Vu le pourvoi, enregistré le 27 avril 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour la sociétéG..., dont le siège est 162, avenue de Stalingrad à Colombes (92702), M. D...G..., demeurant..., Mme F...K...G..., demeurant..., Mme B...H..., demeurant..., Mme C...J...G..., demeurant ...et Mme A...I...E..., demeurant ... ; la société G...et autres demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 11BX01933 du 1er mars 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a, d'une part, annulé le jugement n° 0500083/0700907 du 20 décembre 2007 en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif de Limoges a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 juin 2007 du maire du Palais-sur-Vienne (Haute-Vienne) les mettant en demeure de prendre toutes mesures à l'effet d'éliminer les déchets se trouvant sur leur propriété située au lieu-dit " Le Puy-Moulinier ", avant le 31 juillet 2007, faute de quoi il y serait procédé d'office à leurs frais, et, d'autre part, rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la directive 2006/12/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2006 ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Sophie Roussel, Auditeur,
- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de la sociétéG..., de M.G..., de MmeG..., de MmeH..., de Mme G...et de Mme E...et à la SCP Thouin-Palat, Boucard, avocat de la commune du Palais-sur-Vienne ;
1. Considérant que les articles L. 541-1 à L. 541-3 du code de l'environnement résultent de la transposition des articles 1er, 8 et 17 de la directive du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2006 relative aux déchets ; qu'aux termes du II de l'article L. 541-1 du code, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté litigieux : " Est un déchet au sens du présent chapitre tout résidu d'un processus de production, de transformation ou d'utilisation, toute substance, matériau, produit ou plus généralement tout bien meuble abandonné ou que son détenteur destine à l'abandon. " ; qu'aux termes de l'article L. 541-2 du même code : " Toute personne qui produit ou détient des déchets dans des conditions de nature à produire des effets nocifs sur le sol, la flore et la faune, à dégrader les sites ou les paysages, à polluer l'air ou les eaux, à engendrer des bruits et des odeurs et, d'une façon générale, à porter atteinte à la santé de l'homme et à l'environnement, est tenue d'en assurer ou d'en faire assurer l'élimination conformément aux dispositions du présent chapitre, dans des conditions propres à éviter lesdits effets. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 541-3 : " En cas de pollution des sols, de risque de pollution des sols, ou au cas où des déchets sont abandonnés, déposés ou traités contrairement aux prescriptions du présent chapitre et des règlements pris pour leur application, l'autorité titulaire du pouvoir de police peut, après mise en demeure, assurer d'office l'exécution des travaux nécessaires aux frais du responsable. (...) " ;
2. Considérant que sont responsables des déchets au sens de ces dispositions, interprétées à la lumière des dispositions des articles 1er, 8 et 17 de la directive du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2006 relative aux déchets, les seuls producteurs ou autres détenteurs des déchets ; qu'en l'absence de tout producteur ou de tout autre détenteur connu, le propriétaire du terrain sur lequel ont été déposés des déchets peut être regardé comme leur détenteur au sens de l'article L. 541-2 du code de l'environnement, notamment s'il a fait preuve de négligence à l'égard d'abandons sur son terrain, et être de ce fait assujetti à l'obligation d'éliminer ces déchets ;
3. Considérant, en premier lieu, qu'en se fondant sur la double circonstance, d'une part, que la société Eureca, qui était détentrice des déchets, n'existait plus, d'autre part, de ce que les requérants, propriétaires du terrain sur lequel les déchets étaient présents, avaient eu un comportement négligent à leur égard, pour juger que le maire de la commune du Palais-sur-Vienne avait pu les regarder comme détenteurs des déchets présents sur leur terrain au sens des dispositions de l'article L. 541-2 et faire reposer sur eux la charge financière des travaux nécessaires à leur élimination, la cour administrative d'appel de Bordeaux n'a pas commis d'erreur de droit ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que la cour administrative d'appel de Bordeaux a notamment relevé que les déchets litigieux résultaient pour l'essentiel de l'exploitation antérieure de l'activité de régénération de caoutchouc par la sociétéG..., que les requérants s'étaient abstenus de toute surveillance et de tout entretien du terrain en vue, notamment, de limiter les risques de pollution de la Vienne et les risques d'incendie, ni procédé à aucun aménagement de nature à faciliter l'accès au site des services de secours et de lutte contre l'incendie et qu'ils n'avaient pris aucune initiative pour assurer la sécurité du site ni pour faciliter l'organisation de l'élimination des déchets ; qu'elle a au contraire relevé que M. G... avait chargé une entreprise de travaux publics, sans autorisation préalable, d'enfouir les déchets dans les dépressions naturelles du site pour les faire disparaître et avait d'ailleurs été condamné à raison de ces faits pour exploitation sans autorisation d'une installation classée pour la protection de l'environnement par un arrêt du 3 novembre 1993 de la cour d'appel de Limoges, confirmé par la Cour de cassation, et que la société G...avait refusé à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie l'autorisation de pénétrer sur le site pour en évacuer les produits toxiques et en renforcer la sécurité ; qu'au vu de l'ensemble des circonstances qu'elle a ainsi relevées, la cour administrative d'appel de Bordeaux, qui a suffisamment répondu aux moyens soulevés devant elle sans entacher son arrêt de contradiction de motifs, a donné aux faits qui lui étaient soumis une exacte qualification juridique et n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que les requérants avaient fait preuve de négligence à l'égard des abandons de déchets sur leur terrain et en en déduisant qu'ils devaient être regardés comme détenteurs de ces déchets au sens de l'article L. 541-2 du code de l'environnement ;
5. Considérant, en dernier lieu, que le moyen tiré de ce que la charge financière qui serait susceptible de peser sur les requérants au titre de la réalisation des travaux d'élimination des déchets présents sur le terrain serait manifestement disproportionnée n'a pas été soulevé devant la cour ; que les requérants ne peuvent dès lors l'invoquer utilement pour contester le bien-fondé de l'arrêt attaqué ; qu'il ne peut, par voie de conséquence, qu'être écarté ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de la société G...et autres doit être rejeté ;
7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge la sociétéG..., de M. D...G..., de Mme F...G..., de Mme B...H..., de Mme C...G...et de Mme A...E...la somme de 500 euros à verser chacun à la commune du Palais-sur-Vienne au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune du Palais-sur-Vienne qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de la société G...et autres est rejeté.
Article 2 : La sociétéG..., M. D...G..., Mme F...G..., Mme B...H..., Mme C...G...et Mme A...E...verseront chacun une somme de 500 euros à la commune du Palais-sur-Vienne.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la sociétéG..., premier requérant dénommé et à la commune du Palais-sur-Vienne. Les autres requérants seront informés de la présente décision par la SCP de Chaisemartin-Courjon, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, qui les représente devant le Conseil d'Etat.
Copie en sera adressée pour information au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.