Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 mars et 22 juin 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme B...A..., demeurant... ; Mme A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 09VE03499 du 28 septembre 2010 de la cour administrative d'appel de Versailles en tant qu'il a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 0711963 du 15 juillet 2009 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande de condamnation de l'Etablissement français du sang (EFS) à réparer les conséquences dommageables résultant de sa contamination par le virus de l'hépatite C ;
2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Versailles et de condamner l'EFS ou l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme de 170 000 euros, assortie des intérêts de droit à compter de sa première demande et de la capitalisation des intérêts ;
3°) de mettre à la charge de l'EFS ou de l'ONIAM le versement d'une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ;
Vu l'ordonnance n° 2005-1087 du 1er septembre 2005 ;
Vu la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 ;
Vu les décrets n° 2010-251 et n° 2010-252 du 11 mars 2010 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Domitille Duval-Arnould, Maître des Requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de Mme A...et à la SCP Roger, Sevaux, avocat de l'Office national de l'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B...A...a demandé réparation à l'Etablissement français du sang (EFS) des conséquences dommageables de sa contamination par le virus de l'hépatite C, diagnostiquée en 1996, qu'elle estime imputables à des transfusions sanguines subies en 1983 au centre hospitalier d'Arpajon à la suite d'une fracture du péroné ; qu'elle se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 28 septembre 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté son appel dirigé contre le jugement du tribunal administratif de Versailles du 15 juillet 2009 ayant rejeté sa demande d'indemnisation ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé : " En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur. / Cette disposition est applicable aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable " ;
3. Considérant que la présomption prévue par les dispositions précitées est constituée dès lors qu'un faisceau d'éléments confère à l'hypothèse d'une origine transfusionnelle de la contamination, compte tenu de l'ensemble des éléments disponibles, un degré suffisamment élevé de vraisemblance ; que tel est normalement le cas lorsqu'il résulte de l'instruction que le demandeur s'est vu administrer, à une date où il n'était pas procédé à une détection systématique du virus de l'hépatite C à l'occasion des dons du sang, des produits sanguins dont l'innocuité n'a pas pu être établie, à moins que la date d'apparition des premiers symptômes de l'hépatite C ou de révélation de la séropositivité démontre que la contamination n'a pas pu se produire à l'occasion de l'administration de ces produits ; qu'eu égard à la disposition selon laquelle le doute profite en ce cas au demandeur, la circonstance que l'intéressé a été exposé par ailleurs à d'autres facteurs de contamination, résultant notamment d'actes médicaux invasifs ou d'un comportement personnel à risque, ne saurait faire obstacle à la présomption légale que dans le cas où il résulte de l'instruction que la probabilité d'une origine transfusionnelle est manifestement moins élevée que celle d'une origine étrangère aux transfusions ;
4. Considérant que pour estimer que Mme A... n'apportait pas un faisceau d'éléments conférant un degré suffisamment élevé de vraisemblance à l'hypothèse d'une contamination transfusionnelle, alors même qu'elle avait reçu certains produits sanguins dont l'innocuité n'avait pu être établie, la cour, se fondant sur le rapport d'expertise, a pris en compte, outre l'existence d'un risque de transmission du virus de l'hépatite C statistiquement très faible et la présence d'un ictère chez l'intéressée trois mois après une opération des varices en 1973, l'impossibilité de déterminer la cause exacte de l'hépatite et d'établir une hiérarchie entre une origine transfusionnelle, une origine nosocomiale ou toute autre cause ; qu'en se déterminant ainsi, sans retenir la probabilité d'une origine transfusionnelle manifestement moins élevée que celle d'une origine étrangère aux transfusions, les juges du fond ont méconnu la règle selon laquelle le doute profite au demandeur édictée par l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 et ainsi entaché leur arrêt d'une erreur de droit ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, Mme A...est fondée à en demander l'annulation ;
5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'ONIAM le versement à Mme A...de la somme de 3 000 euros au titre des sommes exposées par elles et non comprises dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt n° 09VE03499 de la cour administrative d'appel de Versailles du 28 septembre 2010 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Versailles.
Article 3 : L'ONIAM versera à Mme A...la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme B...A..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à l'Etablissement français du sang et à la Caisse du régime social des indépendants d'Ile de France Est.