Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 février et 10 mai 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. François A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 09NT01195 du 18 décembre 2009 de la cour administrative d'appel de Nantes en tant que, par cet arrêt, la cour, statuant sur renvoi après cassation par le Conseil d'Etat de son arrêt n° 05NT00843 du 19 février 2007, après l'avoir déchargé des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à sa charge au titre des années 1997, 1998 et 1999 correspondant à la réintégration dans les bénéfices agricoles de son exploitation des amortissements déduits au titre de quatre chevaux, a rejeté le surplus de ses conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à sa charge au titre des années 1997, 1998 et 1999 correspondant à la réintégration dans les bénéfices agricoles de son exploitation des amortissements déduits au titre des autres chevaux restant en litige ainsi que des pénalités correspondantes ;
2°) réglant l'affaire au fond dans cette mesure, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Anne Egerszegi, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Odent, Poulet, avocat de M. A,
- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Odent, Poulet, avocat de M. A,
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges de fond que M. A, qui exerce une activité de propriétaire de juments en vue de la reproduction ainsi que d'éleveur et d'entraîneur de chevaux de course, pour laquelle il est soumis à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices agricoles, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les années 1997, 1998 et 1999 ; qu'à l'issue de cette vérification, l'administration fiscale a remis en cause les amortissements déduits par le contribuable de ses bénéfices agricoles au titre de l'inscription en compte d'immobilisations de soixante-quatre chevaux, au motif que ces chevaux ne remplissaient pas les conditions énoncées par le II de l'article 38 sexdecies D de l'annexe III au code général des impôts pour être regardés comme des immobilisations; que, par un arrêt du 19 février 2007, la cour administrative d'appel de Nantes a partiellement fait droit à l'appel formé par M. A contre le jugement du 3 mai 2005 du tribunal administratif de Caen rejetant sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu ainsi que des pénalités correspondantes auxquelles il a été assujetti à la suite de ce redressement et l'a déchargé, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à sa charge au titre des années vérifiées en conséquence de la réintégration dans les bénéfices agricoles des amortissements déduits pour quinze poulinières et six chevaux de course et, d'autre part, de la totalité des pénalités de mauvaise foi ; que, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et M. A ayant formé un pourvoi contre cet arrêt pour la partie leur faisant respectivement grief, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, par une décision n° 305360 du 29 avril 2009, après avoir rejeté le pourvoi du ministre, a annulé cet arrêt en tant qu'il rejetait le surplus des conclusions du contribuable et a renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Nantes ; que M. A se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 18 décembre 2009 en tant que, par cet arrêt, la cour administrative d'appel de Nantes, statuant sur renvoi après cassation de son arrêt du 19 février 2007, après avoir prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mis à sa charge au titre des années 1997, 1998 et 1999 résultant de la requalification comptable d'un cheval de course et de trois poulinières, a rejeté le surplus de ses conclusions ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;
Considérant qu'aux termes du II de l'article 38 sexdecies D de l'annexe III au code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : Peuvent être considérés comme des immobilisations amortissables les équidés (...) affectés exclusivement à la reproduction ainsi que les chevaux de course mis à l'entraînement et âgés de deux ans au moins au sens de la réglementation des courses. Lorsque l'exploitant est assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, l'application de cette disposition est subordonnée à la condition qu'il exerce le même choix pour l'établissement de cette taxe. Tous les autres animaux, y compris ceux nés dans l'exploitation, sont obligatoirement compris dans les stocks ; que, par un arrêt du 29 avril 2009, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a jugé illégale la condition tenant à l'identité de traitement en matière de taxe sur la valeur ajoutée ; que, dès lors, l'exercice de l'option en faveur de l'inscription d'équidés en compte d'immobilisations n'est subordonné qu'à la condition que leur propriétaire apporte la preuve, par tous moyens, de leur affectation exclusive à la reproduction ou, s'agissant des chevaux de course, de leur mise effective à l'entraînement ;
Considérant qu'en jugeant que, alors même que des chevaux de course âgés de deux ans au moins avaient été effectivement entraînés pour la course par M. A, ces chevaux ne pouvaient néanmoins être regardés comme des immobilisations amortissables au motif qu'ils avaient été systématiquement vendus sans avoir effectué une course publique susceptible de procurer des recettes à leur propriétaire-entraîneur, la cour a commis une erreur de droit ; que, dès lors, M. A est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il refuse la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu mis à sa charge au titre des années 1997 à 1999, en conséquence de la réintégration, dans ses bénéfices agricoles, des amortissements déduits pour trente-cinq chevaux ;
Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire ; qu'il y a lieu, par suite, de régler l'affaire au fond ;
Considérant que les premiers juges se sont prononcés sur le moyen tiré de l'illégalité des dispositions de l'article 38 sexdecies D de l'annexe III au code général des impôts dans sa rédaction alors en vigueur ; que le jugement, qui est suffisamment motivé, n'est entaché d'aucune contradiction de motifs ;
Considérant, qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il incombe au contribuable ayant exercé l'option prévue par le II de l'article 38 sexdecies D de l'annexe III au code général des impôts en faveur de la comptabilisation d'équidés en immobilisations amortissables de justifier par tous moyens de leur affectation exclusive à la reproduction ou de leur mise à l'entraînement ; que M. A établit par les pièces qu'il produit, notamment par les relevés informatiques émis par l'association France Galop, que les chevaux Antique Mist, Gymnastique II, Silveration, Imperia II, Italiana, Saint-Yorre, Safari Paradise, Juliana II, Jacopo, Joli Baba, Tip Tonic, Southern Ocean, Sun Sea, Lorraine Bleue, Lady Jeanne, Global Express et Londream ont tous pris part à des courses hippiques, en France ou à l'étranger, dans un délai compris entre une semaine et trois mois suivant leur vente ou leur revente par le contribuable ; qu'ainsi, et alors même que ces chevaux n'ont pas pris part à des compétitions publiques au cours de la période pendant laquelle le contribuable en était le propriétaire, ce dernier doit être regardé comme apportant la preuve, eu égard à la brièveté du délai séparant leur vente ou leur revente de leur engagement dans des compétitions, de leur mise effective à l'entraînement ; que cette condition est également remplie s'agissant du cheval de course L'Elégant Bleu, que M. A justifie avoir engagé dans une compétition le 22 juin 1997, avant qu'il ne soit vendu le 10 juillet suivant ; que, si le contribuable doit être regardé comme apportant la preuve de la mise à l'entraînement effective de ces dix-huit chevaux, tel n'est pas le cas pour les seize autres chevaux, eu égard, soit au délai séparant leur vente ou leur revente de leur exploitation en course, qui peut aller jusqu'à trois ans, soit à l'absence de toute participation à des courses publiques postérieurement à leur revente ; que, par suite, M. A est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu qui ont été mises à sa charge au titre des années 1997 à 1999 en raison de la réintégration dans ses bénéfices agricoles des amortissements relatifs aux dix-huit chevaux qui ont été énumérés ci-dessus, ainsi que des pénalités correspondantes ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros à verser à M. A au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 18 décembre 2009 est annulé en tant qu'il refuse la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes mis à la charge de M. A au titre des années 1997 à 1999, en conséquence de la réintégration, dans ses bénéfices agricoles, des amortissements déduits pour trente-cinq chevaux.
Article 2 : M. A est déchargé des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu ainsi que des pénalités correspondantes mises à sa charge au titre des exercices 1997, 1998 et 1999 en conséquence de la réintégration dans ses bénéfices agricoles des amortissements déduits pour les dix-huit chevaux énumérés dans les motifs de la présente décision.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Caen du 3 mai 2005 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : L'Etat versera une somme de 3 000 euros à M. A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions présentées par M. A dans l'ensemble de l'instance est rejeté.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. François A et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.