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16/01/2013 | FRANCE | N°361266

France | France, Conseil d'État, 1ère sous-section jugeant seule, 16 janvier 2013, 361266


Vu le pourvoi, enregistré le 23 juillet 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour M. B...A..., demeurant..., ; M. A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1203545 du 6 juillet 2012 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Versailles, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a rejeté sa demande tendant à la suspension de l'exécution de la délibération du 22 mars 2012 par laquelle l'office public de l'habitat (OPH) Versailles Habitat a exercé le droit de préemption

urbain sur l'immeuble situé 2, rue du Jeu-de-Paume à Versailles ;

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Vu le pourvoi, enregistré le 23 juillet 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour M. B...A..., demeurant..., ; M. A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1203545 du 6 juillet 2012 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Versailles, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a rejeté sa demande tendant à la suspension de l'exécution de la délibération du 22 mars 2012 par laquelle l'office public de l'habitat (OPH) Versailles Habitat a exercé le droit de préemption urbain sur l'immeuble situé 2, rue du Jeu-de-Paume à Versailles ;

2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande de suspension ;

3°) de mettre à la charge de l'OPH Versailles Habitat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que le remboursement, en application de l'article R. 761-1 du même code, de la contribution pour l'aide juridique comprise dans les dépens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Rémi Decout-Paolini, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de M.A..., de la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, avocat de l'OPH Versailles Habitat et de la SCP Gadiou, Chevallier, avocat de la commune de Versailles,

- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de M.A..., à la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, avocat de l'OPH Versailles Habitat et à la SCP Gadiou, Chevallier, avocat de la commune de Versailles ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 213-3 du code de l'urbanisme : " Le titulaire du droit de préemption peut déléguer son droit à l'Etat, à une collectivité locale, à un établissement public y ayant vocation ou au concessionnaire d'une opération d'aménagement. " ;

2. Considérant que les décisions individuelles par lesquelles un établissement public délégataire exerce, en application des dispositions citées ci-dessus de l'article L. 213-3 du code de l'urbanisme, le droit de préemption au nom d'une commune, ne peuvent être compétemment prises par cet établissement avant l'entrée en vigueur de l'acte réglementaire lui déléguant l'exercice du droit de préemption ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Versailles que la délibération litigieuse du 22 mars 2012 par laquelle l'office public de l'habitat (OPH) Versailles Habitat a exercé le droit de préemption urbain sur un immeuble d'habitation situé 2, rue du Jeu-de-Paume à Versailles, a été adoptée avant que le maire de Versailles n'ait délégué à cet office, par une décision du 27 mars 2012, le droit de préemption dont la ville de Versailles était titulaire ; que, par suite, en se fondant, d'une part, sur la circonstance que la délibération du 22 mars 2012 était soumise à la " condition suspensive " que l'office public de l'habitat se voie déléguer le droit de préemption urbain, et, d'autre part, sur le fait que l'exercice effectif du droit de préemption était postérieur à cette délégation, pour juger que le moyen tiré du vice d'incompétence entachant la délibération litigieuse n'était pas, en l'état de l'instruction, de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de cette délibération, le juge des référés a commis une erreur de droit ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que M. A...est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque ;

5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ;

7. Considérant qu'eu égard à l'objet d'une décision de préemption et à ses effets vis-à-vis de l'acquéreur évincé, la condition d'urgence doit en principe être constatée lorsque celui-ci demande la suspension d'une telle décision ; que M. A...bénéficie, en sa qualité d'acquéreur évincé, d'une telle présomption ; que si l'OPH Versailles Habitat invoque l'intérêt qui s'attache à la réalisation rapide du projet immobilier envisagé, qui bénéficie de financements et vise à accroître, dans un environnement caractérisé par la rareté du foncier disponible, l'offre de logements sociaux dans la commune de Versailles, ces seules circonstances ne sont pas, en l'espèce, de nature à faire obstacle à ce que la condition d'urgence prévue par l'article L. 521-1 du code de justice administrative soit regardée comme remplie ;

8. Considérant que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le moyen tiré de ce que l'OPH Versailles Habitat n'était pas compétent pour adopter la délibération litigieuse du 22 mars 2012 paraît, en l'état de l'instruction, de nature à créer doute sérieux quant à la légalité de cette délibération ;

9. Considérant en revanche que, pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, les autres moyens invoqués par M. A...et tirés premièrement de l'illégalité, en l'absence de fixation par le conseil municipal de Versailles des conditions d'une éventuelle subdélégation, de la délégation de l'exercice du droit de préemption urbain au maire de la commune ainsi que de la subdélégation consentie par ce dernier, deuxièmement de l'absence de caractère exécutoire de la délibération du 22 mars 2012 à défaut de transmission à l'autorité préfectorale, et enfin de l'absence de réalité et d'intérêt général suffisant du projet immobilier envisagé, ne sont pas, en l'état de l'instruction, propres à créer un doute sérieux sur la légalité de la délibération litigieuse ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de suspendre l'exécution de la délibération du 22 mars 2012 par laquelle l'OPH Versailles Habitat a décidé d'exercer le droit de préemption urbain sur le bien situé 2, rue du Jeu-de-Paume à Versailles ;

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de M.A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, les sommes que l'OPH Versailles Habitat et la commune de Versailles demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, d'une part, de mettre à la charge de l'OPH Versailles Habitat, sur le fondement des mêmes dispositions, le versement à M. A...de la somme de 4 500 euros au titre des frais qu'il a exposés tant en première instance qu'en cassation, d'autre part, de faire droit aux conclusions de M. A...tendant à ce que soit également mise à la charge de cet office, en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, la contribution pour l'aide juridique qu'il a acquittée en cassation ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Versailles du 6 juillet 2012 est annulée.

Article 2 : L'exécution de la délibération du 22 mars 2012 par laquelle l'office public de l'habitat (OPH) Versailles Habitat a exercé le droit de préemption urbain sur l'immeuble situé 2, rue du Jeu-de-Paume à Versailles est suspendue.

Article 3 : La contribution pour l'aide juridique acquittée par M. A...en cassation est mise à la charge de l'OPH Versailles Habitat.

Article 4 : L'OPH Versailles Habitat versera à M. A...une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions de l'OPH Versailles Habitat et de la commune de Versailles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. B...A..., à l'office public de l'habitat Versailles Habitat et à la commune de Versailles.

Copie en sera adressée pour information à la ministre de l'égalité des territoires et du logement ;


Synthèse
Formation : 1ère sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 361266
Date de la décision : 16/01/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 16 jan. 2013, n° 361266
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Rémi Decout-Paolini
Rapporteur public ?: M. Alexandre Lallet
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, THIRIEZ ; SCP POTIER DE LA VARDE, BUK LAMENT ; SCP GADIOU, CHEVALLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:361266.20130116
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