Vu 1°/, sous le n° 325892, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 mars et 9 juin 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la LIGUE DE FOOTBALL PROFESSIONNEL, dont le siège est 6, rue Léo Delibes à Paris (75116) ; la LIGUE DE FOOTBALL PROFESSIONNEL demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 5 février 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a, d'une part, annulé le jugement du 21 juin 2007 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise avait rejeté la demande du club Entente Sannois Saint-Gratien tendant à la condamnation solidaire de la Fédération française de football et de la LIGUE DE FOOTBALL PROFESSIONNEL à lui verser la somme de 4 300 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de la perte de la chance d'accéder au championnat de France professionnel de Ligue 2 et, d'autre part, condamné solidairement la Fédération française de football et la LIGUE DE FOOTBALL PROFESSIONNEL à verser au club Entente Sannois Saint-Gratien la somme de 500 000 euros en réparation de ces préjudices ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel du club Entente Sannois Saint-Gratien ;
3°) de mettre à la charge du club Entente Sannois Saint-Gratien le versement de la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu 2°/, sous le n° 325893, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 mars et 9 juin 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la FEDERATION FRANÇAISE DE FOOTBALL, dont le siège est 87, boulevard de Grenelle à Paris (75738 cedex 15) ; la FEDERATION FRANÇAISE DE FOOTBALL demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 5 février 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a, d'une part, annulé le jugement du 21 juin 2007 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise avait rejeté la demande du club Entente Sannois Saint-Gratien tendant à la condamnation solidaire de la FEDERATION FRANÇAISE DE FOOTBALL et de la Ligue de football professionnel à lui verser la somme de 4 300 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de la perte de la chance d'accéder au championnat de France professionnel de Ligue 2 et, d'autre part, condamné solidairement la FEDERATION FRANÇAISE DE FOOTBALL et la Ligue de football professionnel à verser au club Entente Sannois Saint-Gratien la somme de 500 000 euros en réparation de ces préjudices ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel du club Entente Sannois Saint-Gratien ;
3°) de mettre à la charge du club Entente Sannois Saint-Gratien le versement de la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 6 juillet 2010, présentée pour le club Entente Sannois Saint-Gratien ;
Vu le code du sport ;
Vu la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 ;
Vu le décret n° 2002-762 du 2 mai 2002 ;
Vu le règlement du Championnat national de football pour la saison 2003/2004 ;
Vu la convention entre la Fédération française de football et la Ligue de football professionnel et ses annexes ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Catherine Chadelat, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de la LIGUE DE FOOTBALL PROFESSIONNEL et de la FEDERATION FRANÇAISE DE FOOTBALL, et de la SCP Piwnica, Molinié, avocat du Club Entente Sannois Saint-Gratien,
- les conclusions de M. Frédéric Lénica, rapporteur public,
La parole ayant à nouveau été donnée à la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de la LIGUE DE FOOTBALL PROFESSIONNEL et de la FEDERATION FRANÇAISE DE FOOTBALL, et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat du club Entente Sannois Saint-Gratien ;
Considérant que les requêtes de la LIGUE NATIONALE DE FOOTBALL et de la FEDERATION FRANÇAISE DE FOOTBALL sont dirigées contre le même arrêt ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant qu'aux termes de l'article 17 de la loi du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives, applicable au présent litige : I. Dans chaque discipline sportive et pour une durée déterminée, une seule fédération agréée reçoit délégation du ministre chargé des sports pour organiser les compétitions sportives (...) / II. Les fédérations bénéficiant d'une délégation peuvent créer une ligue professionnelle, pour la représentation, la gestion et la coordination des activités sportives à caractère professionnel des associations qui leur sont affiliées et des sociétés qu'elles ont constituées (...) Chaque fédération disposant d'une ligue professionnelle crée un organisme assurant le contrôle juridique et financier des associations et sociétés (...) Cet organisme est notamment chargé de contrôler que les associations et les sociétés qu'elles ont constituées répondent aux conditions fixées pour prendre part aux compétitions qu'elle organise (...) ; qu'aux termes de l'article 8 du décret du 2 mai 2002 pris pour l'application du II de l'article 17 de la loi du 16 juillet 1984 et relatif aux ligues professionnelles constituées par les fédérations sportives et dotées de la personnalité morale : Les relations de la fédération et de la ligue professionnelle sont régies par une convention qui précise notamment la répartition de leurs compétences (...) ; qu'enfin, aux termes de l'article 7 de la convention, en vigueur depuis le 30 juin 2002, entre la FEDERATION FRANÇAISE DE FOOTBALL et la LIGUE DE FOOTBALL PROFESSIONNEL, ces dernières assurent le contrôle de la gestion financière des clubs professionnels au moyen de la direction nationale du contrôle de gestion, dont le règlement figure en annexe de la présente convention ; qu'aux termes de l'article 11 de l'annexe à cette convention, les commissions constituées au sein de la direction nationale du contrôle de gestion (DNCG) ont notamment compétence pour examiner et apprécier la situation des clubs et le cas échéant, appliquer l'une ou plusieurs des mesures suivantes : / 1. Interdiction de recruter de nouveaux joueurs sous contrat (aspirants, apprentis, stagiaires, espoirs, professionnels, fédéraux). Cette interdiction peut être totale ou partielle (...) / 2. Recrutement contrôlé dans le cadre d'un budget prévisionnel ou d'une masse salariale prévisionnelle limitée (les contrats et avenants sont soumis avant homologation à une décision de la DNCG) / 3. Les mesures décrites aux paragraphes 1 et 2 sus-énoncés sont applicables pour toute la durée de la saison sportive considérée. Toutefois, à partir du 15 novembre de cette même saison, et pour les clubs des championnats professionnels et du championnat national, suite à l'examen du budget prévisionnel réactualisé, les commissions de contrôle : / - réexaminent les mesures initialement décidées pour confirmation, modification ou infirmation ; / - prennent une ou plusieurs de ces mesures pour les clubs qui n'en avaient pas fait l'objet précédemment mais dont la situation le nécessiterait. / 4. Rétrogradation sportive. / 5. Interdiction d'accession sportive. / 6. Exclusion des championnats nationaux. Cette mesure proposée par la DNCG est soumise à l'examen et à la décision du Conseil Fédéral pour les clubs présentant une situation financière particulièrement obérée et ne justifiant pas de perspectives significatives de redressement à moyen terme (...) ;
Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que l'équipe du club Association sportive d'origine arménienne (ASOA) de Valence, qui évoluait en championnat de France professionnel de football de Ligue 2, a, compte tenu de ses résultats sportifs, été rétrogradée en championnat national pour la saison 2004/2005, à l'issue de laquelle elle s'est classée deuxième ; que le club Entente Sannois Saint-Gratien, qui s'est classé quatrième à l'issue de ce même championnat et estime avoir été privé d'une chance sérieuse d'accéder en Ligue 2 à l'issue de ce championnat en raison de la participation du club ASOA de Valence, a demandé réparation à la LIGUE DE FOOTBALL PROFESSIONNEL et à la FEDERATION FRANÇAISE DE FOOTBALL du préjudice qu'il estime avoir subi à raison des fautes qu'auraient commises la Ligue et la Fédération pour avoir laissé le club ASOA de Valence participer au championnat national alors que celui-ci n'aurait pas respecté les critères financiers imposés par le règlement de ce championnat ;
Considérant que, pour condamner solidairement la LIGUE DE FOOTBALL PROFESSIONNEL et la FEDERATION FRANÇAISE DE FOOTBALL à verser au club Entente Sannois Saint-Gratien une somme de 500 000 euros en réparation du préjudice subi au titre de la perte de chance sérieuse de ce club d'accéder au championnat de France professionnel de Ligue 2, la cour administrative d'appel de Versailles, après avoir relevé que le club ASOA de Valence connaissait des difficultés financières sérieuses depuis plusieurs années et estimé que les autorités de contrôle de la Ligue et de la Fédération avaient pleine connaissance, dès la fin de l'année 2004, de la situation financière négative de ce club, des manoeuvres de dissimulation commises par le club afin de masquer l'ampleur du déficit financier et de l'absence de perspective significative de redressement, a jugé, par l'arrêt attaqué, que la direction nationale du contrôle de gestion, en s'abstenant de proposer l'exclusion du club ASOA de Valence du championnat national au plus tard à la fin de l'année 2004, c'est-à-dire au moment où la situation financière du club était clairement apparue dans toute sa gravité, avait commis une faute de nature à engager la responsabilité solidaire de la Ligue et de la Fédération ;
Considérant toutefois que l'article 11 précité de l'annexe à la convention passée entre la FEDERATION FRANÇAISE DE FOOTBALL et la LIGUE DE FOOTBALL PROFESSIONNEL laisse aux autorités compétentes de la Ligue et de la Fédération une latitude pour retenir la ou les mesures qui leur paraissent, parmi celles énumérées à cet article, les mieux à même de remédier, dans le but de garantir la continuité et l'équité des compétitions, à la situation financière dégradée d'un club sans porter une atteinte excessive au bon déroulement des compétitions ; que la mesure d'exclusion d'un championnat en cours de saison est, parmi celles prévues à l'article 11, la mesure qui, du fait de sa portée et de ses conséquences sur des compétitions déjà engagées, est la plus susceptible de porter atteinte au bon déroulement et à l'équité des compétitions ; qu'en reprochant, en l'état de ses constatations souveraines, à la direction nationale du contrôle de gestion de n'avoir pas proposé, dans le cours de la saison 2004/2005, une mesure aussi extrême, alors que cette direction avait pris des mesures à l'égard du club ASOA de Valence en le plaçant, au début de cette saison, sous recrutement contrôlé puis en lui interdisant, en novembre 2004, de procéder à de nouveaux recrutements, et en jugeant que le refus de proposer une mesure d'exclusion au plus tard en décembre 2004 était constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité de la Ligue et de la Fédération, la cour administrative d'appel de Versailles a inexactement qualifié les faits de l'espèce, alors même que l'examen de la situation financière du club ASOA de Valence à la fin de l'année 2004 avait permis d'établir que cette situation était très dégradée, qu'elle avait été pour partie dissimulée et qu'aucune perspective tangible de redressement n'était acquise ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la LIGUE DE FOOTBALL PROFESSIONNEL et la FEDERATION FRANÇAISE DE FOOTBALL sont fondées, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des pourvois, à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en ce que cet arrêt les a condamnées solidairement à verser au club Entente Sannois Saint-Gratien une indemnité de 500 000 euros ;
Considérant qu'il y a lieu de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la direction nationale du contrôle de gestion, en procédant avant le début de la saison 2004/2005 à l'examen de la situation financière du club ASOA de Valence, sous statut professionnel en dépit de sa relégation de Ligue 2 en championnat national, a décidé, après l'audition des dirigeants de ce club le 8 juin 2004, de placer celui-ci sous recrutement contrôlé en estimant, au vu des informations dont elle disposait à la date de cet examen, que la situation financière prévisionnelle du club serait légèrement positive ; que la direction nationale du contrôle de gestion, après que l'audition de ces mêmes dirigeants le 25 novembre 2004 eut fait apparaître que les perspectives de redressement précédemment évoquées ne s'étaient pas réalisées et que les charges du club étaient en forte augmentation, a interdit à celui-ci de recruter de nouveaux joueurs sous contrat ; que ces mesures ont été confirmées après une nouvelle audition des dirigeants du club le 16 décembre 2004 ; que le club ASOA de Valence, en dépit de sa situation financière délicate qui a conduit à la mise en oeuvre d'une procédure d'alerte devant le tribunal de commerce et à l'inscription de privilèges par des créanciers, n'a déposé son bilan qu'en août 2005 ; que le club a obtenu de bons résultats sportifs au cours de la saison 2004/2005, au terme de laquelle il s'est classé deuxième du championnat national, lesquels pouvaient donner crédit aux perspectives de redressement alléguées ;
Considérant, d'une part, qu'il n'apparaît pas, dans les circonstances de l'espèce, que la direction nationale du contrôle de gestion, en procédant à l'examen de la situation financière du club ASOA de Valence avant le début de la saison 2004/2005 et en décidant, le 8 juin 2004, de le placer sous recrutement contrôlé, aurait pris, en l'état des informations dont elle disposait, une mesure inadaptée à la situation financière de ce club et à l'intérêt des compétitions ; qu'elle n'a ainsi, ce faisant, pas commis de faute de nature à engager la responsabilité solidaire de la Ligue et de la Fédération ; que le club Entente Sannois Saint-Gratien n'est, dès lors, pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a refusé de reconnaître que la responsabilité de la Ligue et de la Fédération était engagée à raison du refus d'interdire, avant le début de la saison, au club ASOA de Valence de participer au championnat national au titre de 2004/2005 ;
Considérant, d'autre part, qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, la direction nationale du contrôle de gestion, en ne proposant pas d'exclure le club ASOA de Valence du championnat national durant le cours de la saison alors même que sa situation financière était très dégradée et que les perspectives de redressement étaient incertaines, n'a pas davantage commis de faute de nature à engager la responsabilité de la Ligue et de la Fédération ; que, dès lors, le club Entente Sannois Saint-Gratien n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a refusé de reconnaître que la responsabilité de la Ligue et de la Fédération était engagée à raison du refus d'exclure, au cours de la saison 2004-2005, le club ASOA de Valence du championnat national ;
Considérant, enfin, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la LIGUE DE FOOTBALL PROFESSIONNEL et de la FEDERATION FRANÇAISE DE FOOTBALL le versement au club Entente Sannois Saint-Gratien de la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du club Entente Sannois Saint-Gratien, au même titre, le versement d'une somme de 1 500 euros à la LIGUE DE FOOTBALL PROFESSIONNEL et d'une somme de 1 500 euros à la FEDERATION FRANÇAISE DE FOOTBALL ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 5 février 2009 de la cour administrative d'appel de Versailles est annulé.
Article 2 : La requête présentée à la cour administrative d'appel de Versailles par le club Entente Sannois Saint-Gratien et les conclusions présentées par ce club devant le Conseil d'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le club Entente Sannois Saint-Gratien versera une somme de 1 500 euros à la LIGUE DE FOOTBALL PROFESSIONNEL et une somme de 1 500 euros à la FEDERATION FRANÇAISE DE FOOTBALL au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la LIGUE DE FOOTBALL PROFESSIONNEL, à la FEDERATION FRANÇAISE DE FOOTBALL et au club Entente Sannois Saint-Gratien.