Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 septembre et 10 novembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour M. Rachid A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat d'annuler le décret du 11 juillet 2011 accordant son extradition aux autorités marocaines ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention d'aide mutuelle judiciaire, d'exequatur des jugements et d'extradition entre la France et le Maroc en date du 5 octobre 1957 ;
Vu le code pénal ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Catherine Chadelat, Conseiller d'Etat,
- les observations à la SCP Ghestin, avocat M. A,
- les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public,
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Ghestin, avocat M. A ;
Sur la légalité externe du décret attaqué :
Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des mentions de l'ampliation du décret attaqué figurant au dossier, certifiée conforme par le secrétaire général du gouvernement, que ce décret a été signé par le Premier ministre et contresigné par le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés ; que l'ampliation notifiée à M. A n'avait pas à être revêtue de ces signatures ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'après avoir visé la demande d'extradition présentée par les autorités marocaines pour l'exécution d'un mandat d'arrêt décerné le 21 décembre 2009 par le procureur général du roi près la cour d'appel de Rabat pour des faits de constitution de bande criminelle pour préparer et commettre des actes terroristes dans le cadre d'une entreprise collective visant à porter gravement atteinte à l'ordre public, incitation d'autrui à perpétrer des actes terroristes et prestation d'assistance à auteur d'actes terroristes, ainsi que l'avis émis par la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Metz le 25 mars 2010, le décret attaqué énonce que les faits reprochés à M. A, dont une description précise ne s'imposait pas, répondent, quant au quantum de la peine encourue, aux exigences de l'article 29 de la convention franco-marocaine d'aide mutuelle judiciaire, d'exequatur des jugements et d'extradition du 5 octobre 1957, qu'ils sont punissables en droit français et ne sont pas prescrits, que ces faits n'ont pas un caractère politique, s'agissant de faits de terrorisme, et qu'il n'apparaît pas que la demande, motivée par des infractions de droit commun, ait été présentée aux fins de poursuivre l'intéressé pour des considérations de race, de religion, de nationalité ou d'opinions politiques ou que sa situation risque d'être aggravée pour l'une ou l'autre de ces raisons ; que, dans ces conditions, le décret attaqué est suffisamment motivé, en fait comme en droit, au regard des prescriptions des articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Considérant, en troisième lieu, que selon l'article 34 de la convention franco-marocaine d'aide mutuelle judiciaire, d'exequatur des jugements et d'extradition du 5 octobre 1957 la demande d'extradition " sera accompagnée de l'original ou de l'expédition authentique soit d'une décision de condamnation exécutoire, soit d'un mandat d'arrêt ou de tout autre acte ayant la même force et décerné dans les formes prescrites par la loi de l'Etat requérant. Les circonstances des faits pour lesquels l'extradition est demandée, le temps et le lieu où ils ont été commis, la qualification légale et les références aux dispositions légales qui leur sont applicables seront indiquées le plus exactement possible. Il sera joint une copie des dispositions légales applicables " ; qu'il ressort des pièces du dossier que la demande d'extradition, adressée le 5 janvier 2011 par les autorités marocaines au gouvernement français, était accompagnée de la demande émise à cette fin, le même jour, par le procureur général du roi près la cour d'appel de Rabat ainsi que du mandat d'arrêt international par lui émis le 21 décembre 2010 ; que ces documents énoncent 1es faits reprochés à M. A et précisent leur qualification juridique ainsi que la référence des articles de la loi marocaine n° 03/03 du 28 mai 2003 relative à la lutte contre le terrorisme applicables en l'espèce, dont la teneur était reproduite en annexe ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 34 de la convention franco-marocaine manque en fait ;
Sur la légalité interne du décret attaqué :
Considérant, en premier lieu, qu'il n'appartient pas aux autorités françaises, sauf en cas d'erreur évidente, de statuer sur le bien-fondé des charges retenues contre la personne recherchée ; qu'en l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une erreur évidente ait été commise en ce qui concerne les faits reprochés à M. A à l'origine de la demande d'extradition et tenant à son implication, par l'utilisation de son adresse électronique, dans l'acheminement de correspondances ou la diffusion de communiqués d'une organisation terroriste ;
Considérant, en deuxième lieu, que si M. A soutient que son extradition repose sur des considérations politiques liées au soutien qu'il a apporté à la cause sahraouie et à l'autodétermination du Sahara occidental, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'extradition du requérant aurait été demandée dans un but politique ;
Considérant, enfin, que si M. A soutient que l'exécution du décret attaqué l'exposerait à des traitements inhumains ou dégradants en violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il n'apporte aucun élément au soutien de cette allégation, permettant d'établir la réalité de tels risques en ce qui le concerne ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation du décret du 11 juillet 2011 accordant son extradition aux autorités marocaines ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Rachid A et au garde des sceaux, ministre de la justice.