Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 mars et 22 juin 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'ORDRE DES AVOCATS AU BARREAU DE PARIS, dont le siège est 11, place Dauphine à Paris Cedex 01 (75053) ; l'ORDRE DES AVOCATS AU BARREAU DE PARIS demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2010-69 du 18 janvier 2010 instituant un conseil d'orientation de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la directive 2005 / 60 / CE du Parlement et du Conseil du 26 octobre 2005 ;
Vu le code monétaire et financier, modifié notamment par l'ordonnance n° 2009-104 du 30 janvier 2009 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Marc Pichon de Vendeuil, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,
- les observations de Me Le Prado, avocat de l'ORDRE DES AVOCATS AU BARREAU DE PARIS,
- les conclusions de M. Mattias Guyomar, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à Me Le Prado, avocat de l'ORDRE DES AVOCATS AU BARREAU DE PARIS ;
Sur la légalité externe du décret attaqué :
Considérant que si l'ordre requérant soutient que le décret du 18 janvier 2010 instituant un conseil d'orientation de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière dans la mesure où le comité consultatif de la législation et de la réglementation financières aurait été irrégulièrement composé, il est constant que ce comité n'a pas émis d'avis sur le décret litigieux ; que, dès lors, l'irrégularité alléguée de sa composition ne peut être utilement invoquée pour contester la légalité du décret attaqué ;
Sur la légalité interne du décret attaqué :
Considérant, en premier lieu, que le décret attaqué, qui institue un conseil d'orientation de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, n'a pas été pris en application de la directive du Parlement et du Conseil du 26 octobre 2005 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme ni des dispositions législatives issues de l'ordonnance du 30 janvier 2009 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme qui ont transposé cette directive en droit interne, mais en vertu du pouvoir réglementaire autonome qui appartient au Gouvernement ; que, dans ces conditions, l'ordre requérant ne peut utilement invoquer, en tout état de cause, le moyen tiré de ce que la directive du 26 octobre 2005 et les dispositions législatives issues de l'ordonnance du 30 janvier 2009 méconnaîtraient les principes du secret professionnel et du droit au silence pour contester par voie d'exception la légalité du décret attaqué ;
Considérant, en second lieu, que l'ordre requérant allègue que les dispositions du décret attaqué portent, par leur silence, atteinte aux principes du secret professionnel et du droit au silence garantis par les articles 6 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, toutefois, le décret attaqué prévoit que le conseil d'orientation de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme a notamment pour objet (...) De favoriser la concertation avec les professions mentionnées à l'article L. 561-2 en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, afin d'améliorer leur participation à celle-ci (...) et (...) De proposer des améliorations au dispositif national de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (...) ; qu'ainsi, eu égard à ses attributions, l'institution du conseil d'orientation de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme n'a ni pour objet ni pour effet de contrevenir aux principes invoqués ci-dessus ; que, de même, aucun texte ni aucun principe n'imposait au pouvoir réglementaire de conférer à cette instance des pouvoirs plus étendus en matière de protection du secret professionnel ; que, dans ces conditions, l'ordre requérant n'est pas fondé à soutenir que le décret attaqué aurait méconnu les principes du secret professionnel et du droit au silence protégés par les stipulations des articles 6 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'ORDRE DES AVOCATS AU BARREAU DE PARIS n'est pas fondé à demander l'annulation du décret attaqué ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La requête de l'ORDRE DES AVOCATS AU BARREAU DE PARIS est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'ORDRE DES AVOCATS AU BARREAU DE PARIS, au Premier ministre et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.