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15/05/2013 | FRANCE | N°352605

France | France, Conseil d'État, 5ème sous-section jugeant seule, 15 mai 2013, 352605


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 septembre et 30 novembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le centre hospitalier de Besançon, dont le siège est 2, place Saint-Jacques à Besançon Cedex (25030) ; le centre hospitalier de Besançon demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 1100290 du 12 juillet 2011 par lequel le tribunal administratif de Besançon a annulé la décision du 10 septembre 2010 par laquelle son directeur général a affecté Mme A...B...à l'institut de formation en soins in

firmiers et lui a enjoint de procéder à une nouvelle affectation de cette...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 septembre et 30 novembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le centre hospitalier de Besançon, dont le siège est 2, place Saint-Jacques à Besançon Cedex (25030) ; le centre hospitalier de Besançon demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 1100290 du 12 juillet 2011 par lequel le tribunal administratif de Besançon a annulé la décision du 10 septembre 2010 par laquelle son directeur général a affecté Mme A...B...à l'institut de formation en soins infirmiers et lui a enjoint de procéder à une nouvelle affectation de cette dernière, conforme à son statut, dans un délai de deux mois ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de MmeB... ;

3°) de mettre à la charge de Mme B...le versement d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le décret n° 89-611 du 1er septembre 1989 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie Gautier-Melleray, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat du centre hospitalier de Besançon et de la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, avocat de Mme B...,

- les conclusions de Mme Fabienne Lambolez, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat du centre hospitalier de Besançon et à la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, avocat de Mme B... ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que MmeB..., exerçant en tant que sage-femme cadre au sein du centre hospitalier universitaire (CHU) de Besançon, a été affectée, par une décision du directeur général du 10 septembre 2010, à un poste de formatrice au sein de l'institut de formation en soins infirmiers de ce CHU ; que, par un jugement du 12 juillet 2011, le tribunal administratif de Besançon a fait droit à sa demande d'annulation de cette décision et a enjoint au CHU de Besançon de l'affecter à un poste conforme à son statut dans un délai de deux mois ;

2. Considérant qu'aux termes des dispositions du premier alinéa de l'article 6 du décret du 1er septembre 1989 portant statut particulier des sages-femmes de la fonction publique hospitalière : " Les sages-femmes cadres sont chargées de fonctions d'encadrement correspondant à leur qualification : elles les exercent soit dans les services hospitaliers, soit dans les écoles relevant d'établissements d'hospitalisation publics préparant au diplôme d'Etat de sage-femme " ; qu'en se fondant sur ces dispositions, le tribunal administratif de Besançon a jugé que la décision du directeur du CHU de Besançon affectant Mme B...à un poste de formatrice au sein de l'institution de formation en soins infirmiers portait atteinte aux prérogatives que cette dernière tient de son statut et qu'elle était, par suite, illégale ; qu'en prononçant l'annulation de cette décision, sans rechercher si elle pouvait être justifiée par la manière de servir de Mme B... ou si elle avait été rendue nécessaire par l'intérêt du service, le tribunal administratif a commis une erreur de droit ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son jugement doit être annulé ;

3. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier universitaire de Besançon :

4. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le changement d'affectation de MmeB..., entraîne pour elle la perte d'avantages pécuniaires, ou un changement de résidence, ni qu'elle présente le caractère d'une sanction disciplinaire déguisée ; que, toutefois, en vertu des dispositions de l'article 6 du décret du 1er septembre 1989 précité, le cadre d'emploi auquel l'intéressée appartient ne lui donne pas vocation à assumer les fonctions de formatrice au sein d'un institut de formation en soins infirmiers, qui n'est ni un service hospitalier, ni une école relevant d'un établissement d'hospitalisation public préparant au diplôme d'Etat de sage-femme ; que, dès lors, la décision modifiant son affectation ne constitue pas une mesure d'ordre intérieur insusceptible de recours pour excès de pouvoir ; que, par suite, la demande de Mme B...tendant à l'annulation de la décision du 10 septembre 2010 est recevable ;

Sur la légalité de la décision du 10 septembre 2010 :

5. Considérant qu'en vertu des dispositions des articles L. 4151-1 à L. 4151-4 du code de la santé publique, l'exercice de la profession de sage-femme comporte la pratique des actes nécessaires au diagnostic, à la surveillance de la grossesse et à la préparation psychoprophylactique à l'accouchement, ainsi qu'à la surveillance et à la pratique de l'accouchement et des soins postnataux en ce qui concerne la mère et l'enfant ; que les sages-femmes peuvent également participer aux activités de procréation médicalement assistée, pratiquer certaines vaccinations et prescrire certains médicaments et dispositifs médicaux ; qu'aux termes de l'article R. 4311-1 du code de la santé publique : " L'exercice de la profession d'infirmier ou d'infirmière comporte l'analyse, l'organisation, la réalisation de soins infirmiers et leur évaluation, la contribution au recueil de données cliniques et épidémiologiques et la participation à des actions de prévention, de dépistage, de formation et d'éducation à la santé " ; que les instituts en soins infirmiers préparent leurs élèves au diplôme d'Etat d'infirmier, qui atteste des compétences professionnelles pour exercer les activités du métier d'infirmier ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'affectation de Mme B... comme formatrice au sein de l'institut de formation en soins infirmiers ne lui permet ni de pratiquer les activités de sa profession, ni de former les élèves de cet institut à ces activités, qui ne peuvent légalement être exercées par des infirmiers ; que le programme des cours attribués à Mme B... ne concerne que de manière marginale les thèmes de la grossesse, de la naissance et de l'accouchement ; que le CHU de Besançon ne soutient pas que cette affectation aurait été liée à la manière de servir de Mme B... ; que, par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle aurait été rendue nécessaire par l'intérêt du service, notamment du fait de l'absence de postes correspondant au statut et aux compétences de l'intéressée, ou bien de l'intérêt pédagogique pour l'institut de formation en soins infirmiers de disposer, au-delà de possibles interventions ponctuelles, d'un enseignant ayant le statut de sage-femme cadre ; que la décision du 10 septembre 2010 du directeur du CHU de Besançon est dès lors entachée d'illégalité ; qu'il suit de là que Mme B...est fondée à en demander l'annulation ;

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

7. Considérant que l'exécution de la présente décision implique nécessairement que le CHU de Besançon donne à Mme B...une affectation conforme à son statut ; que, dès lors, par application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, il y a lieu d'enjoindre au CHU de Besançon de procéder à une telle affectation dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de Mme B...qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CHU de Besançon la somme de 2 600 euros à verser à Mme B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Besançon du 12 juillet 2011 est annulé.

Article 2 : La décision du directeur général du centre hospitalier universitaire de Besançon du 10 septembre 2010 est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au centre hospitalier universitaire de Besançon de procéder à une nouvelle affectation de MmeB..., conforme à son statut, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 4 : Le centre hospitalier universitaire de Besançon versera à Mme B... une somme de 2 600 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions présentées par le centre hospitalier universitaire de Besançon est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée au centre hospitalier universitaire de Besançon et à Mme A...B....


Synthèse
Formation : 5ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 352605
Date de la décision : 15/05/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 15 mai. 2013, n° 352605
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Marie Gautier-Melleray
Rapporteur public ?: Mme Fabienne Lambolez
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; SCP POTIER DE LA VARDE, BUK LAMENT

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:352605.20130515
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