Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 juillet et 25 octobre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. C... D..., demeurant au... ; M. D...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 11LY02612 du 25 mai 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté son appel contre le jugement n° 1100094 du 22 septembre 2011 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand rejetant sa demande tendant à l'annulation de la décision du 2 juillet 2010 du préfet du Cantal prorogeant de deux mois le délai d'instruction de sa demande d'autorisation d'exploiter et de l'arrêté du préfet du Cantal du 16 novembre 2010 en tant qu'il refuse l'autorisation d'exploiter des parcelles situées à Saint-Simon appartenant à M. A...;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code rural et de la pêche maritime ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Leïla Derouich, auditeur,
- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de M. D...et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. A...;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. C... D..., après avoir obtenu du tribunal paritaire des baux ruraux de Murat la cession du bail consenti à ses parents, a demandé le 26 mai 2010 au préfet du Cantal l'autorisation d'exploiter une surface de 45 hectares 90 ares de terres situées sur le territoire de la commune de Saint-Simon ; que, par un jugement du 22 septembre 2011, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de la décision du préfet du Cantal du 2 juillet 2010 prorogeant de deux mois le délai d'instruction de sa demande et, d'autre part, de l'arrêté préfectoral du 16 novembre 2010 lui refusant l'autorisation sollicitée ; qu'il se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon qui a rejeté son appel ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du I de l'article R. 331-6 du code rural et de la pêche maritime : " Le préfet dispose d'un délai de quatre mois à compter de la date d'enregistrement du dossier complet mentionnée dans l'accusé de réception pour statuer sur la demande. / Il peut, par décision motivée, fixer ce délai à six mois à compter de cette date, notamment en cas de candidatures multiples soumises à l'avis de la commission départementale d'orientation de l'agriculture ou de consultation du préfet d'un autre département. Il en avise alors les intéressés dans les meilleurs délais par lettre recommandée avec accusé de réception ou remise contre récépissé " ; que, selon le second alinéa du III du même article " A défaut de notification d'une décision dans le délai de quatre mois à compter de la date d'enregistrement du dossier ou, en cas de prorogation de ce délai, dans les six mois à compter de cette date, l'autorisation est réputée accordée (...) " ;
3. Considérant que la lettre par laquelle le préfet informe le demandeur que le délai d'instruction de sa demande d'autorisation d'exploiter est porté de quatre à six mois en application de ces dispositions revêt le caractère d'une mesure préparatoire et n'est pas susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; que la circonstance que le délai d'instruction ait été prolongé dans des conditions irrégulières peut toutefois être invoquée à l'appui d'un recours dirigé contre la décision rendue sur la demande d'autorisation d'exploitation, lorsque, du fait d'une évolution des circonstances de droit ou de fait intervenue pendant la prolongation, celle-ci a eu une incidence sur le sens de la décision ; qu'il suit de là que la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que la lettre du préfet du Cantal du 2 juillet 2010 prolongeant le délai d'instruction de la demande d'autorisation d'exploiter déposée par M. C...D...présentait le caractère d'une mesure préparatoire ne faisant pas grief ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du I de l'article R. 331-5 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction issue du décret du 14 mai 2007 : " Les demandes d'autorisation d'exploiter sont soumises à l'avis de la commission départementale d'orientation de l'agriculture instituée aux articles R. 313-1 et suivants. Lorsque des candidatures concurrentes ont été enregistrées sur tout ou partie des biens qui font l'objet de la demande, l'ensemble des dossiers portant sur ces biens est soumis à la même séance de la commission. / Les candidats, les propriétaires et les preneurs en place sont informés par lettre recommandée avec accusé de réception ou remise contre récépissé de la date d'examen des dossiers les concernant par la commission " ; que ce décret a par ailleurs abrogé les dispositions qui figuraient auparavant au cinquième alinéa de l'article R. 331-4 du même code, selon lesquelles le service chargé d'instruire la demande d'autorisation informait le demandeur, le propriétaire et le preneur en place qu'ils pouvaient présenter des observations écrites et, à leur demande, être entendus par la commission départementale d'orientation de l'agriculture ; que la cour n'a pas commis d'erreur de droit en retenant, par adoption des motifs des premiers juges, qu'en dehors de la formalité d'information prévue au I de l'article R. 331-5, à laquelle il n'était pas allégué que le préfet n'eût pas satisfait, aucune disposition législative ou réglementaire en vigueur à la date de la décision litigieuse ne faisait obligation à cette autorité de permettre l'audition de M. D... devant la commission départementale d'orientation de l'agriculture ou de lui communiquer le dossier déposé par son concurrent ;
5. Considérant, en troisième lieu, que les éléments de nature à justifier l'octroi ou le refus de l'autorisation doivent être appréciés à la date à laquelle intervient la décision préfectorale ; que la circonstance qu'une première décision d'autorisation d'exploiter a été annulée et que l'intéressé a saisi l'administration d'une seconde demande est sans incidence sur l'application de ce principe ; que c'est dès lors à bon droit que la cour a jugé que le préfet devait prendre en compte les éléments de fait et de droit existant à la date de la décision attaquée et non, comme le soutenait M.D..., à la date de sa première demande ;
6. Considérant, enfin qu'aux termes du premier alinéa du II de l'article R. 331-6 du code rural et de la pêche maritime : " La décision d'autorisation ou de refus d'exploiter prise par le préfet doit être motivée au regard des critères énumérés à l'article L. 331-3 ", lequel prévoit que l'administration doit " 1° observer l'ordre des priorités établi par le schéma départemental entre l'installation des jeunes agriculteurs et l'agrandissement des exploitations agricoles (...)" ; que si le préfet doit, en vertu de ces dispositions, motiver sa décision, il ne saurait être tenu de se prononcer expressément sur chacun des critères dont ces dispositions prescrivent de tenir compte ; que l'arrêté préfectoral attaqué, après avoir cité les textes applicables, indique que les demandes présentées par MM. D... et E...sont classées en 1ère catégorie " installation ", en application des articles 5, 6 et 9 du schéma directeur départemental des structures agricoles, qu'en application de l'article 7 du schéma il est tenu compte comme critère de priorité de l'installation d'un jeune agriculteur pouvant prétendre aux aides à l'installation, qu'au regard de son âge M. D...ne peut prétendre à ces aides et que sa demande relève d'un rang de priorité inférieur à celle de M. E... ; que, dès lors, la cour n'a pas entaché son jugement de dénaturation en estimant que l'arrêté préfectoral attaqué était pas suffisamment motivé ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 25 mai 2012 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D...une somme de 3 000 euros qui sera versée à M. A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées au même titre par M.D... ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de M. D...est rejeté.
Article 2 : M. D...versera à M. A...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. C...D..., à M. B...A...et au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.