Vu, 1° sous le n° 344970, le jugement n° 1002194 du 13 décembre 2010, enregistré le 13 décembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par lequel le tribunal administratif de Montpellier, avant de statuer sur la demande de Mme Nathalie B tendant à l'annulation de la décision du 6 avril 2010 par laquelle le directeur de la caisse d'allocations familiales de Montpellier n'a fait que partiellement droit à sa demande de remise d'un indu de 589,36 euros de revenu de solidarité active, a décidé, par application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen les questions suivantes :
1- Le bénéficiaire d'un trop-perçu de revenu de solidarité active qui exerce, à la suite d'une demande de reversement, un recours gracieux auprès du président du conseil général du département afin d'obtenir une remise ou une réduction de dette, sans contester le bien-fondé de la créance résultant du paiement indu, doit-il être regardé comme ayant, par cette demande, formé le recours préalable obligatoire prévu à l'article L. 262-47 du code de l'action sociale et des familles, ou bien la décision prise sur cette demande gracieuse constitue-t-elle une décision relative au revenu de solidarité active, au sens des mêmes dispositions, elle-même soumise à l'obligation de former un recours administratif préalable obligatoire, qui s'exercera également auprès du président du conseil général du département '
2- Lorsque le juge administratif de droit commun est régulièrement saisi d'un recours dirigé contre une décision refusant ou n'accordant que partiellement une remise de dette à la suite d'un indu de revenu de solidarité active, quelle est alors l'étendue du contrôle qu'il exerce sur l'appréciation portée par le président du conseil général exerçant son pouvoir de remise ou de réduction prévu au neuvième alinéa de l'article L. 262-46 du code de l'action sociale et des familles '
.......................................................................................
Vu, 2° sous le n° 345827, le jugement n° 1003665 du 23 décembre 2010, enregistré le 17 janvier 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par lequel le tribunal administratif d'Orléans, avant de statuer sur la demande de M. Abdelhamid A tendant à l'annulation d'une décision du 25 octobre 2010 par laquelle le directeur de la caisse d'allocations familiales de Touraine a rejeté sa demande de remise gracieuse d'une dette de 806,25 euros résultant d'un trop-perçu de revenu de solidarité active, a décidé, par application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen les questions suivantes :
1- Si le législateur n'a pas entendu que les recours portés devant les juridictions administratives de droit commun soient d'une autre nature que celle de recours de plein contentieux reconnue par la jurisprudence aux recours précédemment portés devant les commissions départementales d'aide sociale en matière de revenu minimum d'insertion, en va-t-il de même pour les demandes de remises gracieuses de dettes résultant d'un trop-perçu de revenu de solidarité active, alors que le tribunal administratif, qui n'a pas, contrairement aux juridictions de l'aide sociale, la seule qualité de juge de plein contentieux, pourrait connaître de ce type de litige en qualité de juge de l'excès de pouvoir comme c'est le cas dans d'autres matières '
2- La demande de remise gracieuse peut-elle être assimilée au recours administratif préalable que l'article L. 262-47 du code de l'action sociale et des familles rend obligatoire, ou l'intéressé doit-il former un tel recours au vu de la décision prise par le président du conseil général sur sa demande '
3- La décision de remise gracieuse prévue par l'article L. 262-46 du code de l'action sociale et des familles et celle prise à la suite du recours administratif préalable prévu par l'article L. 262-47 du même code entrent-elles dans le champ des compétences qui peuvent être déléguées dans le cadre de la convention mentionnée à l'article L. 262-25 de ce code '
...........................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code de l'action sociale et des familles, modifié notamment par la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 ;
Vu le code de justice administrative, notamment son article L. 113-1 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean Lessi, Auditeur,
- les conclusions de Mme Claire Landais, rapporteur public ;
REND L'AVIS SUIVANT :
1. Sur l'étendue des compétences pouvant être déléguées dans le cadre de la convention de gestion mentionnée à l'article L. 262-25 du code de l'action sociale et des familles :
Le second alinéa de l'article L. 262-13 du code de l'action sociale et des familles dispose : Le conseil général peut déléguer l'exercice de tout ou partie des compétences du président du conseil général en matière de décisions individuelles relatives à l'allocation aux organismes chargés du service du revenu de solidarité active mentionnés à l'article L. 262-16. Il résulte du I de l'article L. 262-25 du même code que les conventions conclues entre les départements, d'une part, et les caisses d'allocations familiales ainsi que les caisses de mutualité sociale agricole chargées du service du revenu de solidarité active, d'autre part, précisent en particulier (...) 3° La liste et les modalités d'exercice et de contrôle des compétences déléguées, le cas échéant, par le département aux organismes mentionnés à l'article L. 262-16 .
Il résulte de ces dispositions que le législateur n'a pas entendu limiter la nature et le nombre des compétences du président du conseil général en matière de décisions individuelles relatives à l'allocation de revenu de solidarité active susceptibles d'être déléguées par le conseil général aux organismes chargés du service de cette allocation. Il en va ainsi, notamment, de la compétence pour statuer sur les demandes de remise de créances relevant de financements départementaux. La compétence dévolue au président du conseil général pour se prononcer sur le recours administratif préalable obligatoire formé contre une décision relative à l'allocation de revenu de solidarité active, qui conduit cette autorité à prendre une nouvelle décision se substituant à la décision contestée, est, de même, au nombre des prérogatives susceptibles d'être concernées par cette délégation.
2. Sur la portée de l'exigence d'un recours administratif préalable obligatoire en matière de remise ou de réduction d'indu d'allocation de revenu de solidarité active :
L'article L. 262-47 du code de l'action sociale et des familles dispose : Toute réclamation dirigée contre une décision relative au revenu de solidarité active fait l'objet, préalablement à l'exercice d'un recours contentieux, d'un recours administratif auprès du président du conseil général. Ce recours est, dans les conditions et limites prévues par la convention mentionnée à l'article L. 262-25, soumis pour avis à la commission de recours amiable qui connaît des réclamations relevant de l'article L. 142-1 du code de la sécurité sociale. (...) .
D'une part, le bénéficiaire du revenu de solidarité active à qui une décision de récupération de sommes indûment perçues au titre de cette allocation a été notifiée, en application de l'article L. 262-46 du code de l'action sociale et des familles, peut entendre contester en tout ou partie le caractère indu des montants correspondants. Conformément aux dispositions de l'article L. 262-47 du même code, applicables aux décisions prises par le président du conseil général ou par délégation de celui-ci - et non à celles qui le sont, au nom de l'Etat, par l'organisme chargé du service du revenu de solidarité active - il appartient alors au bénéficiaire de saisir préalablement le président du conseil général d'un recours administratif, avant de demander, le cas échéant, au juge administratif l'annulation de la décision prise sur ce recours.
D'autre part, en vertu du neuvième alinéa de l'article L. 262-46, le bénéficiaire peut, alors même qu'il n'en contesterait pas le principe ou la quotité, demander que cette créance soit remise ou réduite par le président du conseil général ou l'organisme chargé du service du revenu de solidarité active pour le compte de l'Etat, en considération de la précarité de sa situation et de sa bonne foi. Eu égard à l'objet de cette demande, il doit être regardé, ce faisant, comme saisissant l'autorité administrative d'une réclamation dirigée contre une décision relative au revenu de solidarité active, au sens des dispositions de l'article L. 262-47.
Il suit de là que, lorsque l'examen de la demande de remise ou de réduction - soumise le cas échéant pour avis à la commission de recours amiable de l'organisme chargé du service de l'allocation - ressortit à la compétence du président du conseil général, aucune irrecevabilité ne saurait être opposée au recours contentieux exercé contre la décision prise sur cette demande au motif que le bénéficiaire n'aurait pas, préalablement, exercé le recours administratif prévu à ce même article L. 262-47 auprès de cette même autorité.
3. Sur la nature et le degré du contrôle exercé par le juge sur les décisions rendues sur des demandes de remise ou de réduction d'indu :
En confiant, par la loi du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion, le contentieux né de la contestation des décisions relatives au revenu de solidarité active aux juridictions administratives de droit commun, le législateur n'a pas entendu que les recours portés devant ces dernières soient d'une autre nature que celle de recours de plein contentieux reconnu par la jurisprudence aux recours précédemment portés devant les commissions départementales d'aide sociale en matière de revenu minimum d'insertion. Au demeurant, le juge administratif de droit commun se trouve saisi, comme l'étaient les commissions départementales, de questions qui justifient, par leur nature, qu'il dispose de pouvoirs excédant ceux d'un juge de l'annulation pour excès de pouvoir.
Il en résulte qu'il appartient au tribunal administratif, saisi d'une demande dirigée contre une décision refusant ou ne faisant que partiellement droit à une demande de remise ou de réduction d'indu, non seulement d'apprécier la légalité de cette décision, mais aussi de se prononcer lui-même sur la demande en recherchant si, au regard des circonstances de fait existant à la date de sa propre décision, la situation de précarité du débiteur et sa bonne foi justifient que lui soit accordée une remise ou une réduction supplémentaire. Pour l'examen de ces deux conditions, le juge est ainsi conduit à substituer sa propre appréciation à celle de l'administration.
Le présent avis sera notifié au tribunal administratif de Montpellier, au tribunal administratif d'Orléans, à Mme Nathalie B, à M. Abdelhamid A, au département de l'Hérault, au département d'Indre-et-Loire, à la caisse d'allocations familiales de Touraine et à la ministre des solidarités et de la cohésion sociale.