Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 mai et 26 août 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme François A, demeurant au ... ; M. et Mme A demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'article 4 de l'arrêt n° 07MA03002 du 25 mars 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille, après les avoir déchargés de la fraction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales pour l'année 2001 procédant des rehaussements apportés aux bénéfices industriels et commerciaux de Mme A, a rejeté le surplus des conclusions de leur requête tendant à l'annulation du jugement du 24 mai 2007 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté leur demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qui leur ont été assignées au titre des années 2000 et 2001 ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Romain Victor, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Gadiou, Chevallier, avocat de M. et Mme A,
- les conclusions de M. Edouard Geffray, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Gadiou, Chevallier, avocat de M. et Mme A ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité de l'activité d'exploitante d'une discothèque exercée par Mme A et d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de M. et Mme A, l'administration a assujetti ces derniers à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2000 et 2001 ; que le tribunal administratif de Bastia a rejeté, par un jugement du 24 mai 2007, leur demande en décharge de ces cotisations ; que, par un arrêt du 25 mars 2010, la cour administrative d'appel de Marseille, après avoir accordé la décharge de la fraction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles M. et Mme A avaient été assujettis au titre de l'année 2001 procédant des rehaussements apportés aux bénéfices industriels et commerciaux de Mme A, a rejeté le surplus de leurs conclusions d'appel ; que M. et Mme A se pourvoient en cassation contre cet arrêt en tant qu'il n'a pas fait entièrement droit à leur requête ; que, par la voie du pourvoi incident, le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat demande l'annulation des articles 1er, 2 et 3 de l'arrêt par lesquels la cour a déchargé, en droits et pénalités, M. et Mme A dans la mesure précisée ci-dessus ;
Sur le pourvoi principal de M. et Mme A :
Considérant qu'en application de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, l'administration peut demander au contribuable " des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés " ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration " ; que, dans sa version remise aux contribuables avec l'avis de vérification qui leur a été adressé le 6 janvier 2003, la charte des droits et obligations du contribuable vérifié prévoyait les dispositions suivantes : " Dans le cadre de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle (ESFP), le dialogue joue également un rôle très important tout au long de la procédure. Il vous permet de présenter vos explications sur les discordances relevées par le vérificateur à partir des informations dont il dispose " ; qu'il ne résulte pas de ces dispositions que le vérificateur était tenu, avant d'avoir recours à la procédure prévue par les dispositions précitées de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, d'engager avec le contribuable un dialogue sur les discordances relevées par lui ; que, dès lors, la cour administrative d'appel de Marseille n'a commis aucune erreur de droit en jugeant qu'aucune disposition de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, dans sa version applicable aux opérations de contrôle dont M. et Mme A ont fait l'objet, n'imposait au vérificateur, préalablement à l'envoi d'une demande d'éclaircissements ou de justifications, d'engager avec ces derniers un dialogue portant sur les discordances relevées par lui ; que, par ailleurs, en jugeant que le dialogue contradictoire exigé par les dispositions des articles L. 47 à L. 50 du livre des procédures fiscales avait eu lieu entre M. et Mme A et le vérificateur avant la notification de redressements, la cour a porté sur les faits qui lui étaient soumis une appréciation souveraine non susceptible d'être discutée devant le juge de cassation ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme A ont indiqué dans leur réponse en date du 8 août 2003 à la demande de justifications du 19 juin 2003 que, sur le compte bancaire n° 06321171156 dont ils disposaient à la Banque Populaire Provençale et Corse, étaient reçus les paiements en espèces de la clientèle de la discothèque exploitée par Mme A et était également conservée la totalité des économies personnelles du foyer ; qu'en jugeant que l'attestation bancaire produite par M. et Mme A, établie postérieurement aux opérations de contrôle réalisées en 2003, selon laquelle ce compte bancaire présentait un caractère professionnel, ne remettait pas en cause la constatation faite par le vérificateur que, sur ce compte, qui recevait les paiements en espèces de la clientèle de la discothèque, était également conservée la totalité des économies personnelles du foyer, la cour n'a pas dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis ;
Considérant, en troisième lieu, que si l'administration, pour établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés, est fondée à se référer notamment aux sommes inscrites au crédit des comptes bancaires personnels ou des comptes bancaires " mixtes " retraçant indistinctement l'activité professionnelle du contribuable et les mouvements de fonds étrangers à cette activité, elle ne peut prendre en considération les crédits apparaissant sur des comptes bancaires retraçant exclusivement des opérations résultant de l'exercice de la profession ; qu'elle n'est pas tenue, préalablement à l'envoi d'une demande de justification relative à un compte " mixte ", d'établir l'existence d'une confusion des patrimoines personnel et professionnel du contribuable ; que la cour n'a ainsi commis aucune erreur de droit en jugeant que le vérificateur avait pu adresser une demande de justifications à M. et Mme A relative aux crédits figurant sur le compte bancaire mixte n° 06321171156, sans rechercher si le vérificateur avait établi, préalablement à l'envoi de sa demande de justifications, la confusion des patrimoines personnel et professionnel de M. et Mme A ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme A ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'article 4 de l'arrêt attaqué ;
Sur le pourvoi incident du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le vérificateur a rattaché par erreur aux achats effectués au cours de l'année 2001 une cinquantaine de factures datées de l'année 2002 ; qu'en jugeant que le rattachement à l'année 2001 de nombreuses factures de l'année 2002, qui se rapportaient à des quantités importantes d'achats de boissons, était par lui-même de nature à vicier de façon radicale les deux méthodes de reconstitution des recettes de l'année 2001 mises en oeuvre par le vérificateur, alors que l'erreur matérielle commise ne remettait pas en cause le raisonnement suivi pour élaborer ces deux méthodes de reconstitution de recettes, la cour a commis une erreur de qualification juridique ; que, par suite, le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il a déchargé M. et Mme A de la fraction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2001 procédant des rehaussements apportés aux bénéfices industriels et commerciaux de Mme A, ainsi que des pénalités correspondantes ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demandent M. et Mme A au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de M. et Mme A est rejeté.
Article 2 : Les articles 1er, 2 et 3 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 25 mars 2010 sont annulés.
Article 3 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Marseille.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme François A et à la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.