Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 août et 26 novembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Michel A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 07LY02845 du 11 juin 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du 16 octobre 2007 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à obtenir la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2004, à raison de la plus-value résultant de la cession d'une propriété agricole, d'autre part, au prononcé de la décharge en question, enfin, à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel en annulant le jugement du 16 octobre 2007 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand et en prononçant la décharge demandée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Aurélien Rousseau, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Ortscheidt, avocat de M. A,
- les conclusions de Mme Delphine Hedary, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Ortscheidt, avocat de M. A ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A a été assujetti à une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2004, à raison des plus-values constatées à l'occasion de la cession d'une propriété agricole par le groupement foncier agricole dont il était l'un des associés ; que l'administration fiscale a estimé que le fait générateur de cette plus-value n'était intervenu qu'à la date de l'acte authentique, le 19 mars 2004, et non à celle de la signature d'une promesse synallagmatique de vente entre les parties, le 23 décembre 2003 ; que l'administration a assujetti chacun des associés à une cotisation supplémentaire d'impôt sur la plus-value immobilière au titre de l'année 2004, sur le fondement des dispositions de l'article 10 de la loi de finances pour 2004 modifiant, à compter du 1er janvier 2004, le régime d'imposition des plus-values de cession ; que le requérant a contesté ce supplément d'imposition devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, qui a rejeté sa demande ; que M. A se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 11 juin 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête d'appel ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à l'imposition en litige : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente " ;
Considérant que l'instruction fiscale 8 M-1-04 du 14 janvier 2004, commentant les nouvelles dispositions de l'article 150 U du code général des impôts issues de la loi de finances du 30 décembre 2003 pour 2004, précise d'une part, que le fait générateur de l'imposition de la plus-value " est constitué par la cession à titre onéreux du bien ou du droit " , d'autre part, que " les dispositions de l'article 10 de la loi de finances pour 2004 sont applicables aux cessions intervenues à compter du 1er janvier 2004 ", enfin que : " La cession est intervenue : / - à la date portée dans l'acte, si cet acte qui constate la cession est passé en la forme authentique ; / - à la date à compter de laquelle le contrat est régulièrement formé entre les parties, dans les autres cas " ; que la même instruction précise, au point 7 de la fiche n° 6 qui lui est annexée, qu'" une promesse synallagmatique de vente vaut vente dans la mesure où il y a consentement réciproque des deux parties sur la chose et sur le prix. Dès lors, la cession est réputée avoir lieu lors de la signature de la promesse synallagmatique " ;
Considérant qu'il résulte des termes de cette instruction que la date de cession, constituant le fait générateur de la plus-value, n'est subordonnée à aucune formalité d'enregistrement ou d'acte authentique et peut résulter de la signature d'une promesse synallagmatique de vente, dès lors que la date de cette dernière ne fait l'objet d'aucune contestation ; que, par suite, en jugeant, pour écarter l'invocation de cette instruction par le requérant, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, qu'elle devait être interprétée comme ne permettant pas que la date de signature d'une promesse synallagmatique de vente détermine la date de réalisation de la plus-value de cession soumise aux dispositions de l'article 150 U du code général des impôts, la cour administrative d'appel de Lyon a commis une erreur de droit ; que le requérant est fondé pour ce motif à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit plus haut le fait générateur de la plus-value réalisée par le requérant est intervenu à la date de signature de la promesse synallagmatique de vente entre les parties, le 23 décembre 2003 ; que l'administration ne pouvait dès lors assujettir le contribuable à une cotisation supplémentaire d'impôt sur la plus-value immobilière au titre de l'année 2004, sur le fondement des dispositions de l'article 10 de la loi de finances pour 2004 modifiant, à compter du 1er janvier 2004, le régime d'imposition des plus-values de cession ; qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à obtenir la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2004, à raison de la plus-value résultant de la cession d'une propriété agricole par le groupement foncier agricole dont il était l'un des associés ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A de la somme de 2 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt n° 07LY02845 du 11 juin 2009 de la cour administrative d'appel de Lyon est annulé.
Article 2 : M. A est déchargé de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2004, à raison de la plus-value résultant de la cession d'une propriété agricole.
Article 3 : L'Etat versera à à M. A la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Michel A et à au ministre de l'économie, des finances et du commerce extérieur.