Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 mars et 24 juin 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Christian A, demeurant au ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 09PA02278 du 31 janvier 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 0708144/1, 0802321/1 du 9 avril 2009 par lequel le magistrat désigné par le tribunal administratif de Melun a rejeté ses demandes tendant à l'annulation, de la décision du 18 octobre 2007 du ministre de l'intérieur constatant la perte de validité de son permis de conduire pour solde de points nul, des décisions retirant des points de son permis de conduire à la suite d'infractions relevées les 2 mars 2004, 4 juillet 2005, 27 janvier 2006, 21 avril 2006, 19 septembre 2006, 27 septembre 2006, 24 mai 2007, 6 juin 2007 et 20 juillet 2007 et de la décision du 9 novembre 2007 par laquelle le préfet du Val-de-Marne lui a ordonné de restituer son titre de conduite ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa requête d'appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu le code de la route ;
Vu la décision du 26 juillet 2011 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux n'a pas renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Frédéric Desportes, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. A,
- les conclusions de M. Jean-Philippe Thiellay, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. A ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 18 octobre 2007, le ministre de l'intérieur a constaté la perte de validité du permis de conduire de M. A pour solde de points nul en conséquence de neuf décisions portant retrait de points prises à la suite d'infractions au code de la route relevées en 2004, 2005, 2006 et 2007 ; que M. A se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 31 janvier 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 9 avril 2009 du tribunal administratif de Melun rejetant sa demande ;
Sur la régularité de l'arrêt attaqué :
Considérant que, la cour administrative d'appel ayant retenu que M. A avait payé les amendes afférentes aux infractions relevées, le moyen tiré de ce qu'elle aurait laissé sans réponse son argumentation selon laquelle, en l'absence de paiement des amendes, seule l'émission d'un titre exécutoire de l'amende forfaitaire majorée pouvait fonder les retraits de points, est inopérant ;
Sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué :
En ce qui concerne les retraits de points consécutifs aux huit infractions constatées par radar automatique :
Considérant qu'il résulte des arrêtés pris pour l'application des articles R. 49-1 et R. 49-10 du code de procédure pénale, notamment de leurs dispositions codifiées à l'article A. 37-8 de ce code dans sa rédaction en vigueur à la date des infractions en litige, que lorsqu'une contravention mentionnée à l'article L. 121-3 du code de la route est constatée par radar automatique, il découle du paiement de l'amende forfaitaire au titre de cette contravention que l'intéressé a nécessairement reçu l'avis de contravention ;
Considérant que, pour écarter l'argumentation du requérant qui soutenait n'avoir pas reçu les informations prévues par les articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route à la suite des huit infractions relevées à son encontre par radar automatique, la cour administrative d'appel a retenu qu'ayant payé les amendes afférentes à ces contraventions ainsi que cela résultait d'attestations produites par le ministre, il devait être réputé avoir reçu l'avis de contravention comportant l'ensemble des informations requises ;
Considérant qu'en statuant ainsi, la cour administrative d'appel, qui n'a pas méconnu l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en estimant que les attestations établies par le trésorier principal de la trésorerie du contrôle automatisé faisaient la preuve du paiement des amendes, n'a ni dénaturé les pièces du dossier, ni commis d'erreur de droit ;
En ce qui concerne le retrait de points consécutif à l'infraction constatée le 2 mars 2004 :
Considérant que, pour juger que l'administration établissait avoir délivré à M. A l'information requise par les articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route à l'occasion de l'infraction qui avait été relevée le 2 mars 2004 au moyen d'un formulaire conforme aux articles A 37 à A 37-4 du code de procédure pénale, la cour administrative d'appel, après avoir estimé qu'il ressortait de la décision " 48 S " du 18 octobre 2007 que l'intéressé avait payé l'amende forfaitaire afférente à cette infraction, a retenu qu'il se déduisait de ce paiement qu'il avait reçu l'avis de contravention comportant les informations requises par la loi ;
Considérant toutefois qu'en retenant que les mentions portées dans la décision du 18 octobre 2007 constatant la perte de validité du permis de conduire de l'intéressé pour solde de points nul suffisaient à établir le paiement de l'amende, la cour administrative d'appel a dénaturé cette pièce ; que, par suite, son arrêt doit être annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. A tendant à l'annulation de la décision de retrait de points consécutive à l'infraction relevée le 2 mars 2004 et, par voie de conséquence, de la décision du 18 octobre 2007 invalidant son permis de conduire et de celle du 9 novembre 2007 lui ordonnant de restituer son titre de conduite ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond, dans les limites de la cassation prononcée ;
Considérant, en premier lieu, que les conditions de la notification au conducteur des retraits de points de son permis de conduire, prévues par les dispositions de l'article L. 223-3 du code de la route, ne conditionnent pas la régularité de la procédure suivie et partant la légalité de ces retraits ; que cette notification a pour seul objet de rendre ceux-ci opposables à l'intéressé et de faire courir le délai dont il dispose pour en contester la légalité devant la juridiction administrative ; que la circonstance que l'administration ne soit pas en mesure d'apporter la preuve que la notification des retraits successifs, effectuée par lettre simple, a bien été reçue par son destinataire, ne saurait lui interdire de constater que le permis a perdu sa validité, dès lors que la décision procédant au retrait des derniers points récapitule les retraits antérieurs et les rend ainsi opposables au conducteur ; que M. A ne saurait dès lors utilement se prévaloir de ce que les retraits de points ne lui auraient pas été notifiés avant l'intervention de la décision constatant la perte de validité de son permis de conduire ;
Considérant, en second lieu, qu'il résulte des dispositions des articles L. 223-1 et L. 225-1 du code de la route, combinées avec celles des articles 529 et suivants du code de procédure pénale et du premier alinéa de l'article 530 du même code, que le mode d'enregistrement et de contrôle des informations relatives aux infractions au code de la route conduit à estimer que la réalité de l'infraction est établie dans les conditions prévues à l'article L. 223-1 de ce code dès lors qu'est inscrite, dans le système national des permis de conduire, la mention du paiement de l'amende forfaitaire ou de l'émission du titre exécutoire de l'amende forfaitaire majorée, sauf si l'intéressé justifie avoir présenté une requête en exonération dans les quarante-cinq jours de la constatation de l'infraction ou de l'envoi de l'avis de contravention ou avoir formé, dans le délai prévu à l'article 530 du code de procédure pénale, une réclamation ayant entraîné l'annulation du titre exécutoire de l'amende forfaitaire majorée ;
Considérant que, par ailleurs, il résulte des dispositions portant application des articles R. 49-1 et R. 49-10 du code de procédure pénale, notamment celles de ses articles A. 37 à A. 37-4, alors en vigueur, que, hors le cas prévu par l'article A. 37-8, lorsqu'une contravention soumise à la procédure de l'amende forfaitaire est relevée sans que l'amende soit payée immédiatement entre les mains de l'agent verbalisateur, ce dernier utilise un formulaire réunissant, en une même liasse autocopiante, le procès-verbal conservé par le service verbalisateur, une carte de paiement matériellement indispensable pour procéder au règlement de l'amende et l'avis de contravention, également remis au contrevenant pour servir de justificatif du paiement ultérieur, qui comporte une information suffisante au regard des exigences résultant des articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route ;
Considérant, dès lors, que le titulaire d'un permis de conduire à l'encontre duquel une infraction au code de la route est relevée au moyen d'un formulaire conforme à ce modèle et dont il est établi, notamment dans les conditions décrites ci-dessus, qu'il a payé l'amende forfaitaire correspondant à cette infraction a nécessairement reçu l'avis de contravention ; qu'eu égard aux mentions dont cet avis est réputé être revêtu, l'administration doit alors être regardée comme s'étant acquittée envers le titulaire du permis de son obligation de lui délivrer les informations requises préalablement au paiement de l'amende, à moins que l'intéressé, à qui il appartient à cette fin de produire l'avis qu'il a nécessairement reçu, ne démontre s'être vu remettre un avis inexact ou incomplet ;
Considérant qu'il résulte des mentions du relevé d'information intégral relatif à la situation du permis de conduire de M. A, produit au cours de la présente instance par le ministre de l'intérieur, que le requérant s'est acquitté de l'amende forfaitaire correspondant à l'infraction commise le 2 mars 2004, qui a été constatée au moyen d'un formulaire conforme aux dispositions des articles A. 37 à A. 37-4 du code de procédure pénale ; que M. A s'est, dès lors, nécessairement vu remettre un avis de contravention dont le modèle comporte les informations requises par les dispositions des articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route ; que, faute pour lui de produire cet avis de contravention pour démontrer qu'il serait inexact ou incomplet, la preuve du respect de l'obligation d'information préalable doit être regardée comme apportée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté ses conclusions à fin d'annulation des décisions portant retrait de points de son permis de conduire à raison de l'infraction du 2 mars 2004 et invalidation du titre ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt n° 09PA02278 du 31 janvier 2011 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. A tendant à l'annulation de la décision portant retrait de points de son permis de conduire à raison de l'infraction relevée le 2 mars 2004 et contre les décisions des 18 octobre 2007 et 9 novembre 2007 ;
Article 2 : Les conclusions de M. A devant la cour administrative d'appel de Paris dirigées contre ces décisions, ainsi que ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Christian A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.