Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 janvier et 6 avril 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour
la société La Halle, dont le siège est 28, avenue de Flandre à Paris (75019), représentée par ses dirigeants ; la société demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 10PA05820 du 9 novembre 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 0814878 du 7 octobre 2010 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des droits de taxe pour le développement des industries de l'habillement mis à sa charge au titre des années 2004, 2005, 2006 et 2007 ainsi que des pénalités correspondantes, d'autre part, à ce que soit prononcée la décharge de ces droits et pénalités ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge du Comité de développement et de promotion du textile et de l'habillement la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu la loi n° 2003-1312 du 30 décembre 2003 de finances rectificative pour 2003 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Marc Vié, Maître des Requêtes,
- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la société La Halle et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat du Comité de développement et de promotion de l'habillement ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que le Comité de développement et de promotion du textile et de l'habillement a émis, le 17 décembre 2007, un titre de perception correspondant à des droits de taxe pour le développement des industries de l'habillement mis à la charge de la société La Halle au titre des années 2004 à 2007 ; que celle-ci se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 9 novembre 2011 qui a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 7 octobre 2010 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge de ces droits et des pénalités correspondantes ;
2. Considérant qu'en vertu du I du D de l'article 71 de la loi du 30 décembre 2003 de finances rectificative pour 2003 : " Il est institué une taxe pour le développement des industries de l'habillement (...) " ; que, selon le II du D de ce même article, la taxe pour le développement des industries de l'habillement " est due par les fabricants établis en France et les importateurs des produits du secteur de l'habillement. (...) / Constituent des fabricants au sens de l'alinéa précédent les entreprises qui : (...) 2° Conçoivent ces produits et les font fabriquer par un tiers, quel que soit le lieu de fabrication : a) Soit en lui fournissant les matières premières ; b) Soit en lui imposant des techniques faisant l'objet de brevets, des procédés, des formules ou des plans, dessins ou modèles, dont elles ont la jouissance ou l'exclusivité ; c) Soit en lui faisant apposer des griffes ou des marques dont elles ont la jouissance ou l'exclusivité (...) " ; que le III du D de cet article précise que la taxe est assise sur le chiffre d'affaires hors taxes réalisé au titre des opérations de ventes, de prestations de services ou opérations à façon, sur un montant représentant 60 % du chiffre d'affaires hors taxes réalisé sur les ventes au détail par les fabricants, et sur la valeur en douane appréciée au moment de l'importation sur le territoire national pour les importations ; qu'aux termes du IV du D du même article : " Les opérations suivantes sont exonérées de la taxe : 1° Les reventes en l'état ; [...] " ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires dont elles sont issues, qu'ont notamment la qualité de fabricants, au sens du II du D de l'article 71 de la loi du 30 décembre 2003, et sont assujetties à la taxe pour le développement des industries de l'habillement, les entreprises qui conçoivent des produits du secteur de l'habillement en faisant apposer par un tiers, quel que soit le lieu de fabrication, des griffes ou des marques dont elles ont la jouissance ou l'exclusivité ; que sont exonérées de cette taxe, en vertu du 1° du IV du D de ce même article, les opérations de revente en l'état, qui portent sur des produits sur lesquels le fabricant n'a procédé à aucune intervention de nature à en modifier les caractéristiques essentielles ; que l'opération consistant pour une société à faire apposer des griffes ou marques dont elle détient les droits sur des produits textiles a pour effet de modifier les caractéristiques essentielles de ces produits et fait obstacle à ce que leur vente soit regardée comme une revente en l'état exonérée ;
3. Considérant que la cour a relevé que la société La Halle a pour activité l'achat, auprès d'opérateurs du monde entier, de produits textiles finis sur lesquels elle fait apposer ses marques avant de les mettre en vente, principalement par l'intermédiaire de son réseau de magasins ; qu'elle n'a pas commis d'erreur de droit en déduisant des faits qu'elle a ainsi relevés, d'une part, que la société requérante était un fabricant au sens du c) du 2° du II du D de l'article 71 de la loi du 30 décembre 2003 et, d'autre part, qu'elle ne pouvait prétendre à l'exonération mentionnée au IV du même article en faveur des reventes en l'état ;
4. Considérant, par ailleurs, qu'aux termes du VIII du D de l'article 71 de la loi du 30 décembre 2003 : " 1. Lorsque le montant de la taxe dû au titre d'une année est supérieur à 1 000 euros, les redevables déposent, au plus tard le 25 de chaque mois de l'année suivante, la déclaration du chiffre d'affaires imposable qu'ils ont réalisé le mois précédent. (...) " ; que selon le XI de ce même article, dans sa rédaction applicable aux taxes en litige : " Le comité contrôle les déclarations mentionnées au VIII. A cette fin, son directeur ou les agents qu'il a dûment habilités peuvent demander aux redevables de la taxe tous renseignements, justifications ou éclaircissements relatifs à ces déclarations sous les garanties du secret professionnel tel qu'il est défini par l'article L. 103 du livre des procédures fiscales. / (...) Lorsque le redevable n'a pas déposé la déclaration prévue au VIII, une lettre de mise en demeure avec accusé de réception lui est adressée par le directeur du comité. A défaut de régularisation dans un délai de trente jours à compter du jour de la réception de cette mise en demeure, les agents chargés du contrôle procèdent à la taxation d'office. A cette fin, ils peuvent fixer la base d'imposition notamment par référence au chiffre d'affaires réalisé par une ou plusieurs entreprises comparables. Les droits notifiés sont assortis d'une majoration de 40 % (...) " ;
5. Considérant que, pour écarter le moyen tiré de ce que la société La Halle ne pouvait faire l'objet de la majoration des droits de 40 % prévue par le XI du D de l'article 71 de la loi du 30 décembre 2003, la cour a relevé que la société avait été mise en demeure par le Comité de développement et de promotion du textile et de l'habillement de déposer les déclarations de chiffres d'affaires requises par le VIII du D du même article, pour les années 2004 à 2006, par une première correspondance datée du 28 août 2006, qui lui indiquait qu'en l'absence de réponse dans un délai de trente jours, les bases imposables seraient fixées par voie de taxation d'office et que les droits notifiés seraient assortis d'une majoration de 40 % ; que la cour a précisé que la société n'avait pas donné suite à cette mise en demeure et qu'elle avait à nouveau, par une réponse du 31 août 2007, renouvelée le 15 octobre 2007, refusé d'accéder à la demande qui lui avait été faite le 26 juillet 2007 de justifier des chiffres d'affaires soumis à la taxe pour le développement des industries de l'habillement ; que la cour a également constaté qu'à la suite d'une nouvelle mise en demeure portant sur l'année 2007, reçue le 4 mars 2008, de régulariser sa situation dans un délai de trente jours et l'informant des conséquences auxquelles elle s'exposerait si elle persistait dans son comportement, la société s'était bornée à répondre, le 2 avril 2008, qu'aucune taxe n'était due par elle au titre des années 2004 à 2007 ; que la cour a déduit de ces circonstances que le Comité de développement et de promotion du textile et de l'habillement était en droit, le 19 octobre 2007 pour les années 2004, 2005 et 2006, puis le 9 juillet 2008, pour l'année 2007, de rappeler, par voie de taxation d'office, les droits de taxe pour le développement des industries de l'habillement dus par la société La Halle et d'assortir ces derniers de la majoration de 40 % prévue par les dispositions du XI du D de l'article 71 de la loi du 30 décembre 2003 ; que la cour, qui doit ainsi être regardée comme ayant implicitement mais nécessairement écarté l'argument selon lequel les réponses fournies valaient dépôt des déclarations sollicitées, a suffisamment motivé son arrêt sur ce point ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de la société La Halle doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société La Halle une somme de 3 000 euros à verser au Comité de développement et de promotion du textile et de l'habillement au titre des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de la société La Halle est rejeté.
Article 2 : La société La Halle versera la somme de 3 000 euros au Comité de développement et de promotion du textile et de l'habillement au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société La Halle et au Comité de développement et de promotion du textile et de l'habillement.
Copie en sera adressée, pour information, au ministre de l'économie et des finances.