Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 mars et 25 mai 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Hôtel Regina, dont le siège est 2 place des Pyramides, à Paris (75001), représentée par son représentant légal ; la société Hôtel Regina demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n°s 09PA03460 -09PA03734 du 18 janvier 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant, à l'annulation du jugement n° 0604940/3-2 du 8 avril 2009 du tribunal administratif de Paris annulant pour excès de pouvoir la décision du 27 janvier 2006 par laquelle le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement avait annulé la décision du 19 août 2005 de l'inspecteur du travail et autorisé le licenciement de Mme B...A...;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de Mme A...la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Louis Dutheillet de Lamothe, Auditeur,
- les conclusions de M. Rémi Keller, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, avocat de la société Hôtel Regina et à la SCP Thouin-Palat, Boucard, avocat de Mme A...;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Hôtel Regina Paris a sollicité, le 5 août 2005, l'autorisation de licencier MmeA..., déléguée du personnel titulaire et représentante du personnel au comité d'entreprise dans le collège des cadres, qui occupait les fonctions de gouvernante générale de l'hôtel depuis le 1er avril 2003 ; que l'autorisation de licenciement a tout d'abord été refusée le 19 août 2005 par décision de l'inspecteur du travail de Paris, puis accordée le 27 janvier 2006 sur recours hiérarchique de la société par le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement ; que, saisi par MmeA..., le tribunal administratif de Paris a annulé la décision ministérielle par un jugement du 8 avril 2009, que la cour administrative d'appel a confirmé par un arrêt du 18 janvier 2010, contre lequel la société Hôtel Regina se pourvoit en cassation ;
2. Considérant qu'en vertu des dispositions du premier alinéa de l'article L. 122-44 du code du travail alors en vigueur, aujourd'hui codifié à l'article L. 1332-4 du code du travail : " Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales. " ;
3. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, par un courrier en date du 6 août 2004, l'assistante de Mme A...a porté à la connaissance de la société Hôtel Régina le fait que Mme A...avait embauché, sur la base de documents administratifs falsifiés, une salariée étrangère dépourvue de titre de travail ; qu'à la suite de ce courrier, un représentant de l'employeur a tenu sur ce sujet une réunion avec l'assistante de Mme A...et un délégué syndical le 1er octobre 2004 ; que la société a eu dès cette date une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés à Mme A... et ayant servi de fondement à l'engagement d'une procédure de licenciement pour faute à l'encontre de cette salariée le 25 juillet 2005 ; qu'en particulier, si la société a cherché à parfaire et compléter son information en déposant le 6 octobre 2004 une main courante auprès des services de police, qui a conduit au déclenchement d'une enquête préliminaire, il est toutefois constant que l'état de l'information de la société Hôtel Régina n'était pas substantiellement différent le 25 juillet 2005, date d'engagement de la procédure de licenciement à l'encontre de MmeA..., de celui qui était le sien dès octobre 2004 ; que, par suite, en estimant que l'employeur avait eu une connaissance suffisamment précise de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés à Mme A...au plus tard dès octobre 2004, pour en déduire que la procédure engagée contre l'intéressée l'avait été en méconnaissance de l'article L. 122-44 du code du travail, la cour administrative d'appel de Paris, qui a suffisamment motivé son arrêt, n'a pas dénaturé les pièces du dossier qui lui étaient soumis ;
4. Considérant, en second lieu, qu'ainsi qu'il vient d'être dit, la société Hôtel Regina a eu connaissance des faits reprochés à Mme A...le 1er octobre 2004 ; que si une enquête préliminaire a été déclenchée à la suite du dépôt le 6 octobre 2004 d'une main courante par l'employeur auprès des services de police, cet acte n'a pas eu pour effet de mettre en mouvement l'action publique, qui est déclenchée par l'ouverture d'une information sur réquisitoire du ministère public, une plainte avec constitution de partie civile ou une citation directe de la victime ; que, dès lors, en jugeant que le dépôt de la main courante et le déclenchement d'une enquête préliminaire ne pouvaient être regardés comme constituant l'exercice de poursuites pénales au sens de l'article L. 122-44 du code du travail et en en déduisant, en l'absence de tout acte mettant en mouvement l'action publique dans le délai de deux mois prévu par ce même article, qu'à la date du 25 juillet 2005 à laquelle une procédure de licenciement a été engagée à l'encontre de MmeA..., les faits reprochés à cette dernière étaient prescrits, la cour administrative d'appel de Paris n'a pas commis d'erreur de droit ;
5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de la société Hôtel Regina doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la société Hôtel Regina est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Hôtel Regina, à Mme B...A...et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.