Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 décembre 2008 et 10 mars 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Nicole A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 15 octobre 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 15 décembre 2006 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à lui verser une somme de 1 000 000 euros en réparation des préjudices résultant des fautes commises lors de son hospitalisation à l'Hôpital Cochin le 18 décembre 2000 ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa requête d'appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Anissia Morel, auditeur,
- les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de Mme A,
- les conclusions de Mme Catherine de Salins, rapporteur public,
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de Mme A ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A, ayant ressenti le 18 décembre 2000 à 18 h 45 une violente douleur au mollet gauche, a contacté SOS médecins à 20 h 37 ; que le médecin qui s'est présenté à son domicile à 21 h 50, n'ayant pu établir un diagnostic précis, a décidé de la transférer à l'hôpital de secteur ; qu'admise aux urgences de l'hôpital Cochin à 22 h 45, la patiente a été examinée à 0 h par un médecin qui a posé le diagnostic d'ischémie aiguë avec paralysie sensitivo-motrice ; qu'elle a bénéficié à 1 h d'un traitement vasodilatateur et à 1 h 30 d'un traitement anticoagulant ; qu'en raison de l'impossibilité de pratiquer sur place une embolectomie, la décision a été prise de la transférer dans un centre spécialisé de chirurgie vasculaire ; qu'après s'être heurtée à plusieurs refus d'hôpitaux de la région parisienne, l'équipe de garde de l'hôpital Cochin a obtenu l'accord de l'hôpital Tenon où la patiente a été transférée à 2 h 47 et où elle a subi une embolectomie à 3 h 30 ; que la revascularisation artérielle est finalement intervenue à 4 h, soit neuf heures après le début des troubles ; que malgré cette opération qui a été suivie de deux autres, pratiquées les 19 et 27 décembre 2000, elle a dû être amputée de sa jambe gauche le 29 décembre 2000 ; que le recours indemnitaire de Mme A contre l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris a été rejeté par un jugement du 15 décembre 2006 du tribunal administratif de Paris ; que son appel a été rejeté par un arrêt du 15 octobre 2008 de la cour administrative d'appel de Paris contre lequel elle se pourvoit en cassation ;
Considérant que, pour juger que le retard apporté à l'administration d'un traitement anticoagulant n'avait pas fait perdre à la patiente une chance d'éviter l'amputation, la cour a relevé qu'en présence d'une ischémie sensitivo-motrice distale confirmée les traitements sont le plus souvent voués à l'échec et que l'administration immédiate d'anticoagulants n'aurait apporté aucune certitude de réussite quant à l'embolectomie qui s'est déroulée par la suite ; qu'en se fondant sur de tels motifs, qui impliquaient l'existence d'une possibilité, même limitée, d'efficacité du traitement, pour nier l'existence d'une quelconque perte de chance, la cour a commis une erreur de droit ; que son arrêt doit, par suite, être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris le versement à Mme A de la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par elle devant le Conseil d'Etat et non compris dans les dépens ; que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A, qui n'est pas la partie perdante, la somme que demande l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris au titre de ces mêmes dispositions ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 15 octobre 2008 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : L'Assistance publique-Hôpitaux de Paris versera à Mme A une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme Nicole A, à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris et à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris.