Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 février et 14 mai 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la fédération des entreprises du spectacle vivant, de la musique, de l'audiovisuel et du cinéma, dont le siège est 5, rue Cernuschi à Paris (75017), représentée par son président ; la fédération des entreprises du spectacle vivant, de la musique, de l'audiovisuel et du cinéma demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 17 décembre 2009 par laquelle le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville a refusé d'étendre l'accord national professionnel du 1er novembre 2008 relatif au versement de la taxe d'apprentissage et de la contribution au développement de l'apprentissage ainsi que son avenant n° 1 du 16 décembre 2008 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;
Vu le décret n° 2006-672 du 8 juin 2006 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Pascal Trouilly, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Delvolvé, Delvolvé, avocat de la fédération des entreprises du spectacle vivant, de la musique, de l'audiovisuel et du cinéma,
- les conclusions de Mme Claire Landais, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Delvolvé, Delvolvé, avocat de la fédération des entreprises du spectacle vivant, de la musique, de l'audiovisuel et du cinéma ;
Sur la légalité externe de la décision attaquée :
1. Considérant que, par la décision attaquée du 17 décembre 2009, le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville a refusé de procéder, sur le fondement de l'article L. 2261-15 du code du travail, à l'extension d'un accord national professionnel du 1er novembre 2008 et de son avenant du 16 décembre 2008 ; qu'il résulte des dispositions du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement que M. Jean-Denis A, nommé directeur général du travail par un décret publié au Journal officiel de la République française le 26 août 2006, avait du fait de cette nomination qualité pour signer, au nom du ministre, la décision en question ;
2. Considérant qu'il résulte des dispositions des articles L. 2271-1 et R. 2272-10 du code du travail que l'avis que la commission nationale de la négociation collective est chargée de donner sur l'extension et l'élargissement des conventions et accords collectifs peut être délibéré au sein de sa sous-commission des conventions et accords ; que selon l'article R. 2272-12 du même code, siègent dans cette sous-commission : " 1° Le ministre chargé du travail ou son représentant, président ; / 2° Le ministre chargé de l'agriculture ou son représentant ; / 3° Le ministre chargé de l'économie ou son représentant ; / 4° Cinq représentants des salariés, à raison d'un pour chacune des organisations syndicales représentées à la Commission nationale ; / 5° Cinq représentants des employeurs, à raison d'un au titre du Mouvement des entreprises de France (MEDEF), d'un au titre de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME), d'un au titre des professions agricoles, d'un au titre de l'Union professionnelle artisanale (UPA) et d'un au titre de l'Union nationale des professions libérales (UNAPL). " ;
3. Considérant, d'une part, que si certains membres de la sous-commission des conventions et accords n'étaient pas présents lors de la séance du 2 octobre 2009 au cours de laquelle elle a donné un avis sur l'extension de l'accord national professionnel du 1er novembre 2008 et de son avenant du 16 décembre 2008, il ressort des pièces du dossier que tous les membres de la commission avaient néanmoins été régulièrement convoqués ; que le quorum, égal à la moitié des membres présents en vertu de l'article 11 du décret du 8 juin 2006, était atteint ; que le directeur général du travail, représentant du ministre chargé du travail, a présidé la séance ; que le fonctionnaire de la direction générale de l'emploi et de la formation professionnelle représentait le ministre chargé de l'économie ; qu'enfin, si deux représentants d'employeurs avaient été convoqués au titre du siège unique réservé aux professions agricoles, il ressort des pièces du dossier qu'un seul représentant était effectivement présent ; que la fédération des entreprises du spectacle vivant, de la musique, de l'audiovisuel et du cinéma n'est ainsi pas fondée à soutenir que la procédure d'avis serait, pour ces différents motifs, entachée d'irrégularité ;
4. Considérant, d'autre part, que si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie ; que s'il n'est pas contesté qu'un représentant du ministre des transports a assisté à la séance de la sous-commission des conventions et accords du 2 octobre 2009, alors que selon les dispositions précitées de l'article R. 2272-12 du code du travail, le ministre des transports n'est pas membre de la sous-commission, il ne ressort pas des pièces du dossier que ce fonctionnaire aurait participé aux débats ; que, dans ces conditions, sa présence ne peut être regardée comme ayant, en l'espèce, exercé une influence sur le sens de la décision prise par le ministre du travail, ou privé d'une garantie les personnes intéressées par cette décision ; que cet autre moyen tiré de l'irrégularité de la consultation de la commission nationale de la négociation collective doit, dès lors, être également écarté ;
5. Considérant, enfin, que l'avis émis par la sous-commission des conventions et accords à l'issue de sa séance du 2 octobre 2009 rappelle la procédure suivie et les conditions de négociation de l'accord concerné ; qu'il mentionne les raisons pour lesquelles l'administration proposait de ne pas procéder à l'extension de cet accord et de son avenant, ainsi que les remarques formulées par les organisations syndicales présentes lors de la séance ; qu'une telle motivation répond aux exigences des articles L. 2261-24 et L. 2271-1 du code du travail ;
Sur la légalité interne de la décision attaquée :
6. Considérant qu'en vertu de l'article L. 6241-2 du code du travail, la fraction de la taxe d'apprentissage réservée au développement de l'apprentissage est versée par les employeurs, pour partie au Trésor public et pour partie sous la forme de concours financiers bénéficiant notamment aux centres de formation des apprentis et aux écoles d'enseignement technologique et professionnel, par l'intermédiaire d'un des organismes collecteurs mentionnés aux articles L. 6242-1 et L. 6242-2 du même code ; qu'il résulte de ces articles que le législateur a prévu que la collecte pourrait être effectuée par plusieurs organismes aussi bien nationaux que régionaux, et que pourraient notamment y participer, au niveau régional, les chambres consulaires ainsi que les syndicats, groupements professionnels ou associations agréés par l'autorité administrative ;
7. Considérant que l'accord national professionnel du 1er novembre 2008 et son avenant du 16 décembre 2008 ont pour objet de confier à une association nationale unique, dénommée Association professionnelle du spectacle et de l'audiovisuel, la collecte des versements effectués, au titre des dispositions rappelées ci-dessus, par les employeurs d'intermittents du spectacle signataires de l'accord ; que pour justifier son refus d'étendre cet accord et son avenant, le ministre du travail, de l'emploi et de la santé s'est d'abord fondé, dans les motifs de sa décision, sur leur illicéité au regard des dispositions précitées du code du travail permettant aux employeurs de choisir librement l'organisme collecteur ; qu'il invoque, en outre, dans son mémoire en défense communiqué à la fédération requérante, l'intérêt qui s'attache au maintien d'une certaine diversité d'organismes collecteurs, notamment régionaux, eu égard au rôle joué par ceux-ci dans la collecte de la taxe, la répartition de son produit entre les bénéficiaires, et l'animation, au niveau local, de réseaux regroupant ces bénéficiaires ; que contrairement à ce que soutient la fédération des entreprises du spectacle vivant, de la musique, de l'audiovisuel et du cinéma, ce motif revêt un caractère d'intérêt général qui était, en l'espèce, de nature à justifier légalement un refus d'étendre cet accord à l'ensemble des employeurs d'intermittents du spectacle ; qu'ainsi, le ministre n'a pas, en tout état de cause, fait une inexacte application des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 2261-15 du code du travail en refusant l'extension sollicitée, et n'a pas entaché sa décision de détournement de pouvoir ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la fédération des entreprises du spectacle vivant, de la musique, de l'audiovisuel et du cinéma n'est pas fondée à demander l'annulation pour excès de pouvoir de la décision qu'elle attaque ; que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la fédération des entreprises du spectacle vivant, de la musique, de l'audiovisuel et du cinéma est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la fédération des entreprises du spectacle vivant, de la musique, de l'audiovisuel et du cinéma et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.