Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 décembre 2009 et 16 février 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Ngoc Dien B, demeurant au 19 bis, chemin de Thiou à Chaumes-en-Brie (77390) ; Mme B demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 08VE00776 du 15 septembre 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles, faisant droit à la requête de la société Alliance Support Services, d'une part, a annulé le jugement n° 0505696 du 20 décembre 2007 du tribunal administratif de Versailles annulant la décision du 29 avril 2005 du ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale autorisant son licenciement, d'autre part, a rejeté la demande de première instance de Mme B ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la société Alliance Support Services ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société Alliance Support Services une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jérôme Marchand-Arvier, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de Mme B et de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la société Alliance Support Services,
- les conclusions de M. Rémi Keller, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de Mme B et à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la société Alliance Support Services ;
1. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;
2. Considérant que la cour, qui n'avait pas à répondre à l'ensemble des arguments soulevés par la requérante à l'appui de ses moyens, a répondu à l'ensemble des moyens soulevés devant elle par Mme B et a ainsi suffisamment motivé son arrêt ;
3. Considérant que le refus opposé par un salarié protégé à un changement de ses conditions de travail décidé par son employeur en vertu, soit des obligations souscrites dans le contrat de travail, soit de son pouvoir de direction, constitue, en principe, une faute ; qu'en cas d'un tel refus, l'employeur, s'il ne peut directement imposer au salarié ledit changement, doit, sauf à y renoncer, saisir l'inspecteur du travail d'une demande d'autorisation de licenciement à raison de la faute qui résulterait de ce refus ; qu'après s'être assuré que la mesure envisagée ne constitue pas une modification du contrat de travail de l'intéressé, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'apprécier si le refus du salarié constitue une faute d'une gravité suffisante pour justifier l'autorisation sollicitée, compte tenu de la nature du changement envisagé, de ses modalités de mise en oeuvre et de ses effets, tant au regard de la situation personnelle du salarié, que des conditions d'exercice de son mandat ; qu'en tout état de cause, le changement des conditions de travail ne peut avoir pour objet de porter atteinte à l'exercice de ses fonctions représentatives ;
4. Considérant que la cour, après avoir constaté, sans dénaturation, que la proposition de poste refusée par l'intéressée, qui bénéficiait d'une voiture de fonction, ne constituait pas, compte tenu de la faible distance séparant son ancien lieu de travail du site envisagé, une modification du contrat de travail, a pu juger, sans erreur de qualification juridique, que le refus de Mme B d'accepter un tel changement de ses conditions de travail constituait un comportement fautif d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ; que, par suite, la cour a pu en déduire, sans entacher son arrêt d'erreur de droit, d'une part, que, le licenciement de Mme B était fondé sur un motif disciplinaire et non sur un motif économique, d'autre part, que le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure de fermeture du site de Saint Thibault des Vignes en l'absence de consultation du comité d'entreprise était sans incidence sur la régularité de la procédure de licenciement bien que cette fermeture ait justifié le transfert du lieu de travail de Mme B ;
5. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société Alliance Support Services qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la société Alliance Support Services au titre de ces dispositions ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de Mme B est rejeté.
Article 2 : Les conclusions de la société Alliance Support Services présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Ngoc Dien B et à la société Alliance Support Services.
Copie en sera adressée au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.