Vu 1°/, sous le n° 340727, le pourvoi sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés les 21 juin, 1er septembre et 29 septembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Pierre A, demeurant, ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 08PA04923 du 20 avril 2010 en tant que la cour administrative d'appel de Paris a, d'une part, limité à la somme de 5 000 euros, y compris tous intérêts échus au jour de l'arrêt, le montant de la condamnation solidaire de La Poste et de l'Etat en réparation du préjudice subi ; d'autre part, annulé le jugement n° 0600297/5-2 du 24 juillet 2008 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande tendant à l'annulation des décisions implicites par lesquelles le ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi et le président de La Poste ont, respectivement, rejeté la demande de M. A tendant à obtenir réparation du préjudice subi en raison du blocage de sa carrière dans un corps de " reclassement " et à la condamnation solidaire de La Poste et de l'Etat à lui verser la somme de 80 000 euros en réparation des préjudices subis ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel et de capitaliser les intérêts échus en application de l'article 1154 du code civil ;
3°) de mettre à la charge de La Poste et de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu 2°/, sous le n° 341144, le pourvoi, enregistré le 5 juillet 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par lequel le ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 08PA04923 du 20 avril 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, sur la demande de M. Pierre A, d'une part, condamné solidairement La Poste et l'Etat à verser la somme de 5 000 euros y compris tous intérêts échus au jour de l'arrêt, d'autre part, annulé le jugement n° 0600297/5-2 du 24 juillet 2008 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande tendant à l'annulation des décisions implicites par lesquelles le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et le président de La Poste ont, respectivement, rejeté la demande de M. A tendant à obtenir réparation du préjudice subi en raison du blocage de sa carrière dans un corps de " reclassement " et à la condamnation solidaire de La Poste et de l'Etat à lui verser la somme de 80 000 euros en réparation des préjudices subis ;
2°) réglant l'affaire au fond, de confirmer le jugement de première instance ;
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Vu 3°/, sous le n° 341186, le pourvoi, enregistré le 5 juillet 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour La Poste, dont le siège est 44, boulevard de Vaugirard à Paris cedex 15 (75757) ; La Poste demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 08PA04923 du 20 avril 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, sur la demande de M. Pierre A, d'une part, condamné solidairement La Poste et l'Etat à verser la somme de 5 000 euros y compris tous intérêts échus au jour de l'arrêt, d'autre part, annulé le jugement n° 0600297/5-2 du 24 juillet 2008 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande tendant à l'annulation des décisions implicites par lesquelles le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et le président de La Poste ont, respectivement, rejeté la demande de M. A tendant à obtenir réparation du préjudice subi en raison du blocage de sa carrière dans un corps de " reclassement " et à la condamnation solidaire de La Poste et de l'Etat à lui verser la somme de 80 000 euros en réparation des préjudices subis ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la requête présentée par M. A devant la cour administrative d'appel de Paris ;
3°) de mettre à la charge de M. A le versement de la somme de 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 10 septembre 2012, présentée pour M. Pierre ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
Vu la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;
Vu la loi n° 2005-516 du 20 mai 2005 ;
Vu le décret n° 57-1319 du 21 décembre 1957 ;
Vu le décret n° 72-503 du 23 juin 1972 ;
Vu le décret n° 90-1224 du 31 décembre 1990 ;
Vu le décret n°90-1237 du 31 décembre 1990 ;
Vu le décret n° 92-929 du 7 septembre 1992 ;
Vu le décret n° 2009-1555 du 14 décembre 2009 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Stéphanie Gargoullaud, Maître des requêtes en service extraordinaire ,
- les observations de la SCP Ancel, Couturier-Heller, Meier-Bourdeau, avocat du ministre du redressement productif, de la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de M. A et de Maître Haas, avocat de La Poste,
- les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public,
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Ancel, Couturier-Heller, Meier-Bourdeau, avocat du ministre du redressement productif, à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de M. A et à Maître Haas, avocat de La Poste ;
Considérant que les pourvois formés par le ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, M. A et La Poste sont dirigés contre le même arrêt ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant qu'aux termes de l'article 29 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications : " Les personnels de La Poste et de France Télécom sont régis par des statuts particuliers, pris en application de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat (...) " ; que l'article 31 de la même loi a permis à La Poste d'employer, sous le régime des conventions collectives, des agents contractuels ;
Considérant qu'aux termes de l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " En vue de favoriser la promotion interne, les statuts particuliers fixent une proportion de postes susceptibles d'être proposés au personnel appartenant déjà à l'administration (...), non seulement par voie de concours (...) mais aussi par la nomination de fonctionnaires (...) suivant l'une des modalités ci-après : / 1° Examen professionnel ; / 2° Liste d'aptitude établie après avis de la commission paritaire du corps d'accueil (...) " ; qu'en vertu de l'article 58 de la loi du 11 janvier 1984 et des dispositions réglementaires prises pour son application, il appartient à l'autorité administrative, sauf à ce qu'aucun emploi vacant ne soit susceptible d'être occupé par des fonctionnaires à promouvoir, d'établir annuellement des tableaux d'avancement en vue de permettre l'avancement de grade ;
Considérant, d'une part, que la possibilité offerte aux fonctionnaires qui sont demeurés dans les corps dits de " reclassement " de La Poste de bénéficier, au même titre que les fonctionnaires ayant choisi d'intégrer les nouveaux corps dits de " reclassification " créés en 1993, de mesures de promotion organisées en vue de pourvoir des emplois vacants proposés dans ces corps de " reclassification ", ne dispensait pas le président de La Poste de faire application des dispositions de la loi du 11 janvier 1984 relatives au droit à la promotion interne dans le cadre des corps de " reclassement " ; qu'il appartenait, en outre, au ministre chargé des postes et télécommunications de veiller de manière générale au respect par La Poste de ce droit à la promotion interne, garanti aux fonctionnaires " reclassés " comme aux fonctionnaires " reclassifiés " de l'exploitant public par les dispositions combinées de la loi du 2 juillet 1990 et de la loi du 11 janvier 1984 ;
Considérant, d'autre part, que le législateur, par la loi du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales, en permettant à La Poste de ne recruter, le cas échéant, que des agents contractuels de droit privé, n'a pas entendu priver d'effet les dispositions de la loi du 11 janvier 1984 relatives au droit à la promotion interne à l'égard des fonctionnaires " reclassés " ; que, par suite, les décrets régissant les statuts particuliers des corps de " reclassement ", en ce qu'ils n'organisaient pas de voies de promotion interne autres que celles liées aux titularisations consécutives aux recrutements externes et privaient en conséquence les fonctionnaires " reclassés " de toute possibilité de promotion interne, étaient entachés d'illégalité ; qu'en faisant application de ces décrets illégaux et en refusant de prendre toute mesure de promotion interne au bénéfice des fonctionnaires " reclassés " au motif que ces décrets en interdisaient la possibilité, le président de La Poste a, de même, commis une illégalité ;
Considérant, en premier lieu, qu'en s'abstenant illégalement, ainsi qu'il vient d'être dit, de prendre les mesures susceptibles de permettre l'application du droit à la promotion interne garanti aux fonctionnaires " reclassés " comme de veiller au respect de ce droit, La Poste et l'Etat ont, respectivement, commis des fautes de nature à engager leur responsabilité ; que ce motif doit être substitué à celui retenu par la cour administrative d'appel, dont il justifie le dispositif ; que, par suite, les moyens de La Poste et du ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi dirigés contre l'arrêt en tant qu'il a retenu la responsabilité solidaire de La Poste et de L'Etat doivent être écartés ;
Considérant, en deuxième lieu, que la cour administrative d'appel a pu, sans erreur de droit ni erreur de qualification juridique, accorder à M. A une indemnité au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence à raison des fautes relevées, consistant à priver de manière générale les fonctionnaires " reclassés " de toute possibilité de promotion interne, alors même qu'au cas particulier M. A n'aurait pas eu de chances sérieuses d'obtenir une promotion ; qu'en déterminant le montant de l'indemnité due à M. A au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence, la cour a suffisamment motivé son arrêt et s'est livrée à une appréciation souveraine des faits de l'espèce, qui est exempte de dénaturation ;
Considérant, en troisième lieu, que la cour administrative d'appel s'est fondée, pour refuser d'accorder à M. A une indemnité au titre du préjudice de carrière, sur le motif que la promotion au choix ne constitue jamais un droit pour les fonctionnaires ; qu'en déduisant de ce seul motif la conséquence que M. A ne pouvait établir une perte de chance sérieuse de promotion, la cour a commis une erreur de droit ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que La Poste et le ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt attaqué mais que M. A, s'il n'est pas fondé à demander l'annulation de cet arrêt en tant qu'il lui a accordé une indemnité au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence, est fondé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens qu'il soulève à cette fin, à demander l'annulation de l'arrêt en tant qu'il a rejeté sa demande d'indemnité au titre du préjudice de carrière ;
Considérant qu'il y a lieu, par application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler dans cette mesure l'affaire au fond ;
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que M. A, fonctionnaire de l'administration des postes et télécommunications, ayant accédé au grade de chef de section en 1982, aurait eu, alors même qu'il remplissait les conditions statutaires pour être promu et compte tenu des appréciations portées sur sa manière de servir, une chance sérieuse d'accéder au corps supérieur des agents d'exploitation du service général des contrôleurs de La Poste, eu égard à la nature des fonctions susceptibles d'être confiées aux membres de ce corps, si des promotions avaient été organisées au bénéfice des fonctionnaires " reclassés " après 1993 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation du préjudice de carrière qu'il estime avoir subi ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par La Poste et M. A au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 20 avril 2010 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. A tendant à l'indemnisation du préjudice de carrière.
Article 2 : Le surplus des conclusions du pourvoi de M. A ainsi que les conclusions qu'il a présentées devant la cour administrative d'appel de Paris tendant à l'indemnisation du préjudice de carrière sont rejetés.
Article 3 : Les pourvois de La Poste et du ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi sont rejetés.
Article 4 : Les conclusions de La Poste et de M. A tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Pierre A, à La Poste et au ministre du redressement productif.