Vu la décision du 2 novembre 2011, enregistrée le 3 novembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins, avant de statuer sur l'appel formé par Mme Corinne A, demeurant ..., contre la décision du 22 février 2011 de la chambre disciplinaire de première instance de Midi-Pyrénées infligeant à l'intéressée la sanction de l'interdiction d'exercice pendant quatre mois, a décidé, en application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du 1° de l'article L. 4132-9 du code de la santé publique ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
Vu le code de la santé publique, notamment son article L. 4132-9, dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Marie Picard, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Foussard, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne, du médecin-conseil chef de service de l'échelon local du service médical près la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aude et le médecin-conseil chef de service de l'échelon local du service médical près la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aude,
- les conclusions de M. Rémi Keller, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à Me Foussard, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne et autres,
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat lui a transmis, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changements de circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;
Considérant que Mme A soutient que les dispositions du 1° de l'article L. 4132-9 du code de la santé publique, dans leur rédaction issue de la loi du 21 juillet 2009, selon laquelle siège à la chambre disciplinaire de première instance de l'ordre des médecins, avec voix consultative, le médecin-inspecteur régional de santé publique ou son représentant, sans que soit prévue une exception dans le cas où la plainte émane d'un médecin-conseil chef de service de l'échelon local du contrôle médical ou d'une caisse primaire d'assurance maladie, méconnaît les principes d'indépendance et d'impartialité des juridictions garantis par la Constitution ;
Considérant que le principe d'indépendance, qui est indissociable de l'exercice de fonctions juridictionnelles, impose que toute personne appelée à siéger dans une juridiction se prononce en toute indépendance et sans recevoir quelque instruction de la part de quelque autorité que ce soit et, d'autre part, que le principe d'impartialité des juridictions s'oppose à ce que soit conféré à une même autorité le pouvoir de poursuivre et celui de juger ;
Considérant que les caisses primaires d'assurance maladie, organismes de droit privé chargés d'une mission de service public, relèvent de la seule tutelle du ministre chargé de la sécurité sociale, s'exerçant dans le respect du principe fondamental d'autonomie des organismes de sécurité sociale ; que les conditions de nomination et d'avancement des médecins-conseils chefs de service garantissent leur indépendance à l'égard de l'autorité ministérielle chargée de la politique de santé publique ; qu'ainsi les organismes de sécurité sociale et les médecins-conseils ne sont pas placés dans un lien de subordination hiérarchique avec le ministre chargé de la santé ; que la seule circonstance que le médecin-inspecteur régional de santé publique participerait à la mise en oeuvre des mêmes objectifs de santé publique que les organismes d'assurance maladie et les médecins-conseils n'est pas de nature à affecter l'indépendance ni l'impartialité de l'intéressé au sein de la juridiction disciplinaire ;
Considérant, en outre, que les règles générales de procédure s'opposent à ce qu'un membre d'une juridiction administrative puisse participer au jugement d'un recours relatif à une décision dont il est l'auteur ou prise par une personne avec laquelle il se trouverait dans un lien de subordination et à ce que l'auteur d'une plainte puisse participer au jugement rendu à la suite du dépôt de celle-ci ; qu'elles s'opposent également à ce qu'un fonctionnaire puisse siéger lorsqu'il aurait été amené à connaître, dans l'exercice de ses fonctions, des faits soumis à la juridiction dans laquelle il est appelé à siéger ; que les dispositions contestées du 1° de l'article L. 4132-9 du code de la santé publique ne font pas obstacle à ce que, conformément à ces règles générales, un médecin-inspecteur de santé publique qui aurait eu à connaître, dans une situation particulière, de faits soumis à cette juridiction s'abstienne de siéger dans la formation de jugement ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les dispositions critiquées ne portent pas par elles-mêmes atteinte aux principes d'indépendance et d'impartialité garantis par la Constitution ; qu'ainsi la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; que, par suite, il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par le conseil départemental de l'ordre des médecins de la Haute-Garonne, la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne, le médecin conseil chef de service de l'échelon local près cette caisse, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aude et le médecin conseil chef de service de l'échelon local près cette caisse ;
D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par Mme A.
Article 2 : Les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par le conseil départemental de l'ordre des médecins de la Haute-Garonne, la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne, le médecin-conseil chef de service de l'échelon local près cette caisse, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aude et le médecin-conseil chef de service de l'échelon local près cette caisse sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Corinne A, à la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Garonne, au médecin-conseil chef du service de l'échelon local près cette caisse, à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aude, au médecin-conseil chef du service de l'échelon local près cette caisse, au conseil départemental de l'ordre des médecins de la Haute-Garonne et au Conseil national de l'ordre des médecins.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel.