Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 août et 18 novembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE SURCOUF, dont le siège est 139, avenue Daumesnil à Paris (75012) ; la SOCIETE SURCOUF demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 08PA03350 et n° 08PA03093 du 10 juin 2010 de la cour administrative d'appel de Paris en tant qu'après avoir annulé le jugement n° 0405017/2 du 7 février 2008 par lequel le tribunal administratif de Melun a condamné la caisse des écoles de Choisy-le-Roi à lui verser la somme de 504 688 euros, il juge que la MUTUELLE ASSURANCE DES INSTITUTEURS DE FRANCE (MAIF) était recevable à se substituer en cause d'appel à la caisse des écoles de Choisy-le-Roi et limite à 252 344 euros le montant de l'indemnité que cette dernière est condamnée à lui verser en réparation de son préjudice ;
2°) réglant l'affaire au fond dans cette mesure, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de la caisse des écoles de Choisy-le-Roi et de la commune de Choisy-le-Roi la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Agnès Martinel, Maître des Requêtes en service extraordinaire,
- les observations de la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de la SOCIETE SURCOUF, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la caisse des écoles de Choisy-le-Roi et de la mutuelle assurance des instituteurs de France et à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de la commune de Choisy-le-Roi,
- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de la SOCIETE SURCOUF, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la caisse des écoles de Choisy-le-Roi et à la mutuelle assurance des instituteurs de France et à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de la commune de Choisy-le-Roi ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A, agent de la commune de Choisy-le-Roi affecté à la caisse des écoles de cette commune, a procédé entre le 1er janvier 2003 et le 29 avril 2004 à des achats de matériels informatiques auprès de la SOCIETE SURCOUF pour un montant global de 1 086 718,91 euros ; que, par un jugement du 12 juin 2006 devenu définitif, le tribunal correctionnel de Créteil l'a reconnu coupable des délits de faux, usage de faux et escroquerie aggravée par la circonstance que les faits ont été commis par un agent chargé d'une mission de service public dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions et l'a condamné, dans le cadre de l'action civile, à verser la somme de 994 841,90 euros à la SOCIETE SURCOUF à titre de dommages et intérêts ; que, parallèlement à la procédure suivie devant le juge judiciaire, cette société a saisi le juge administratif de conclusions tendant à ce que la commune de Choisy-le-Roi et la caisse des écoles de Choisy-le-Roi soient condamnées à lui verser une indemnité en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait des fautes commises par M. A au motif qu'elles n'étaient pas dépourvues de tout lien avec le service ; que, par un jugement du 7 février 2008, le tribunal administratif de Melun a partiellement fait droit à sa demande en condamnant la caisse des écoles de Choisy-le-Roi à lui verser une indemnité de 504 688 euros au motif que les agissements de M. A n'avaient pu se poursuivre, à compter du 1er novembre 2003, qu'à raison de l'inertie fautive des supérieurs hiérarchiques de l'intéressé ; que la SOCIETE SURCOUF se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 10 juin 2010 de la cour administrative d'appel de Paris en tant que, après avoir annulé le jugement du tribunal administratif de Melun, il juge que la Mutuelle assurance des instituteurs de France (MAIF) était recevable à se substituer en cause d'appel à la caisse des écoles de Choisy-le-Roi, son assurée et limite à la somme de 252 344 euros le montant de l'indemnité que cette dernière est condamnée à lui verser ; que, par la voie du pourvoi incident, la MAIF d'une part, et la caisse des écoles de Choisy-le-Roi et la commune de Choisy-le-Roi d'autre part, demandent l'annulation du même arrêt en tant qu'il juge que la responsabilité de la caisse des écoles était engagée pour faute de service au titre de la période du 1er novembre 2003 au 29 avril 2004 et que la faute commise par la SOCIETE SURCOUF n'exonérait que pour moitié la caisse des écoles de sa responsabilité ;
Sur le pourvoi principal :
En ce qui concerne la période du 1er janvier au 31 octobre 2003 :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un jugement du 12 juin 2006 devenu définitif, le tribunal correctionnel de Créteil a condamné M. A pour faux, usage de faux et escroquerie aggravée par la circonstance que les faits ont été commis par un agent chargé d'une mission de service public dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ; qu'il ressort des constatations de fait figurant dans ce jugement, qui sont le support nécessaire de la condamnation prononcée, que M. A a commis les agissements préjudiciables à la SOCIETE SURCOUF pendant son temps de service et, en partie, sur son lieu de travail, en utilisant de faux documents reproduisant l'en-tête de la caisse des écoles et en cédant une partie du produit de ses agissements à plusieurs employés municipaux, au nombre desquels se trouvaient ses supérieures hiérarchiques, qui ont été déclarés coupables de recel ; que, dès lors, en jugeant, en dépit de ces constatations du juge pénal, revêtues de l'autorité absolue de la chose jugée, après avoir relevé que M. A s'était prévalu abusivement de sa qualité d'agent de la caisse des écoles de Choisy-le-Roi et avait agi en dehors de ses fonctions dans un but purement personnel, que la faute commise par M. A au cours de la période du 1er janvier au 31 octobre 2003 était entièrement détachable du service, la cour a inexactement qualifié les faits de l'espèce ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, la SOCIETE SURCOUF est fondée à demander dans cette mesure l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ;
En ce qui concerne la période du 1er novembre 2003 au 29 avril 2004 :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 121-12 du code des assurances : " L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur " ; que, contrairement à ce que soutient la SOCIETE SURCOUF, ces dispositions trouvent à s'appliquer à l'assureur de la victime du dommage aussi bien qu'à l'assureur de l'auteur d'un dommage ; qu'ainsi, en vertu de ces dispositions, l'assureur de l'auteur d'un dommage qui justifie avoir payé une indemnité à la victime en exécution du contrat d'assurance se trouve subrogé dans les droits et actions de son assuré dans la limite du paiement effectué et peut alors exercer un recours subrogatoire contre les tiers, co-auteurs du dommage, mais également contre la victime du dommage elle-même, en vue d'obtenir un partage de responsabilité ; que, dès lors, la cour n'a commis aucune erreur de droit en jugeant que la Mutuelle assurance des instituteurs de France (MAIF) était recevable à se substituer en cause d'appel à la caisse des écoles de Choisy-le-Roi, dès lors qu'elle justifiait avoir payé l'indemnité mise à la charge de son assurée par le jugement du tribunal administratif de Melun du 7 octobre 2008 ayant reconnu sa responsabilité dans le dommage causé à la SOCIETE SURCOUF au titre de la période du 1er novembre 2003 au 29 avril 2004 ;
Considérant, en deuxième lieu, que si la SOCIETE SURCOUF soutient que la cour a inexactement qualifié les faits en jugeant que la MAIF était subrogée dans les droits et actions de la caisse des écoles de Choisy-le-Roi au seul motif qu'elle justifiait avoir intégralement indemnisé son assurée, alors qu'elle n'avait pas produit la police d'assurance justifiant que le paiement était bien intervenu en exécution du contrat d'assurance, ce moyen est nouveau en cassation et ne peut, par suite et en tout état de cause, être utilement soulevé à l'encontre de l'arrêt attaqué ;
Considérant, en troisième lieu, que la SOCIETE SURCOUF soutient que la cour a omis de répondre au moyen, qu'elle avait présenté à titre subsidiaire, tiré de ce que la requête de la caisse des écoles de Choisy-le-Roi devait être déclarée irrecevable dans le cas où l'action subrogatoire de la MAIF serait elle-même jugée recevable, au motif que l'assuré désintéressé par l'assureur en vertu du contrat d'assurance n'a plus qualité pour agir à la place de ce dernier ; que, toutefois, en jugeant que la MAIF, qui se trouvait subrogée dans les droits et actions de la caisse des écoles de Choisy-le-Roi, était recevable à se substituer en cause d'appel à son assurée, la cour a implicitement mais nécessairement regardé les conclusions de le MAIF comme s'étant entièrement substituées à celles, de même objet, de la caisse des écoles de Choisy-le-Roi ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'en jugeant, après avoir relevé que la SOCIETE SURCOUF était un professionnel averti ayant l'usage des pratiques de la commande publique et qu'elle avait répondu sans aucune précaution à des commandes d'un montant significatif dont plusieurs dépassaient le seuil de mise en concurrence alors qu'un minimum de contrôle aurait fait apparaître le caractère frauduleux de ces opérations, que cette société avait fait preuve d'une légèreté fautive de nature à exonérer pour moitié de sa responsabilité la caisse des écoles de Choisy-le-Roi, la cour, qui a suffisamment motivé sa décision, a porté sur les faits de l'espèce, qu'elle a exactement qualifiés, une appréciation exempte de dénaturation ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque en tant qu'il juge qu'elle a commis une faute de nature à exonérer pour moitié de sa responsabilité la caisse des écoles de Choisy-le-Roi ;
Sur les pourvois incidents :
Considérant, en premier lieu, que ni la caisse des écoles de Choisy-le-Roi ni la commune de Choisy-le-Roi ne sont fondées à soutenir que la cour aurait commis une erreur de droit en les condamnant à verser une indemnité à la SOCIETE SURCOUF au motif que cette dernière avait déjà obtenu réparation de son préjudice devant le juge pénal, dès lors que, par l'arrêt attaqué, la cour a décidé que la caisse des écoles de Choisy-le-Roi serait subrogée dans les droits de la SOCIETE SURCOUF détenus sur la personne de M. A à concurrence de la somme qu'elle l'a condamnée à verser à cette société ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'en relevant qu'il résultait de l'instruction qu'à compter de novembre 2003, les opérations frauduleuses de M. A dont bénéficiaient son supérieur hiérarchique ainsi que certains des agents du service ne pouvaient être ignorées et en jugeant que l'absence de mesure prise pour y mettre fin révélait un dysfonctionnement constitutif d'une faute de service de nature à engager la responsabilité de la caisse des écoles, la cour a exactement qualifié les faits de l'espèce, sur lesquels elle a porté une appréciation souveraine, exempte de dénaturation ;
Considérant, en troisième lieu que, ainsi qu'il a été dit, les requérantes ne sont pas davantage fondées à soutenir que la cour aurait entaché son arrêt de dénaturation ou d'erreur de qualification juridique des faits de l'espèce en jugeant que la SOCIETE SURCOUF avait fait preuve d'une légèreté fautive justifiant que la caisse des écoles de Choisy-le-Roi soit exonérée pour moitié seulement de sa responsabilité ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la MAIF et, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de leur pourvoi, la caisse des écoles de Choisy-le-Roi et la commune de Choisy-le-Roi ne sont pas fondées à demander l'annulation de l'arrêt qu'elles attaquent par la voie du pourvoi incident ;
Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la SOCIETE SURCOUF au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société SURCOUF qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 10 juin 2010 est annulé en tant qu'il statue sur la responsabilité de la caisse des écoles de Choisy-le-Roi au titre de la période du 1er janvier au 31 octobre 2003.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris dans la mesure de la cassation prononcée.
Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi de la SOCIETE SURCOUF est rejeté.
Article 4 : Le pourvoi incident de la MAIF et le pourvoi incident de la caisse des écoles de Choisy-le-Roi et de la commune de Choisy-le-Roi sont rejetés.
Article 5 : Les conclusions présentées par la SOCIETE SURCOUF, la MAIF, la caisse des écoles de Choisy-le-Roi et la commune de Choisy-le-Roi au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE SURCOUF, à la Mutuelle assurance des instituteurs de France, à la caisse des écoles de Choisy-le-Roi et à la commune de Choisy-le-Roi.
Copie en sera adressée pour information à la ministre de la réforme de l'Etat, de la décentralisation et de la fonction publique.