Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 novembre 2009 et 23 février 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Frédéric A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision du 24 septembre 2009 par laquelle la chambre nationale de discipline auprès du conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables a infirmé la décision du conseil régional de l'ordre des experts-comptables de Lorraine et lui a infligé la sanction du blâme;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions devant les instances disciplinaires ordinales ;
3°) de mettre à la charge du conseil régional de l'ordre des experts-comptables de Lorraine le versement de la somme de 3000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 ;
Vu le décret n° 70-147 du 19 février 1970 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Marc Pichon de Vendeuil, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de M. A, et de la SCP Peignot, Garreau, avocat du Conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables ;
- les conclusions de M. Cyril Roger-Lacan, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de M. A, et à la SCP Peignot, Garreau, avocat du Conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;
Considérant que M. A, qui se pourvoit en cassation contre la décision du 24 septembre 2009 par laquelle la chambre nationale de discipline auprès du conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables, après avoir infirmé la décision rendue par la chambre régionale de discipline auprès du conseil régional de l'ordre des experts-comptables de Lorraine, lui a infligé la sanction du blâme, soutient qu'il n'a pas eu connaissance, avant l'audience, des conclusions du commissaire du Gouvernement, en méconnaissance du principe du caractère contradictoire de la procédure juridictionnelle ;
Considérant qu'aux termes de l'article 56 de l'ordonnance du 19 septembre 1945 portant institution de l'ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d'expert-comptable : La tutelle des pouvoirs publics sur l'ordre des experts-comptables et des comptables agréés est exercée par le ministre de l'économie et des finances qui, à cet effet, est représenté par un commissaire du Gouvernement auprès du conseil supérieur de l'ordre ; que, selon l'article 57 de la même ordonnance, le commissaire du Gouvernement assiste aux séances de la chambre nationale de discipline et a le pouvoir de former devant le Conseil d'Etat tout recours contre les décisions prises par la chambre nationale de discipline ; qu'il résulte de ces dispositions que, devant la chambre nationale de discipline, le commissaire du Gouvernement a la qualité de partie à l'instance ; que, sauf à méconnaître le principe du caractère contradictoire de la procédure juridictionnelle, cette qualité lui impose de communiquer, avant l'audience, au membre de l'ordre poursuivi, pour que celui-ci puisse y répondre, les conclusions qu'il sera amené à prononcer devant la chambre nationale de discipline ;
Considérant que si le conseil supérieur de l'ordre soutient qu'il est d'usage que les conclusions du commissaire du Gouvernement soient portées à la connaissance des parties par la mise à disposition du dossier avant l'audience et que l'intéressé n'a au surplus jamais sollicité leur transmission, il n'établit pas pour autant que la formalité de communication qui lui incombe aurait été remplie en l'espèce ; que M. A est, par suite, fondé à soutenir que la procédure suivie devant la chambre nationale de discipline a été irrégulière et à demander, pour ce motif, l'annulation de la décision qu'il attaque ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du conseil régional de l'ordre des experts-comptables de Lorraine, qui n'a pas la qualité de partie dans la présente instance, la somme de 3 000 euros que demande M. A au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que si le conseil supérieur de l'ordre des experts comptables, appelé en la cause pour produire des observations, a présenté des conclusions tendant, sur le même fondement, à ce que soit mise à la charge de M. A la somme de 3 000 euros, il n'a, en tout état de cause, pas non plus la qualité de partie dans la présente instance ; que, dès lors, ses conclusions doivent être rejetées ;
D E C I D E :
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Article 1er : La décision du 24 septembre 2009 de la chambre nationale de discipline auprès du conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la chambre nationale de discipline auprès du conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables.
Article 3 : Les conclusions présentées tant par M. A que par le conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Frédéric A, au conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables, à la société KPMG SA et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.