La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/03/2012 | FRANCE | N°341067

France | France, Conseil d'État, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 28 mars 2012, 341067


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 juin et 30 septembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la CONFEDERATION GENERALE DES PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES (CGPME), dont le siège est 10, Terrasse Bellini à Puteaux-Cedex (92806), représentée par son président ; la CGPME demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 29 juillet 2009 par laquelle le président du conseil d'administration de Pôle emploi a déterminé, au sein de douze instances paritaires régionales de cette

institution, le nombre de représentants de chaque organisation d'employe...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 juin et 30 septembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la CONFEDERATION GENERALE DES PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES (CGPME), dont le siège est 10, Terrasse Bellini à Puteaux-Cedex (92806), représentée par son président ; la CGPME demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 29 juillet 2009 par laquelle le président du conseil d'administration de Pôle emploi a déterminé, au sein de douze instances paritaires régionales de cette institution, le nombre de représentants de chaque organisation d'employeurs représentative au plan national et interprofessionnel, et a désigné un représentant titulaire et un représentant suppléant de la CGPME au sein de chacune de ces instances ;

2°) d'enjoindre à Pôle emploi de prendre une nouvelle décision dans un délai de deux mois, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de Pôle emploi le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu l'arrêté du 30 mars 2009 portant agrément de la convention du 19 février 2009 relative à l'indemnisation du chômage et de son règlement général annexé ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Pascal Trouilly, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de la CONFEDERATION GENERALE DES PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES et de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de Pôle emploi,

- les conclusions de Mme Claire Landais, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de la CONFEDERATION GENERALE DES PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de Pôle emploi ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 5312-10 du code du travail, relatif à l'institution nationale Pôle emploi : " L'institution est organisée en une direction générale et des directions régionales. / Au sein de chaque direction régionale, une instance paritaire, composée de représentants des employeurs et des salariés désignés par les organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel, veille à l'application de l'accord d'assurance chômage prévu à l'article L. 5422-20 et est consultée sur la programmation des interventions au niveau territorial " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 5312-28 du même code : " L'instance paritaire régionale prévue à l'article L. 5312-10 comprend cinq membres représentant les employeurs et cinq membres représentant les salariés désignés par les organisations syndicales de salariés et d'employeurs représentatives au plan national et interprofessionnel mentionnées à l'article L. 5422-22 " ;

Considérant que, pour douze régions dans lesquelles les organisations d'employeurs représentatives au plan national et interprofessionnel n'étaient pas parvenues à un accord sur la répartition des cinq sièges qui leur revenaient, le président du conseil d'administration de Pôle emploi a, par une décision du 29 juillet 2009 dont la CGPME demande l'annulation, déterminé le nombre de représentants de chacune de ces organisations en affectant un seul siège à la CGPME dans chacune des douze régions, et désigné sur ces sièges, pour chacune des douze instances régionales, le représentant titulaire et le représentant suppléant de la CGPME, en les choisissant parmi les personnes proposées par cette organisation ;

Sur la compétence du Conseil d'Etat en premier et dernier ressort :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 311-1 du code de justice administrative : " Le Conseil d'Etat est compétent pour connaître en premier et dernier ressort : / (...) 2° Des recours dirigés contre les actes réglementaires des ministres et des autres autorités à compétence nationale et contre leurs circulaires et instructions de portée générale " ; qu'un établissement public national ne peut être regardé comme une autorité à compétence nationale, au sens de ces dispositions, que lorsqu'il a été doté par un texte d'un pouvoir réglementaire ;

Considérant, d'une part, qu'en vertu de l'article L. 5312-1 du code du travail, l'institution nationale Pôle emploi a notamment pour mission " d'accompagner les personnes, qu'elles disposent ou non d'un emploi, à la recherche d'un emploi, d'une formation ou d'un conseil professionnel ", de " prescrire toutes actions utiles pour développer leurs compétences professionnelles et améliorer leur employabilité, favoriser leur reclassement et leur promotion professionnelle, faciliter leur mobilité géographique et professionnelle et participer aux parcours d'insertion sociale et professionnelle ", ainsi que de " mettre en oeuvre toutes autres actions qui lui sont confiées par l'Etat, les collectivités territoriales et l'organisme gestionnaire du régime d'assurance chômage en relation avec sa mission " ; que les 2° et 3° de l'article R. 5312-6 du même code prévoient, en conséquence, que le conseil d'administration de Pôle emploi délibère sur " Les mesures destinées à faciliter les opérations de recrutement des entreprises, à favoriser l'insertion, le reclassement, la promotion professionnelle et la mobilité géographique et professionnelle des personnes " ainsi que sur " Les conditions de mise en oeuvre des dispositifs législatifs et réglementaires de la politique publique de l'emploi " ; que ces dispositions confèrent à Pôle emploi le pouvoir de prendre, par délibération de son conseil d'administration, des mesures à caractère réglementaire nécessaires à l'accomplissement de ses missions ; que, par suite, Pôle emploi doit être regardé comme une autorité à compétence nationale au sens des dispositions citées ci-dessus du 2° de l'article R. 311-1 du code de justice administrative ;

Considérant, d'autre part, que la décision litigieuse du président du conseil d'administration de Pôle emploi revêt un caractère réglementaire en tant qu'elle fixe, dans douze instances paritaires régionales, les règles permettant de déterminer le nombre de représentants de chacune des organisations d'employeurs ; que le Conseil d'Etat est, dès lors, compétent pour statuer, dans cette mesure, sur les conclusions de la CGPME dirigées contre cette décision, ainsi que, par voie de connexité, sur les conclusions dirigées contre cette même décision en tant qu'elle procède à la désignation des représentants de la CGPME ;

Sur la légalité de la décision attaquée :

Considérant qu'aucun texte ne confère au président du conseil d'administration de Pôle emploi la compétence pour déterminer le nombre de représentants des différentes organisations d'employeurs représentatives au plan national et interprofessionnel appelés à siéger au sein des instances paritaires régionales de Pôle emploi ; qu'une telle décision ne saurait par ailleurs, en tout état de cause, compte tenu du rôle conféré à ces instances paritaires par l'article L. 5312-10 du code du travail cité ci-dessus, être regardée comme une simple mesure d'organisation du service ; qu'il appartenait, le cas échéant, à Pôle emploi de demander au Premier ministre de prendre les dispositions réglementaires permettant de fixer la répartition des sièges applicable en cas d'absence d'accord entre organisations d'employeurs et, en cas de refus et s'il apparaissait qu'au regard des nécessités du bon fonctionnement de l'institution, l'impossibilité de réunir ces instances était constitutive d'urgence, d'en saisir le juge du référé ; que, dès lors, la décision du 29 juillet 2009 du président du conseil d'administration de Pôle emploi est entachée d'incompétence et doit être annulée ;

Sur les effets de l'annulation de la décision du 29 juillet 2009 :

Considérant que l'annulation d'un acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n'être jamais intervenu ; que, toutefois, s'il apparaît que cet effet rétroactif de l'annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu'il était en vigueur que de l'intérêt général pouvant s'attacher à un maintien temporaire de ses effets, il appartient au juge administratif de prendre en considération, d'une part, les conséquences de la rétroactivité de l'annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence, d'autre part, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de l'annulation ; qu'il lui revient d'apprécier, en rapprochant ces éléments, s'ils peuvent justifier qu'il soit dérogé à titre exceptionnel au principe de l'effet rétroactif des annulations contentieuses ;

Considérant qu'au regard, d'une part, des effets manifestement excessifs qu'aurait la rétroactivité de l'annulation de la décision attaquée sur la légalité des nombreuses décisions individuelles prises, par les instances paritaires régionales, sur les recours des bénéficiaires de l'assurance chômage présentés en application de l'article 40 de la convention d'assurance chômage du 19 février 2009, et, d'autre part, de la nécessité de permettre au pouvoir réglementaire de fixer, au sein de chaque instance paritaire régionale, la répartition des représentants d'organisations d'employeurs en l'absence d'accord entre celles-ci, il y a lieu de prévoir que l'annulation prononcée par la présente décision ne prendra effet qu'à compter du 30 septembre 2012 et que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de la présente décision contre les actes pris sur son fondement, les effets produits par les dispositions de la décision attaquée antérieurement à son annulation seront regardés comme définitifs ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

Considérant que la présente décision n'implique pas que l'institution nationale Pôle emploi prenne une nouvelle décision relative à la composition des instances paritaires régionales concernées ; que les conclusions de la CGPME tendant à ce que le Conseil d'Etat prononce une telle injonction assortie d'une astreinte doivent, dès lors, être écartées ;

Sur les conclusions présentées par la CGPME au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Pôle emploi le versement à la CGPME de la somme de 3 000 euros au titre de ces dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision du 29 juillet 2009 du président du conseil d'administration de Pôle emploi est annulée à compter du 30 septembre 2012.

Article 2 : Sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de la présente décision contre les actes pris sur le fondement de la décision du 29 juillet 2009 du président du conseil d'administration de Pôle emploi, les effets produits par cette dernière antérieurement à son annulation sont regardés comme définitifs.

Article 3 : Pôle emploi versera à la CGPME la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la CGPME est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la CONFEDERATION GENERALE DES PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES et à Pôle emploi.

Copie en sera adressée pour information au ministre du travail, de l'emploi et de la santé et au Mouvement des entreprises de France.


Synthèse
Formation : 1ère et 6ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 341067
Date de la décision : 28/03/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - COMPÉTENCE - RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE AUTORITÉS DISPOSANT DU POUVOIR RÉGLEMENTAIRE - AUTORITÉS DISPOSANT DU POUVOIR RÉGLEMENTAIRE - PREMIER MINISTRE - COMPÉTENCE EXCLUSIVE POUR DÉTERMINER LE NOMBRE DE REPRÉSENTANTS DES ORGANISATIONS D'EMPLOYEURS AU SEIN DES INSTANCES PARITAIRES RÉGIONALES DE PÔLE EMPLOI - EXISTENCE.

01-02-02-01-02 Le Premier ministre est seul compétent pour déterminer le nombre de représentants des différentes organisations d'employeurs représentatives au plan national et interprofessionnel appelés à siéger au sein des instances paritaires régionales de Pôle emploi.

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - COMPÉTENCE - RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE AUTORITÉS DISPOSANT DU POUVOIR RÉGLEMENTAIRE - AUTORITÉS DISPOSANT DU POUVOIR RÉGLEMENTAIRE - AUTORITÉS DIVERSES DÉTENTRICES D`UN POUVOIR RÉGLEMENTAIRE - PÔLE EMPLOI - PRÉSIDENT DU CONSEIL D'ADMINISTRATION - COMPÉTENCE POUR DÉTERMINER LE NOMBRE DE REPRÉSENTANTS DES ORGANISATIONS D'EMPLOYEURS AU SEIN DES INSTANCES PARITAIRES RÉGIONALES - ABSENCE.

01-02-02-01-07 Le président du conseil d'administration de Pôle emploi ne tient ni d'un texte, ni de son pouvoir d'organisation du service la compétence pour déterminer le nombre de représentants des différentes organisations d'employeurs représentatives au plan national et interprofessionnel appelés à siéger au sein des instances paritaires régionales de Pôle emploi. Il lui appartient seulement, le cas échéant, de demander au Premier ministre de prendre les dispositions réglementaires permettant de fixer la répartition des sièges applicable en cas d'absence d'accord entre les organisations d'employeurs et, en cas de refus et s'il apparaît qu'au regard des nécessités du bon fonctionnement de l'institution, l'impossibilité de réunir ces instances est constitutive d'urgence, d'en saisir le juge des référés.

TRAVAIL ET EMPLOI - SERVICE PUBLIC DE L'EMPLOI - INSTANCES PARITAIRES RÉGIONALES DE PÔLE EMPLOI - RÉPARTITION DES SIÈGES ENTRE ORGANISATIONS D'EMPLOYEURS - 1) COMPÉTENCE DU PRÉSIDENT DU CONSEIL D'ADMINISTRATION DE PÔLE EMPLOI - ABSENCE - 2) COMPÉTENCE EXCLUSIVE DU PREMIER MINISTRE - A) EXISTENCE - B) CONSÉQUENCE POUR LE PRÉSIDENT DU CONSEIL D'ADMINISTRATION DE PÔLE EMPLOI.

66-11-001-01 1) Le président du conseil d'administration de Pôle emploi ne tient ni d'un texte, ni de son pouvoir d'organisation du service la compétence pour déterminer le nombre de représentants des différentes organisations d'employeurs représentatives au plan national et interprofessionnel appelés à siéger au sein des instances paritaires régionales de Pôle emploi.... ...2) a) Une telle répartition relève de la compétence exclusive du Premier ministre. b) En conséquence, il appartient seulement au président du conseil d'administration de Pôle emploi, le cas échéant, de demander au Premier ministre de prendre les dispositions réglementaires nécessaires et, en cas de refus et s'il apparaît qu'au regard des nécessités du bon fonctionnement de l'institution, l'impossibilité de réunir ces instances est constitutive d'urgence, d'en saisir le juge des référés.


Publications
Proposition de citation : CE, 28 mar. 2012, n° 341067
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Pascal Trouilly
Rapporteur public ?: Mme Claire Landais
Avocat(s) : SCP BORE ET SALVE DE BRUNETON ; SCP GATINEAU, FATTACCINI ; SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:341067.20120328
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award