Vu la requête et les mémoires complémentaires, enregistrés le 7 septembre 2009, le 18 septembre 2009 et le 9 mars 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Chaarbane A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 2 juillet 2009 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision de l'ambassadeur de France aux Comores refusant un visa d'entrée et de court séjour en France à sa mère, Mme Achata B, en qualité d'ascendante d'un ressortissant français ;
2°) d'enjoindre au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de faire délivrer à Mme B le visa de court de séjour sollicité ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Yves Doutriaux, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP De Chaisemartin, Courjon, avocat de M. A,
- les conclusions de M. Frédéric Lenica, Rapporteur public,
La parole ayant à nouveau été donnée à la SCP De Chaisemartin, Courjon, avocat de M. A ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, pour rejeter, par décision en date du 2 juillet 2009, le recours de M. A contre la décision du consul général de France aux Comores refusant à sa mère, Mme Achata B, un visa d'entrée et de court séjour sur le territoire français en qualité d'ascendant d'un ressortissant français, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur l'insuffisance des ressources de Mme B et de celles de son fils pour financer le séjour de l'intéressée en France ;
Considérant qu'aux termes de l'article 5 du règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 : 1. Pour un séjour n'excédant pas trois mois sur une période de six mois, les conditions d'entrée pour les ressortissants de pays tiers sont les suivantes : (...) c) justifier l'objet et les conditions du séjour envisagé, et disposer des moyens de subsistance suffisants, tant pour la durée du séjour envisagé que pour le retour dans le pays de d'origine ou le transit vers un pays tiers dans lequel leur admission est garantie, ou être en mesure d'acquérir légalement ces moyens (...) ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'obtention d'un visa de court séjour est subordonnée à la condition que le demandeur justifie à la fois de sa capacité à retourner dans son pays d'origine et de moyens de subsistance suffisants pendant son séjour ; qu'il appartient au demandeur de visa dont les ressources personnelles ne lui assurent pas ces moyens d'apporter la preuve de ce que les ressources de la personne qui l'héberge et qui s'est engagée à prendre en charge ses frais de séjour au cas où il n 'y pourvoirait pas sont suffisantes pour ce faire ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B ne justifie pas de ressources personnelles permettant de financer son séjour en France ; que son fils, M. A, disposait à la date à laquelle la commission a rejeté la demande de visa d'un revenu mensuel d'environ 1 200 euros, avec trois enfants à charge ; qu'il soutient percevoir des allocations familiales et a fait valoir que ses revenus ont augmenté de façon pérenne à partir de juillet 2009 ; qu'il suit de là, qu'en se fondant sur l'insuffisance des ressources de M. A pour justifier la décision de refus d'octroi du visa sollicité, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation ;
Considérant il est vrai que, pour établir que la décision attaquée était légale, le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire invoque, dans son mémoire en défense communiqué à M.A, un autre motif, tiré du risque de détournement de l'objet du visa, Mme B ayant fait part aux services consulaires, lors du dépôt de sa demande de visa le 18 février 2008, de son souhait de suivre des soins médicaux en France ; que cependant le ministre ne justifie pas cette allégation alors qu'aucun autre élément du dossier ne permet de présumer que Mme B, qui n'est pas isolée aux Comores ainsi que l'a relevé la commission, aurait l'intention de venir s'établir en France ; qu'il n'y a dès lors pas lieu de procéder à la substitution demandée ;
Considérant qu'il suit de là, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M.A est fondé à demander l'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, pour le Conseil d'Etat, d'ordonner au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration de faire délivrer à Mme B le visa de court séjour qu'elle demande, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision ;
Considérant que M. A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de M. A, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SCP de Chaisemartin, Courjon de la somme de 2 500 euros ;
D E C I D E :
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Article 1er : La décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en date du 2 juillet 2009 est annulée.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration de faire délivrer à Mme B un visa d'entrée et de court séjour en France dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision.
Article 3 : L'Etat versera à la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de M. A, une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Chaarbane A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.