE DE MAILLERONCOURT SAINT-PANCRAS sans avoir, avant la séance de jugement, informé les parties de son intention de soulever d'office le moyen en cause, le tribunal administratif de Besançon a entaché son jugement d'irrégularité ; que par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, la COMMUNE DE MAILLERONCOURT SAINT-PANCRAS est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Sur la responsabilité de la commune pour l'affichage de délibérations du conseil municipal :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 17 juillet 1978 les collectivités territoriales sont tenues de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande ; que le II de l'article 6 de la même loi dans sa rédaction applicable au litige prévoit que ne sont communicables qu'à l'intéressé les documents administratifs : / - dont la communication porterait atteinte au secret de la vie privée et des dossiers personnels, au secret médical (...) ; / - portant une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique nommément désignée ou facilement identifiable ; / - faisant apparaître le comportement d'une personne, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice ; qu'enfin l'article 7 dispose que : (...) Les administrations mentionnées à l'article 1er peuvent en outre rendre publics les autres documents administratifs qu'elles élaborent ou détiennent. / Toutefois, sauf dispositions législatives contraires, les documents administratifs qui comportent des mentions entrant dans le champ d'application de l'article 6 ne peuvent être rendus publics qu'après avoir fait l'objet d'un traitement afin d'occulter ces mentions ou de rendre impossible l'identification des personnes qui y sont nommées et, d'une manière générale, la consultation de données à caractère personnel ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 2121-18 du code général des collectivités territoriales : Les séances des conseils municipaux sont publiques (...) ; qu'en vertu de l'article L. 2121-25 du même code : Le compte rendu de la séance est affiché dans la huitaine ; que selon l'article R. 2121-11 de ce code : L'affichage du compte rendu de la séance, prévu à l'article L. 2121-25, a lieu, par extraits, à la porte de la mairie ; qu'il résulte de ces dispositions qu'eu égard à leur objectif d'information du public sur la gestion municipale, le maire a l'obligation légale de faire afficher, par extraits faisant apparaître la nature de l'ensemble des questions abordées au cours de la séance correspondante du conseil municipal, le compte rendu de chaque séance ; que l'affichage des procès-verbaux des délibérations du conseil municipal est entièrement régi par les dispositions du code général des collectivités territoriales et ne relève pas de celles de la loi du 17 juillet 1978 ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les comptes rendus affichés des séances des 24 juin 2005 et 9 juin 2006 du conseil municipal de la COMMUNE DE MAILLERONCOURT SAINT-PANCRAS rendent compte notamment de propos, tenus par le maire, qui mettent en cause le comportement professionnel et personnel de M. A ; qu'il résulte toutefois de ce qui précède que le moyen tiré de ce que l'affichage de ces comptes rendus en méconnaissance de l'article 6 de cette loi engagerait la responsabilité pour faute de la COMMUNE DE MAILLERONCOURT SAINT-PANCRAS ne peut qu'être écarté ;
Sur la responsabilité de la commune pour harcèlement moral :
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 : Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. ;
Considérant que si M. A soutient qu'il a été victime de harcèlement moral au cours des années 2004 à 2007, au motif que le maire lui adressait des lettres récapitulant tous les griefs formulés sur son travail et son comportement, ainsi que, chaque jour, ses instructions par voie écrite, que plusieurs de ses demandes de stage de formation ont été rejetées, qu'un blâme lui a été infligé pour des faits de vol de bois, alors que ces faits ont donné lieu à un classement sans suite par le parquet, et que l'affichage des procès-verbaux des délibérations mentionnés ci-dessus visait à lui nuire, les rappels et avertissements en cause relèvent, eu égard au comportement de l'agent dans son service et dans les circonstances de l'espèce, de l'exercice normal de l'autorité hiérarchique ou du pouvoir disciplinaire et ne sont pas constitutifs de harcèlement moral ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions de M. A tendant à l'indemnisation du préjudice subi du fait du harcèlement moral dont il aurait été victime doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que soit mis à la charge de la COMMUNE DE MAILLERONCOURT SAINT-PANCRAS qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. A de la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A le versement à la COMMUNE DE MAILLERONCOURT SAINT-PANCRAS de la somme de 500 euros en application des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 20 mars 2008 du tribunal administratif de Besançon est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A devant le tribunal administratif de Besançon et ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : M. A versera à la COMMUNE DE MAILLERONCOURT SAINT-PANCRAS une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE MAILLERONCOURT SAINT-PANCRAS et à M. Patrick A.
Copie en sera adressée pour information au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.