Vu la requête, enregistrée le 21 février 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la société Bolloré Energie, ayant son siège à Odet, Ergue Gaberic (29500) ; la société Bolloré Energie demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la circulaire de la direction générale des douanes et droits indirects du 28 septembre 2012 relative à la contribution exceptionnelle sur la valeur des stocks de produits pétroliers issue de la loi de finances rectificative pour 2012 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 20 janvier 2014, présentée par la société Bolloré Energie ;
Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, notamment ses articles 28 à 37 ;
Vu la directive 2003/96/CE du Conseil du 27 octobre 2003 ;
Vu la directive 2008/118/CE du Conseil du 16 décembre 2008 ;
Vu le code des douanes ;
Vu le code général des impôts ;
Vu la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Marc Vié, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, avocat du ministre de l'économie et des finances ;
1. Considérant que la directive 2008/118/CE du Conseil du 16 décembre 2008 relative au régime général d'accise et abrogeant la directive 92/12/CEE établit le régime général des droits d'accise frappant notamment, conformément au 1 de son article premier, les produits énergétiques relevant de la directive 2003/96/CE du Conseil restructurant le cadre communautaire de la taxation des produits énergétiques et de l'électricité ; qu'aux termes du 2 de cet article : " Les États membres peuvent, à des fins spécifiques, prélever des taxes indirectes supplémentaires sur les produits soumis à accise, à condition que ces impositions respectent les règles de taxation communautaires applicables à l'accise ou à la taxe sur la valeur ajoutée pour la détermination de la base d'imposition, le calcul, l'exigibilité et le contrôle de l'impôt, ces règles n'incluant pas les dispositions relatives aux exonérations. " ;
2. Considérant que la circulaire attaquée précise les modalités déclaratives relatives à la contribution exceptionnelle sur la valeur des stocks de produits pétroliers ; qu'elle rappelle que doivent acquitter cette taxe les opérateurs propriétaires au 4 juillet 2012 de produits pétroliers mentionnés au tableau B du 1 de l'article 265 du code des douanes placés sous un régime fiscal suspensif et que le montant de cette contribution est calculé, pour chacun de ces produits, à partir de la valeur de la moyenne des stocks détenus au dernier jour des trois derniers mois de l'année 2011, sur la base d'un taux fixé à 4 % de cette valeur ; que cette valeur est en outre définie comme étant en principe la valeur imposable à la taxe sur la valeur ajoutée applicable au dernier quadrimestre 2011, telle que précisée par l'article 298 du code général des impôts, sauf dans certaines hypothèses limitativement énumérées où elle est égale à la valeur comptable de valorisation des stocks au 31 décembre 2011 ; que la contribution est exigible au 1er octobre 2012 ;
3. Considérant que les produits pétroliers dont la valeur des stocks sert d'assiette à la contribution exceptionnelle, définis comme ceux mentionnés au tableau B du 1 de l'article 265 du code des douanes placés sous un régime fiscal suspensif, constituent des produits énergétiques relevant de la directive 2003/96/CE, ainsi soumis à accise au sens de la directive 2008/118/CE du Conseil du 16 décembre 2008 ; que, toutefois, la contribution exceptionnelle en litige constitue une imposition assise, non sur la consommation des produits énergétiques concernés, mais sur le patrimoine d'entreprises du secteur pétrolier tel que figurant à leurs bilans au dernier quadrimestre 2011, indépendamment de tout processus de mise en consommation ; que le fait générateur de la contribution est, dès lors, la détention de stocks de tels produits, et non leur production ou leur importation sur le territoire d'un pays de l'Union, au sens de l'article 2 de la directive 2008/118/CE ; qu'elle est calculée en fonction de la valeur du patrimoine concerné des contribuables et non selon des unités de mesures quantitatives des produits en cause ; qu'enfin, la contribution est exigible, ainsi que le précise la circulaire attaquée, à la date fixe du 1er octobre 2012, sans être liée à une mise en consommation dans l'Etat membre concerné au sens de l'article 7 de la même directive ; qu'il en résulte que la contribution exceptionnelle en litige ne présente, contrairement à ce que soutient la société requérante, ni le caractère d'une accise, ni la nature d'une taxe indirecte supplémentaire prélevée sur des produits soumis à accise au sens de cette directive ; que, dès lors qu'elle n'entre pas dans le champ d'application de cette dernière, le moyen tiré de ce que la circulaire attaquée porterait atteinte à l'économie générale et à l'effet utile de cette directive et méconnaîtrait le principe de proportionnalité doit être écarté ;
4. Considérant qu'en imposant la valeur des stocks de produits pétroliers détenus par toutes les entreprises détenant, en France, de tels produits à une période donnée, la contribution en litige n'institue pas de régime discriminatoire à l'égard d'entreprises ou de produits étrangers, ou protecteur à l'égard d'entreprises ou de produits français ; qu'ainsi, elle ne peut être regardée comme frappant des produits importés ou exportés vers ou depuis des Etats membres et comme ayant eu pour effet d'en altérer le prix avec la même incidence qu'un droit de douane ; qu'eu égard au fait que cette contribution frappe la valeur de stocks constitués antérieurement à la publication de la circulaire attaquée, et à la circonstance qu'elle présente un caractère exceptionnel, la contribution litigieuse ne saurait davantage être regardée comme ayant eu pour effet de faire obstacle à la circulation de produits pétroliers au sein de l'Union ou de dissuader les acteurs économiques de stocker de tels produits en France ; qu'il en résulte que la circulaire attaquée n'a pas méconnu le principe de libre circulation des marchandises mentionné aux articles 28 à 37 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre, la requête de la société Bolloré Energie doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la société Bolloré Energie est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Bolloré Energie et au ministre de l'économie et des finances.