Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 janvier et 15 avril 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE CLAVANS EN HAUT-OISANS, représentée par son maire ; la COMMUNE DE CLAVANS EN HAUT-OISANS demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 042400050 du 15 novembre 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 20 novembre 2003, rectifié par une ordonnance du 26 novembre 2003, par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 12 décembre 2001 du maire de Clavans en Haut-Oisans refusant de mettre en oeuvre ses pouvoirs de police afin de supprimer les obstacles à la circulation des véhicules à moteur sur deux voies communales, enjoint au maire de mettre en demeure les riverains de ces deux voies de supprimer lesdits obstacles dans le délai d'un mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard et condamné la commune à verser à M. et Mme A une indemnité de 1 500 euros en réparation des troubles dans leurs conditions d'existence ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel ;
3°) de mettre à la charge de M. et Mme A la somme de 6 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de la voirie routière ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Emmanuel Vernier, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la COMMUNE DE CLAVANS EN HAUT-OISANS et de Me Le Prado, avocat de M. A,
- les conclusions de M. Jean-Philippe Thiellay, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la COMMUNE DE CLAVANS EN HAUT-OISANS et à Me Le Prado, avocat de M. A ;
Considérant que M. et Mme A, propriétaires d'un chalet situé à Clavans en Haut-Oisans (Isère), ont demandé au maire de la commune d'user de son pouvoir de police pour faire libérer de tous obstacles et empiètements deux voies communales permettant d'accéder à leur terrain depuis la route départementale n° 25 ; que le maire a rejeté cette demande par décision du 12 janvier 2001 ; que, par un jugement du 20 novembre 2003, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cette décision, enjoint au maire de mettre en demeure les riverains des deux voies de supprimer les obstacles et empiètements et condamné la commune à verser à M. et Mme A une indemnité de 1 500 euros en réparation des troubles qu'ils avaient subis dans leurs conditions d'existence ; que la COMMUNE DE CLAVANS EN HAUT-OISANS se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 15 novembre 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête tendant à l'annulation de ce jugement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juges du fond que, si le chalet des époux A n'est pas directement situé sur les voies communales litigieuses, les intéressés ne pouvaient, à la date de la décision qu'ils contestaient, y avoir accès qu'en empruntant ces voies ; que la circonstance, alléguée par la commune devant les juges du fond, que le chalet avait été reconstruit sans autorisation à la suite de sa destruction par une avalanche en 1981 n'était pas de nature à les faire regarder comme ne justifiant pas d'un intérêt pour agir à l'encontre de la décision du maire ; qu'en leur reconnaissant un tel intérêt, la cour n'a pas entaché sa décision d'une erreur de qualification juridique ; que la COMMUNE DE CLAVANS EN HAUT-OISANS ne peut utilement invoquer pour la première fois en cassation la circonstance, d'ailleurs postérieure à la décision du maire, qu'un jugement du 9 septembre 2004 du tribunal de grande instance de Grenoble aurait reconnu à M. et Mme A un droit de passage sur la propriété d'un voisin ;
Considérant qu'en jugeant qu'il appartenait au maire, nonobstant le choix de la commune de consacrer principalement les voies litigieuses à la circulation des piétons, de respecter le droit des riverains des voies publiques de bénéficier d'une desserte correcte de leurs habitations, y compris en voiture, la cour administrative d'appel n'a pas dénaturé les éléments qui lui étaient soumis et n'a pas commis d'erreur de droit ; que si la commune soutient que la cour a dénaturé les pièces du dossier en jugeant que les voies litigieuses avaient connu par le passé une circulation automobile, il ressort des motifs de sa décision qu'elle a seulement estimé, par une appréciation exempte de dénaturation, qu'avant la mise en place des obstacles, les voies étaient susceptibles d'être empruntées par des automobiles ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 112-2 du code de la voirie routière : " L'alignement est la détermination par l'autorité administrative de la limite du domaine public routier au droit des propriétés riveraines. Il est fixé soit par un plan d'alignement, soit par un alignement individuel. / Le plan d'alignement, auquel est joint un plan parcellaire, détermine après enquête publique la limite entre voie publique et propriétés riveraines. / L'alignement individuel est délivré au propriétaire conformément au plan d'alignement s'il en existe un. En l'absence d'un tel plan, il constate la limite de la voie publique au droit de la propriété riveraine " ; qu'aux termes de l'article L. 116-1 du même code : " La répression des infractions à la police de la conservation du domaine public routier est poursuivie devant la juridiction judiciaire sous réserve des questions préjudicielles relevant de la compétence de la juridiction administrative " ;
Considérant qu'en l'absence même d'un plan d'alignement, il appartient au maire, dans l'exercice de ses pouvoirs de police, de prendre les mesures nécessaires pour mettre fin à un empiètement sur la voie publique ; que si un élément immobilier vient à être construit au-delà de ce qui était auparavant la limite de fait de la voie, le maire peut, le cas échéant à la suite d'une mise en demeure de le démolir non suivie d'effet, faire dresser procès-verbal d'une contravention de voirie afin de mettre l'autorité judiciaire en mesure d'ordonner la démolition ; qu'ainsi, après avoir souverainement estimé que les pièces du dossier établissaient l'existence d'empiètements sur les voies litigieuses, constitués notamment par un portillon, une murette et des éléments de bâtiment en saillie ou en surplomb sur l'emprise de ces voies, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant qu'il appartenait au maire de faire usage de ses pouvoirs de police afin qu'il soit mis fin à cette situation ; qu'elle n'était pas tenue de répondre aux conclusions de la commune tendant à ce que le jugement de l'affaire fût différé dans l'attente de l'élaboration d'un plan d'alignement ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE CLAVANS EN HAUT-OISANS n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt du 15 novembre 2007 de la cour administrative d'appel de Lyon ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les frais exposés par la COMMUNE DE CLAVANS EN HAUT-OISANS et non compris dans les dépens soient mis à la charge de M. et Mme A qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la commune le versement à M. et Mme A de la somme qu'ils demandent à ce titre ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la COMMUNE DE CLAVANS EN HAUT-OISANS est rejeté.
Article 2 : Les conclusions de M. et Mme A tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE CLAVANS EN HAUT-OISANS et à M. et Mme Jean-Pierre A.