Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 octobre 2009 et 4 janvier 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Sessinou B, demeurant ..., et Mme Joséphine Bahouncole épouse B, élisant domicile chez M. Sessinou B, son fils ; les consorts B demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours de Mme B dirigé contre la décision du 1er octobre 2009 du consul général de France à Cotonou (Bénin) lui refusant un visa de long séjour temporaire de 6 mois en qualité d'ascendante à charge de ressortissant français ;
2°) d'enjoindre, à titre principal, aux autorités compétentes de délivrer le visa sollicité, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de réexaminer la demande de visa de Mme B dans un délai de 15 jours à compter de la décision à intervenir et de lui rembourser les droits de chancellerie dont elle s'est acquittée le 10 août 2009 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Sophie Roussel, Auditeur,
- les observations de la SCP Coutard, Mayer, Munier-Appaire, avocat de Mme B ;
- les conclusions de M. Mattias Guyomar, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Coutard, Mayer, Munier-Appaire, avocat de Mme B ;
Considérant que les consorts B demandent au Conseil d'Etat d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours de Mme B dirigé contre la décision du 1er octobre 2009 du consul général de France à Cotonou (Bénin) lui refusant un visa de long séjour temporaire de 6 mois en qualité d'ascendante à charge de ressortissant français ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant, en premier lieu, qu'à l'appui de sa demande de visa de long séjour, Mme B a produit une attestation d'accueil de son fils, accompagnée d'un engagement de prendre en charge ses frais de séjour au cas où elle n'y pourvoirait pas et validée par le maire de la commune de Noisy-le-Grand ; que si les ressources propres de la requérante ne lui permettaient pas de justifier de moyens de subsistance suffisants pour son séjour en France, il n'est pas allégué que M. B serait dans l'incapacité de pourvoir effectivement à ses frais de séjour ; qu'ainsi, en refusant à Mme B le visa demandé au motif qu'elle ne pouvait être regardée comme disposant des ressources suffisantes pour financer un séjour de six mois en France, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a commis une erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : / (...) 2° A l'enfant étranger d'un ressortissant de nationalité française (...) ainsi qu'aux ascendants d'un tel ressortissant et de son conjoint qui sont à sa charge ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'un jugement du tribunal de grande instance de Bobigny du 2 juillet 2009, devenu définitif, a constaté que Mme B était dans le besoin et a prévu le versement par son fils, Sessinou B, ressortissant français, d'une pension alimentaire mensuelle, dont il a fixé le montant ; qu'il n'appartient pas à l'administration ni au juge administratif de remettre en cause une décision du juge judicaire passée en force de chose jugée ; que, dès lors, en refusant la qualité d'ascendante à charge de ressortissant français à Mme B au motif que cette dernière n'était pas à la charge de son fils français, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les consorts B sont fondés à demander l'annulation de la décision attaquée ;
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
Considérant qu'eu égard aux motifs de la présente décision, il y a lieu pour le Conseil d'Etat d'enjoindre au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration de délivrer le visa demandé dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision ; qu'en revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions à fin de remboursement :
Considérant que Mme B demande le remboursement des frais de dossier qu'elle estime avoir indûment acquittés à l'occasion de sa demande de visa, le 10 août 2009, sans toutefois en préciser le montant ; que toutefois en sa qualité de ressortissante béninoise, elle ne peut prétendre à la gratuité des frais de dossier pour l'instruction d'une demande de visa en tant qu'ascendante à charge de ressortissant français ; que, par suite, les conclusions à fin de remboursement des consorts B doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que la présente instance n'a entraîné pour les consorts B aucune charge susceptible d'être incluse dans les dépens ; que leurs conclusions tendant au remboursement des dépens ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ;
Considérant que Mme B a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SCP Coutard, Mayer, Munier-Appaire de la somme de 1 500 euros, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat ;
D E C I D E :
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Article 1er : La décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours dirigé contre la décision du 1er octobre 2009 par laquelle le consul général de France à Cotonou a refusé de délivrer un visa de long séjour temporaire à Mme B est annulée.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration de faire délivrer à Mme B un visa d'entrée et de long séjour temporaire de six mois dans un délai d'un mois à compter de la présente décision.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à la SCP Coutard, Mayer, Munier-Appaire, avocat de Mme B, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Sessinou B, à Mme Joséphine Bahouncole épouse B et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.